Normalisation : les raisons
Le président de la République fédérale allemande est en visite au Soudan ce jeudi (23.02.2020).
Frank Walter Steinmeier doit y rencontrer le chef du Conseil souverain, le général Abdel Fattah al-Burhane, le premier ministre, les responsables du conseil de transition ou encore des manifestants à l'origine de la chute d'Omar el-Béchir.
Une visite diplomatique de 36 heures qui prouve une nouvelle fois la voie politique que tente de suivre les nouvelles autorités : celle d'une normalisation urgentes des relations diplomatiques du pays.
Dette de milliards de dollars
Celle-ci est urgente parce les 30 ans du régime d'Omar el-Béchir -président de 1989 à 2019- ont laissé des traces qu'il est impératif de corriger pour relever le pays.
Des traces sur l'économie d'abord. Le Soudan est écrasé par une dette de plusieurs dizaines de milliards de dollars. Une dette qu'il faut, au minimum, alléger pour aller de l'avant.
"L'économie du Soudan semble vraiment se rapprocher de sa limite", confirme l'analyste du Soudan Jonas Horner, de l'International Crisis Group. "Le potentiel de l'effondrement économique et politique est bien réel".
Une ennuyeuse liste américaine
Pour sortir de cette situation, les nouvelles autorités soudanaises tentent de faire retirer leur pays de la liste américaine des "États soutenant le terrorisme". Un statut infligé par le Etats-Unis parce-que le Soudan avait accueilli le chef du réseau Al-Qaïda, Oussama ben Laden, par le passé.
Ce statut dissuade toujours les investisseurs étrangers. Des discussions sont aujourd'hui en cours sur ce point avec Washington.
La diplomatie s'active aussi pour renouer les relations avec Israël, là encore pour des raisons politiques et économiques.
Une rencontre inattendue a eu lieu au début de mois entre le premier ministre israélien Benjamin Netanjahu et le chef du Conseil souverain, le général Abdel Fattah al-Burhane, ou le mot "normalisation" a été prononcé.
Mais sur ce point, le changement n'est pas simple, une bonne partie de la société étant toujours très favorable aux Palestiniens, comme l'explique Sara Abdelgalil, porte-parole de l'Association des professionnels soudanais (SPA), qui a joué un rôle majeur dans le soulèvement contre le président déchu.
"Nous sommes contre le terrorisme et certaines personnes considèrent le régime politique d'Israël comme un régime terroriste", insiste-t-elle.
Une meilleure représentativité politique
Côté politique, le régime el-Béchir avait muselé l'opposition pendant trente ans. La normalisation semble là aussi s'être mise en place. Le nouveau gouvernement (du premier ministre Abdallah Hamdok) dévoilé en septembre se veut "plus représentatif des différents Etats qui composent le Soudan". Quatre femmes sont aussi ministres.
Un procès au Soudan pour El-Béchir ?
Enfin au chapitre justice, il faut noter cette récente annonce de Khartoum, qui va là aussi dans le sens d'une meilleure intégration du pays dans la diplomatie internationale. Celle de livrer le président déchu Omar el-Béchir à la Cour pénale internationale (CPI).
La CPI le soupçonne, notamment de crimes contre l'humanité lors du conflit au Darfour dès 2003. Trois anciens collaborateurs seront également remis à la Cour pénale internationale. Les autorités de transition envisagent même pour cette affaire la possibilité d'une délocalisation au Soudan de l'institution basée à la Haye.
Une idée saluée là par la société civile et Sara Abdelgalil, la porte-parole de l'Association des professionnels soudanais.
"Si cela arrive, ce serait vraiment bien car nous sommes en train de rebâtir notre système juridique."
En attendant d'en savoir davantage sur ce dossier, la visite du président allemand ce jeudi doit être vue comme un signe de solidarité. Un moyen aussi pour le Soudan de commencer à normaliser ses relations avec le continent européen.
Source DW made for Minds
Vous nous aimez, prouvez-le....