Pour la première fois, les négociants de pierres brutes peuvent acheter et vendre en ligne. L’opacité des prix vole en éclat. Dans un milieu aussi traditionnel que celui du diamant, c’est une petite révolution. Depuis l’an dernier, les négociants peuvent acheter et vendre les pierres brutes sur internet. Lancé par une maison de courtage israélienne, la plateforme Bluedax coupe court à toute discussion pour savoir s’il faut négocier à Anvers ou à Dubai puisque les professionnels se rencontrent et réalisent leurs transactions virtuellement. Sans poignée de main pour signifier que le marché est conclu, comme cela s’est fait depuis toujours pour sceller un contrat...
Des diamants bruts à prix fixes
Crée par Guy Harari et son frère David, Bluedax liste les diamants bruts à vendre à prix fixes. Chaque mois, jusqu’à 50 millions de dollars de pierres précieuses sont ainsi proposées aux professionnels, et des enchères ont démarré ce mois-ci.
Depuis sa mise en ligne au printemps 2013, le site a enregistré plus de 1.000 clients.
Les transactions ne se font pas en un clic pour autant : les pierres à vendre qui sont présentées par les vendeurs sont rangées par source (entreprise, groupe minier). Les acheteurs, eux, qui doivent être qualifiés et prouver qu’ils sont solides financièrement, peuvent alors les contacter pour négocier. En tant que courtier, Bluedax prend une commission (0,5% par transaction, selon Bloomberg).
Des prix mondiaux plus transparents
Interviewé par le magazine spécialisé JCK, Guy Harari raconte comment, après vingt ans de courtage traditionnel, l’idée lui est venue, en s’asseyant à son bureau : « Comment se fait-il que je ne puisse pas me connecter à mon ordinateur et voir ce qu’il se passe sur le marché du diamant brut ?, explique-t-il. Pourquoi dois-je parcourir le monde entier, appeler toute sorte de gens ? Je peux trouver le prix d’un hôtel au Zimbabwe, mais je ne peux pas trouver celui d’un diamant. »
Guy Harari est fier de faire « bouger les mentalités ». « Tout se faisait dans l’ombre, sans voir les prix, explique-t-il aux "Echos ». La plate-forme permet de négocier de façon plus organisée. Des professionnels du monde entier viennent y chercher des informations. »
Chaque mois, les rapports de Bluedax font le tour du secteur. On trouve en effet sur le site des données chiffrées regroupées, inaccessibles jusqu’alors. « Tout le monde regarde ce que nous faisons, reconnaît le co-fondateur, pour qui il était primordial de « fournir la bonne référence ».
L’opacité des prix qui a toujours dominé l’industrie du diamant pourrait peu à peu voler en éclat. « Ils sont en train de changer la façon dont le secteur fonctionne. Ils apportent la transparence au marché », confirme l’analyste Edahn Golan.
Le secret de l’industrie du diamant vole en éclat
Contrairement aux métaux précieux, il n’existe pas de prix établis mondialement pour les diamants bruts. On compterait de 12.000 à 16.000 prix différents , d’après le cabinet de conseil en stratégie Bain & Co, qui a réalisé en 2012 une étude réalisée pour l’Antwerp World Diamond Centre (AWDC), l’association qui représente la profession.
On est loin des prix au comptant de l’or ou du cuivre. Le groupe minier De Beers, qui produit et vend, donc, près de 40% des diamants bruts de la planète, ne publie pas les prix auxquels ils partent lors des dix ventes aux enchères, les « sights » , que la société organise chaque année. Il s’agit là du marché primaire du diamant - les ventes de De Beers s’adressent à environ 80 gros clients ; Bluedax vise, lui, le marché secondaire.
Aujourd’hui, des prix plus transparents apparaissent cruciaux en raison des besoins de financement de l’industrie. Les banques, les investisseurs veulent connaître la valeur des « produits » avant de prêter, d’investir dans des projets.
Pour Edahn Golan, « le secret, qui a été un élément essentiel du monde du diamant, une seconde nature, est désormais moins nécessaire. »
Source Les Echos