Cheveux gris et chemise bleue, Nir Barzilai a le regard franc et la blague facile. Il fredonne Joe Dassin, Adamo ou France Gall. « Si un jour j’ai la maladie d’Alzheimer, j’aimerais que ma famille me fasse écouter des chansons françaises car ça stimule la mémoire à long terme ! », assure-t-il, facétieux....
Alzheimer, il compte pourtant bien y échapper, grâce à un traitement unique qui préviendrait d’une manière globale les maladies liées à l’âge.
Né en Israël, le Dr Barzilai a été médecin dans les Forces de défense israéliennes.
Il est diplômé de la Faculté de médecine du Technion et a complété sa formation en médecine interne au CHU Hadassah, à Jérusalem. Il est directeur fondateur de l’Institute for Aging Research de l’Albert Einstein College of Medicine de New York (Etats-Unis), Nir Barzilai espère mettre au point un traitement unique qui préviendrait les maladies liées à l’âge.
Avec un groupe de chercheurs spécialistes du vieillissement, il tente en effet de convaincre la FDA (Food and Drug Administration), l’agence sanitaire américaine, que le vieillissement et ses maladies associées doivent être considérés comme une nouvelle cible pour favoriser le développement de traitements.
Autrement dit — et pour la première fois — que vieillir est une pathologie que l’on peut combattre. « Un nouveau paradigme », affirme-t-il
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Dans les couloirs de l’Albert Einstein College of Medicine, paquebot de verre posé sur une pelouse verdoyante du Bronx, au nord-est de Manhattan, Nir Barzilai, considéré comme une sommité mondiale dans son domaine, court d’un rendez-vous à l’autre.
À son agenda est inscrite la mise au point d’un essai clinique unique au monde qui visera à montrer « qu’une molécule peut retarder l’apparition de toutes les maladies dont l’incidence augmente avec l’âge ». Son nom : la metformine, un médicament très connu qui diminue la résistance à l’insuline dans le traitement du diabète de type 2.
« J’étais sceptique au départ, confie sa collaboratrice Sofiya Milman, professeure assistante, mais les études qui montrent que la metformine protège contre le cancer, les maladies cardio-vasculaires et toute cause de mortalité m’ont convaincue. » Même si son mécanisme est encore inconnu.
Une capacité à faire ce que l’on veut sans peur
En investisseur prévoyant, Nir Barzilai a déjà cofondé la start-up CohBar pour développer de futurs médicaments contre le vieillissement. Mais pour l’heure, l’objectif n’est pas de faire fortune. L’étude TAME (Targeting Aging with METformin) est financée par une association à but non lucratif, l’AFAR (American Federation for Aging Research).
« Personne ne gagnera d’argent si ce médicament prouve son efficacité car la metformine est un générique qui coûte quelques centimes la dose seulement », assure le chercheur. Nir Barzilai sort de la poche de sa blouse un flacon du médicament, qu’il s’auto-administre tous les jours. « C’est un hasard, j’ai une prédisposition pour le diabète ! » lance-t-il dans un sourire. Cette vocation de médecin-pionnier lui vient, selon lui, d’une « interaction gènes-environnement »
Né à Haïfa en Israël en 1955, d’une mère russe et d’un père tchécoslovaque, Nir Barzilai appartient à une famille comptant beaucoup d’infirmières — « dont ma mère » — et de médecins — « dont mon père, que j’accompagnais dans ses tournées ».
Jeune recrue, il rejoint l’armée israélienne comme instructeur médical et participe, avec les forces spéciales, au fameux « raid sur Entebbe » (Ouganda) en 1976 qui permit la libération d’une centaine d’otages d’un avion d’Air France détourné. De ces années d’action, Nir Barzilai retient « la capacité à faire ce que l’on souhaite, sans peur »
Après son diplôme de médecine interne, une bourse lui permet d’intégrer l’université Yale (États-Unis) où il rencontre sa future femme, avocate, et trouve sa voie.
« J’ai détesté la manière dont la médecine était pratiquée aux États-Unis où aucun praticien n’ose prescrire de l’aspirine de peur d’être poursuivi en justice. Cela m’a décidé à faire de la recherche. » Il étudie alors le mécanisme de plusieurs médicaments qui font baisser la glycémie chez les diabétiques… dont la metformine.
Lorsqu’il décroche, à 38 ans, un poste au prestigieux Albert Einstein College of Medicine, il repère dans le quartier du Bronx une cohorte de plus de 600 juifs ashkénazes d’une longévité exceptionnelle, âgés de 95 à 112 ans.
Le médecin passe alors ces centenaires et leurs familles au crible et identifie deux particularités génétiques « associées à une protection cardio-vasculaire », preuve qu’il existerait bien des facteurs protecteurs des maladies liées à l’âge !
Mais le « moment Eurêka » surviendra plus tard, en Espagne, lors d’une conférence internationale sur la biologie du vieillissement, en 2014 : « une étude montrait que les personnes obèses et diabétiques sous traitement (de metformine) avaient une mortalité plus faible que les personnes en bonne santé sans diabète ! »
Nir Barzilai et une dizaine de chercheurs dont James Kirkland, directeur du Center of Aging de la Mayo Clinic (Minnesota), commencent alors leur action de lobbying auprès de la FDA, contournant les obstacles. L’absence de biomarqueurs du vieillissement, quantifiables et mesurables lors d’essais cliniques, empêche la validation d’un médicament ? Qu’à cela ne tienne ! Les chercheurs adaptent leur vocabulaire, parlant de « comorbidités» (troubles associés à une maladie) plutôt que de « vieillissement ». Nir Barzilai assume le tour de passe-passe : « Peu importe comment la FDA l’appelle, tant qu’on peut le retarder ! » Et les premières réunions avec la FDA se révèlent, pour l’heure, plutôt positives. « Nir est un joueur à avoir dans son équipe, affirme James Kirkland. Il travaille jour et nuit et en dix ans, jamais je ne l’ai vu de mauvaise humeur !»
La cause qu’il défend le pousse à se mettre en avant
Pour défendre sa cause, Nir Barzilai n’hésite plus à se mettre en avant en acceptant, par exemple, d’être le héros d’un documentaire du réalisateur Ron Howard (Apollo13, Da Vinci Code…). « Depuis, le téléphone ne cesse de sonner. Tant mieux ! Si quelqu’un veut mettre des millions de dollars sur la table pour TAME, je suis preneur. »
Seuls sa fille, en thèse d’informatique, et son fils, musicien, parviennent à lui changer les idées. « Ils m’ont obligé à m’intéresser à d’autres domaines que la recherche ! »
Son rêve ? Que chacun puisse vivre en bonne santé, « 85 ans environ », avant de mourir, rapidement. Sans fantasme de jeunesse éternelle. Si, si, il l’assure : « Vieillir, c’est la vie… »
Source Sciences et Avenir, par Héléna Sender
Source Israel Science Info