Défendu par Me Pascal Junod, l’artiste conteste les nombreuses accusations portées contre lui par la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (Cicad) ainsi que par Johanne Gurfinkiel, secrétaire général de cette organisation.
Ces derniers, défendus par Me Philippe Grumbach, ont résumé leurs reproches dans un document remis au Ministère public genevois.
Dieudonné s’est produit au Théâtre de Marens, à Nyon, en janvier 2019 dans un spectacle intitulé «En vérité».
Comme le relate un article de l’époque, l’humoriste a joué, à un moment donné, un passager dans un avion en perdition.
Se croyant condamné, il s’est écrié, comme s’il n’avait plus rien à perdre: «Les chambres à gaz n’ont jamais existé.» Des membres de la Cicad ont assisté à cette représentation du 4 janvier.
À la fin du mois de juin, Dieudonné a fait la même déclaration lors de son spectacle à Genève, au Centre d’animation cinématographique Voltaire. C’est ce que soutient un membre de la Cicad, présent parmi les spectateurs. Selon lui, l’artiste a déclaré:
«La Cicad me fait un procès? Il faut leur dire d’aller se faire enculer.» Tous ces propos, dénoncés, sont qualifiés par la Cicad d’antisémites, de négationnistes et d’injurieux.
Le 3 décembre, Johanne Gurfinkiel a porté plainte au Ministère public. Il explique avoir été invité le 18 novembre sur le plateau de Radio Lac pour s’exprimer sur l’antisémitisme en vue du spectacle de Dieudonné le 22 novembre à Genève.
Le secrétaire général de la Cicad a rappelé les condamnations antérieures de Dieudonné «pour antisémitisme, fraude fiscale et blanchiment» et jugé qu’il profite du système qu’il dénonce […], à savoir «la fachosphère qui alimente les réseaux complotistes conspirationnistes qui viennent soutenir les actions terroristes».
La réponse de Dieudonné, reprise dans la plainte, a eu lieu en marge du spectacle du 22 novembre, lorsqu’il a été interviewé sur YouTube: «La réponse, elle, va se faire dans les tribunaux […] Il me diffame. Il apporte des affirmations qui sont des mensonges. […] On sent qu’il porte l’héritage de ces négriers juifs qui pendant des siècles ont déporté des hommes comme moi et je pense qu’il considère que nous ne sommes pas des êtres humains et que nous sommes des animaux avec un visage humain.»
Et de traiter Johanne Gurfinkiel de menteur, de raciste et de malhonnête. Cette vidéo a été vue 19000 fois, écrit le plaignant, qui se considère calomnié, diffamé et injurié.
Tous ces reproches ne tiennent pas la route aux yeux de l’humoriste: «Je suis confiant sur le classement de la procédure car en Suisse, il y a une expérience plus étendue qu’en France en termes de liberté d’expression.» L’artiste fait en effet référence à une plainte qu’il avait déposée contre un producteur de la TSR pour discrimination raciale.
Ce dernier avait utilisé le terme nègre à l’encontre de l’humoriste durant une émission en 2008: «La plainte avait été classée par la justice genevoise, ironisait mardi l’humoriste. Je ne vois donc pas comment elle ne pourrait pas classer cette nouvelle procédure.»
À l’époque, le Ministère public avait justifié sa décision en relevant que le producteur n’avait pas eu l’intention de blesser Dieudonné ni de lui nuire et qu’il s’était excusé pour cette plaisanterie au deuxième degré.
L’audience menée mardi par le premier procureur Stéphane Grodecki aura duré un peu plus d’une heure.
Pour Me Grumbach, Dieudonné a esquivé bien des questions sur les accusations de négationnisme: «Il estimait notamment que les propos reprochés émanaient des personnages qu’il jouait dans son spectacle.» Pour l’avocat, il n’assume pas ses déclarations et se défausse.
Quant aux injures dénoncées par le secrétaire général de la Cicad, l’artiste considère avoir réagi à l’interview de Radio Lac en donnant une opinion. Et de répliquer:
«Lorsqu’on est Noir, il y a des regards que l’on connaît, il y a une posture d’arrogance que l’on connaît bien. Sans me connaître, ce monsieur m’a affublé de tous les titres les plus abjects. Cela me renvoie au poncif du nègre stupide.»
Concernant les propos sur les chambres à gaz, le prévenu considère qu’ils sont sortis de leur contexte.
Ce texte, dont il dit ne pas être l’auteur, sort de la bouche d’un personnage à l’accent canadien. La défense a donc proposé d’entendre l’auteur du texte en question. Et Dieudonné de demander si Chaplin aurait dû être inquiété pour avoir levé le bras dans le film «Le dictateur». Le prévenu répète n’être qu’un simple clown qui joue un rôle.
Il conteste par ailleurs avoir invité la Cicad «à se faire enculer» et propose d’entendre des témoins pour l’attester. La prochaine audience est agendée au 5 mars.
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