jeudi 25 mars 2021

Un petit parti islamiste, l’autre « faiseur de roi » ?


Israël s’est réveillé hier avec une surprise de taille au lendemain des élections législatives : l’entrée au Parlement d’une petite formation islamiste dont l’appui pourrait être crucial pour former un gouvernement. Les sondages à la sortie des urnes ne donnaient pas cher de la peau de Mansour Abbas mais, à mesure du dépouillement des bulletins, il est clairement apparu que son parti, Raam, allait entrer au Parlement........Détails........

D’après le décompte de quelque 90 % des votes, le Raam a recueilli au moins 155 000 voix sur les 4,42 millions exprimées au total. Soit au moins 3,5 %, donc supérieur au seuil de 3,25 % permettant à une formation de siéger à la Knesset. Selon les projections, cela donnerait cinq députés à la formation de M. Abbas qui a quitté ces derniers mois la « Liste unie » des partis arabes pour mener sa propre campagne.

Pronormalisation

Les Arabes israéliens, descendants des Palestiniens restés sur leurs terres à la création d’Israël en 1948, constituent environ 20 % de la population israélienne. Cette minorité est aux prises avec une vague de violence intracommunautaire et accusant  les autorités de ne pas vraiment enquêter sur ces violences. 
Or Mansour Abbas, dentiste de formation, a brisé un tabou en se disant « prêt » à travailler avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu afin de lutter contre ces violences, ce qui a favorisé son départ de la liste des partis arabes.
M. Abbas est issu du Mouvement islamique, une organisation de défense des intérêts des musulmans qui s’était scindée en deux branches dans les années 1990 : la branche Nord opposée aux accords de paix d’Oslo entre Israël et les Palestiniens, et la branche Sud favorable à ces accords. 
Mansour Abbas, qui vit dans le nord d’Israël, s’est engagé en faveur de la branche Sud du mouvement qui concentre ses appuis chez les bédouins du désert du Néguev.
Cette branche a accepté d’entrer dans le jeu électoral israélien et a salué ces derniers mois les accords de normalisation promus par M. Netanyahu, disant vouloir d’ailleurs servir de « ponts » entre Israël et des pays arabes (Émirats, Bahreïn, Soudan, Maroc).
Au lendemain des quatrièmes élections législatives en deux ans, M. Abbas est désormais courtisé par M. Netanyahu et par son rival centriste Yaïr Lapid. 
Si le parti Likoud de M. Netanyahu a terminé en tête du scrutin, il ne dispose pas de suffisamment d’appuis avec ses alliés (partis ultra-orthodoxes et d’extrême droite) pour obtenir la majorité de 61 sièges nécessaire pour former un gouvernement. 
Le Premier ministre sortant appelle donc le chef de la droite radicale Naftali Bennett à le rejoindre. Mais, selon les résultats partiels, ce serait encore insuffisant pour atteindre le seuil crucial de majorité.

« Pas de ligne rouge »

D’où la question de savoir si Mansour Abbas pourrait rejoindre M. Netanyahu. Et si l’extrême droite, hostile aux Arabes, pourrait accepter son intégration dans une coalition. 
« Il y a encore une possibilité pour Netanyahu d’obtenir 61 sièges (...) mais cela dépendra des éléments les plus extrêmes de la société israélienne », a commenté hier Yohanan Plesner, directeur de l’Institut démocratique d’Israël, un centre de recherches à Jérusalem. 
« Il n’y a pas de ligne rouge pour Mansour Abbas sur la scène politique israélienne. Il peut flirter avec tous les partis (...), c’est une question de pragmatisme et de nombre », a dit à l’AFP Amal Jamal, professeur de sciences politiques à l’université de Tel-Aviv.
Mais des partis de la droite nationaliste pourraient être réticents à faire dépendre la formation d’un gouvernement d’un homme qu’ils considèrent comme un « soutien du terrorisme ». 
Dans l’autre camp, Yaïr Lapid pourrait aussi avoir besoin de M. Abbas pour déloger Benjamin Netanyahu du pouvoir. Pour rallier une majorité, le chef centriste a désormais besoin, outre ses alliés traditionnels, de l’appui de deux des trois partis suivants : celui de Naftali Bennett, ce qu’il reste de la « Liste unie » des partis arabes et la formation de Mansour Abbas. 
Sur une radio locale, le principal intéressé a été clair : « Nous sommes prêts à discuter avec tout le monde. »

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