mardi 4 février 2020

Umm al-Fahm, la ville arabe d'Israël que Trump veut renvoyer en "Palestine"


Chaque mardi, instantanés d’Israël et de Palestine, à la découverte des bulles géographiques et mentales d’un territoire aussi petit que disputé. Aujourd’hui, visite d'Umm al-Fahm, que le plan Trump prévoit de rattacher à un hypothétique Etat palestinien, contre l'avis de la majorité des habitants........Détails........


De l’autre côté des miradors, si proche, c’est la Judée Samarie. Mais Umm al-Fahm – avec ses rues plongeantes comme des montagnes russes et ses mosquées rutilantes aux dômes dorés – est bien en Israël. 
Si le plan Trump devenait réalité, il en serait autrement pour la «capitale» de ce qu’on appelle le «Triangle arabe». 
Umm al-Fahm (57 000 habitants) et une dizaine de communes alentour seraient rattachées à l’hypothétique Etat-archipel palestinien. 
Derrière ces quelques lignes de l’épais mémorandum américain, le sort de 350 000 personnes. 
Lesquelles, si elles se définissent majoritairement comme culturellement palestiniennes, n’en sont pas moins attachées à leur nationalité israélienne.
«Je suis contre. Tout le monde est contre !» tonne le maire, Samir Sobhi. Bien sûr, personne ne l’a contacté en amont. 
L’édile de 55 ans n’est cependant pas surpris. 
«C’est une vieille idée ! Lieberman [leader des ultranationalistes, ndlr] en parle depuis 2004. Quelle hypocrisie ! On dit qu’on doit s’intégrer, mais on tente de nous bazarder en secret.» 
Pour la droite israélienne, le Triangle est une bombe à retardement, le cœur d’une «cinquième colonne». 
Umm al-Fahm traîne une sulfureuse réputation, passé de fief communiste à terre d’élection des islamistes radicaux dans les années 1990-2000. 
L’un des précédents maires fut condamné pour détournements au profit du mouvement terroriste islamiste Hamas. 
Politiquement, les choses ont changé. Mais pas les gros titres, Umm al-Fahm n’étant évoqué que lorsqu’il s’agit d’islam rigoriste, de chômage endémique ou de fusillades épidémiques.
Samir Sobhi le sait. Derrière l’échange territorial se cache le transfert d’une population jugée problématique, voire «déloyale». 
L’exil sans quitter sa maison. «Toujours l’obsession démographique…», balaye Sobhi. 
Par la fenêtre de son bureau, on voit les maisons où s’empilent les étages manger les collines. «On paye aussi notre réputation, parce qu’on n’a pas renié notre identité. L’humiliation, c’est d’être échangés contre les colons ! Nous, on n’a pas volé de terres ! C’est Israël, en 1949, qui a voulu qu’on fasse partie de ce pays.» 
Pour des raisons stratégiques, dans le cadre de l’armistice avec la Jordanie.
Dans les malls déployant toutes les nuances de junk-food américaine, presque personne ne baragouine anglais, mais tout le monde est bilingue en hébreu. Un vendeur de baskets parvient à résumer le sentiment général : «Crazy idea by crazy people !» 
Dans sa galerie d’art où Yoko Ono exposa vingt ans plus tôt, Saïd Abou Shakra guide un groupe de Juifs venus de Tel-Aviv, à une heure de route. 
L’une des visiteuses, quinqua qui fut collaboratrice de Shimon Pérès durant les accords d’Oslo, estime que «la moindre des choses aurait été de leur demander s’ils veulent rester». 
Avant d’estimer, un brin paternaliste, que les Arabes d’Israël ne voudront jamais rejoindre un «Etat musulman, sans night-club, ni musée». 
Et puis, ces Arabes sont indispensables, poursuit-elle. 
Sinon, qui tiendrait les comptoirs des pharmacies et les caisses des supérettes? «Nous faisons autant partie de leur identité qu’ils ne font partie de la nôtre! Aujourd’hui, Arabes et Juifs en Israël sont inséparables, nos vies se sont emmêlées», mime-t-elle en joignant ses doigts. 
«Nous avons appris à marcher sur un fil entre identité palestinienne et citoyenneté israélienne, assure Saïd Abou Shakra. 
En cas de paix, il y aura ceux qui voudront être Israéliens et ceux qui voudront être Palestiniens. Et pourquoi pas les deux à la fois ? Dans tous les cas, on n’est pas du bétail à qui on dit dans quel enclos aller.»

Source Liberation
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