Rav Azimov nous a quittés il y a à présent une semaine. Au-delà de l’immense émotion soulevée par sa disparition dans l’ensemble du monde juif, il est sans doute encore trop tôt pour mesurer toute l’ampleur que constitue cette perte : Rav Azimov est l’homme qui sut donner un nouveau cours aux choses. Essayons ici de le cerner...
Il faut commencer par se remettre dans l’atmosphère de l’époque. Né en URSS en 1945, arrivé avec ses parents à Paris à l’âge de quatre ans, éduqué à la yechiva de Brunoy, il conclut plus tard ses études auprès du Rabbi à New York. Il s’y marie avant de se voir demander par le Rabbi, en 1968, de revenir en France pour entreprendre une action auprès de la communauté. Rav Azimov ne trouve pas, à son arrivée, un terrain préparé ou facile.
La Shoah, la déjudaïsation sont passées par là. Dans ces années-là, marcher dans les rues de Paris avec l’aspect extérieur d’un Juif pratiquant – un chapeau, une barbe – résonne comme un défi lancé à la société et à la modernité. Tout est à construire. Mais, déjà, le Rabbi le lui a indiqué : il doit habiter dans le centre de Paris. Ce sera près de la République.
Comment prend-on contact avec une communauté qui n’en est pas encore à savoir exprimer son attente ? Les cours de Torah, les lieux d’étude sont rares, autant que les magasins de produits cachères. Ne dit-on pas en ce temps-là, dans le monde juif orthodoxe, que celui qui vient à Paris y abandonne sa sainteté avant d’en repartir ? C’est toute une vision du monde qu’il faut transformer dans la capitale.
Un message compréhensible pour tous
Depuis son petit appartement, avec son épouse, il s’y emploie. Il sort dans la rue, va à la rencontre de tous, pour la plupart des gens bien différents de lui. Nous sommes en 1968 et la capitale connaît l’effervescence du mois de mai. C’est l’époque de toutes les questions. Rav Azimov est l’homme qui détient des réponses et qui est conscient de leur nécessité. Un exemple : c’est alors que commence la publication de la « Sidra de la semaine ». Dans cette période, c’est une simple page ronéotypée sur un petit appareil installé au domicile de Rav Azimov.
Dans Paris, c’est une grande première. Il existe donc un message de la Torah,compréhensible par tous et pourtant d’une profondeur insoupçonnée. Et ces textes que la plupart croyaient être hermétiques ou dépassés se mettent tout à coup à parler à chacun dans son langage. Rav Azimov multiplie les cours et les conférences dans les mouvements de jeunesse comme dans toutes les communautés parisiennes ou de banlieue, proches ou lointaines.
Son dévouement est sans limites. Sans automobile, il peut parcourir de longues distances pour rencontrer une personne et étudier avec elle ou pour apporter des produits cachères là où il n’y en a pas.
Faire renaître un vrai bonheur d'être juif
Les résultats apparaissent. Alors que le nom même de Loubavitch était largement inconnu pour le plus grand nombre – sans parler de son enseignement ou de sa philosophie – voici que des jeunes et des moins jeunes commencent à fréquenter le domicile de Rav Azimov. Sa démarche avait suscité, à son début, quelques sourires sceptiques, voire quelques moqueries, elle s’inscrit peu à peu dans le paysage communautaire au pointd’en devenir au fil du temps un élément incontournable et du reste repris par de nombreuses organisations.
C’est dire que, conduit par le Rabbi, guidé par lui à chaque pas, il sait insuffler une nouvelle vie à toute la communauté juive. Peut-être une partie de son apport tient-elle en cela : donner au judaïsme son plein droit de cité, faire renaître un vrai bonheur d’être juif, ouvrir à tous l’accès à la connaissance et à la pratique sans aucune exclusive ni aucune condition préalable, travailler sans penser à soi mais toujours à l’autre avec l’unité de tous comme préoccupation. Ce qui caractérise Rav Azimov, c’est que ces belles idées ne restent pas à l’état de théories séduisantes. Il en fait des réalités concrètes et c’est cela qui transforme les choses. Paris devient ainsi une ville où la vie juive fleurit sous toutes ses formes.
Pour cela il aura fallu commencer par en briser la glace apparente.
Rav Azimov a été l’exemple même du ‘hassid, porteurd’une chaleur et d’un enthousiasme contagieux. C’est grâce à ces qualités qu’il réussit à transmettre la vie et la joie du judaïsme à tant d’hommes et de femmes. Ce souci de l’autre et de la transmission, il en était porteur alors qu’il étudiait encore à la yechiva de Brunoy. Il avait, dès ce moment, noué des contacts avec la communauté parisienne. Sa venue à Paris lui permit d’en exprimer toute la puissance. De ce fait, chacun est un peu aujourd’hui l’héritier de son œuvre. Il a également su fonder des institutions qui font partie des fleurons de la vie juive : le Beth Loubavitch, l’école Beth ‘Hanna / Beth ‘Haya Mouchka...
Le Talmud enseigne que les sages n’ont pas besoin qu’on leur construise un monument après leur décès, c’est un autre souvenir qu’ils laissent. Les institutions créées par le Rav Azimov sont solides et pérennes. Le Beth Loubavitch continue, dès ce jour, son œuvre avec une force et une conviction encore accrues par cette disparition qui est comme la transmission d’une responsabilité. L’histoire du Beth Loubavitch continue de s’écrire. Quant à la conclusion, ce sera à Machia’h qu’il reviendra de la rédiger quand « ils se lèveront et chanteront ceux qui dorment dans la poussière », Rav Azimov parmi eux.
Source Actuj