A trois reprises, les 14 et 29 janvier puis le 10 février, les patrouilles des casques bleus n’ont pu accomplir leurs missions librement dans la zone de Baraachit, au Sud Liban, en dépit de leur mandat.
Des incidents qui sont relativement fréquents dans une zone située à la frontière israélienne sous contrôle du Hezbollah, le mouvement politique, militaire et religieux proche de la République islamique d’Iran.
Que cache la ville de Baraachit ? En moins d’un mois, des casques bleus ont vu leur liberté de mouvement entravée dans cette bourgade du sud-est du Liban, à 80 km de Beyrouth, sous influence du Hezbollah.
Sur ce plateau à 800 m d’altitude qui surplombe la région et la frontière israélienne, les militaires français patrouillent régulièrement pour des missions de contrôle et d’observation.
Ils étaient de sortie, le 10 février, lorsqu’un groupe d’une quinzaine d’adultes habillés en civil a bloqué la route à leurs trois véhicules blindés battant pavillon de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul).
Selon une note confidentielle transmise par le département des opérations de maintien de la paix de l’ONU aux membres du Conseil de sécurité que l’Opinion a pu consulter, le chef de la patrouille est alors sorti de son véhicule pour dialoguer.
Les civils l’ont alors pris à partie, lui demandant pourquoi la Finul se déplaçait dans la zone sans la présence des Forces armées libanaises (FAL).
Ce dernier a répondu qu’il attendait les FAL pour mener une patrouille conjointe.
Selon le document confidentiel, la tension est alors montée, les individus devenant agressifs.
Se hissant sur le toit d’un véhicule, ils l’ont ouvert et se sont saisis d’une radio de communication, d’un GPS, d’un carnet et d’une carte, toujours pas restitués à ce jour. Quatre casques bleus attaqués ont dû utiliser leurs armes de défense pour repousser les individus.
Il a fallu l’arrivée, vingt minutes plus tard, de renforts de la Finul et des FAL pour mettre fin aux tensions alors que des femmes et des enfants s’étaient aussi attroupés sur les lieux.
A la demande des FAL, les casques bleus se sont retirés de la zone. Une enquête interne de la Finul est en cours. La mission onusienne a aussi demandé aux FAL de mener des poursuites contre les auteurs de cette entrave. Elle a enfin protesté auprès du maire de Baraachit et du responsable du district de Bint Jbeil.
« Nos investigations se poursuivent, commente Andrea Tenenti, porte-parole de la Finul. Nous avons constaté un retour au calme dans la zone où nos patrouilles ont repris.
Les FAL ont la responsabilité d’assurer la liberté de circulation de ces patrouilles dont certaines sont réalisées en commun. »
Présente depuis 1978 au Liban, la France est l’un des principaux pays contributeurs de la Finul, avec près de 700 soldats déployés, particulièrement au sein de la Force Commander
La France dirige l’état-major de la Finul où sont en poste une vingtaine d’officiers français.
D’autres éléments sont affectés au renseignement... Tous opèrent sous mandat onusien dans le cadre d’un accord accepté par les Etats libanais et israélien dont les officiers continuent à se réunir régulièrement avec ceux de la Finul au poste de l’ONU à Ras Al Naqoura, comme le 20 février.
Cela permet d’éviter les accrochages, lors des exercices militaires et des travaux civils, dans une zone frontière encore contestée.
Mais la Finul est prise entre deux feux.
Le Hezbollah lui assigne comme mission de préserver l’intégrité du territoire libanais, régulièrement violée par Tsahal, quand Israël lui reproche de ne pas remplir son mandat qui est d’aider les FAL à désarmer la faction militaire du Hezbollah pour prendre le contrôle de la zone frontalière.
« Ça ne s’est jamais bien vraiment passé, confie le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l’ONU et ex-commandant de bataillon onusien au Liban.
Les casques bleus français représentent la principale force de réaction rapide au Liban. Ils ont une fonction de renseignement, là où le Hezbollah n’a pas envie qu’on regarde ce qui se passe. »
Israël dévoile régulièrement des clichés d’armes ou de soi-disant usines de fabrication de missiles du Hezbollah lors de shows médiatiques, de réunions plus discrètes à l’ONU ou de rencontres bilatérales avec les grandes puissances
Ces dernières années, Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, a multiplié les menaces — son arme favorite de dissuasion — envers Israël dans « la ligne de feu » de sa force militaire.
Tsahal prévient régulièrement, de son côté, qu’elle va intervenir de manière préventive.
L’armée israélienne surveille le Sud Liban comme le lait sur le feu. Elle y a perdu deux drones d’observation, l’un entre les villages de Beït Yahoune et Baraachit en 2018, l’autre à Beyrouth en 2019.
Tel Aviv met aussi la pression sur le Conseil de sécurité qui va recevoir en mars le secrétaire général, Antonio Guterres, pour la présentation de son rapport sur le Liban.
Israël semble particulièrement inquiet — ou cherche à préparer l’opinion publique à une action — après l’assassinat du général Soleimani par une frappe américaine et les menaces de représailles de l’Iran et de ses proxys.
Le retour au Liban de combattants du Hezbollah passés par la Syrie accroît aussi les risques, car ils sont aujourd’hui formés pour mener une guerre offensive. Mais la principale menace vient des airs alors que le Hezbollah équipe, selon ses dires, ses roquettes et missiles de systèmes intelligents de guidage.
« Le dôme de fer [le système de défense aérien mobile de l’Etat hébreu] est très efficace pour faire le tri entre les roquettes aveugles lancées vers Israël, éliminant seulement les projectiles envoyés sur des sites sensibles ou peuplés, explique un diplomate israélien.
Mais la concentration de missiles guidés sur ces sites à la possibilité de saturer rapidement notre système de protection. »
Israël dévoile régulièrement des clichés d’armes ou de soi-disant usines de fabrication de missiles du Hezbollah lors de shows médiatiques, de réunions plus discrètes à l’ONU ou de rencontres bilatérales avec les grandes puissances.
« Quand les officiers de l’ONU demandent à leurs homologues de Tsahal de fournir la date des clichés et leur référencement géographique, on ne peut jamais avoir ces informations, explique un ancien patron des Opérations de maintien de la paix à New York.
Ainsi, on ne peut vérifier la véracité de leurs allégations. Font-ils cela car ils cherchent à nous survendre la menace du Hezbollah ?
Cachent-ils ces informations car elles permettraient à nos services de renseignement de remonter à leurs sources et d'étudier leurs méthodes de recueil d’informations ? Les deux hypothèses sont plausibles. »
Vous nous aimez, prouvez-le....