Dans la parachat "Bo", il est écrit : « Ce fut au milieu de la nuit, Hachem frappa tout premier-né dans le pays d’Égypte, depuis le premier-né de Pharaon, héritier de son trône, jusqu’au premier-né du prisonnier de la geôle, et tous les premiers-nés des animaux. Pharaon se leva de nuit, ainsi que tous ses serviteurs et tous les Égyptiens et ce fut une clameur immense dans l’Égypte, car il n’y avait pas de maison qui ne renfermait pas de mort. » (Chemot, 12:29-30)...
Rachi explique, sur les mots « Pharaon se leva » : De son lit.
Après avoir été frappé de neuf plaies, Pharaon fut prévenu par Moché Rabbénou que le plus ravageur de tous les fléaux — la mort des premiers-nés — allait s’abattre sur l’Égypte.[1] Quand cette promesse fut remplie, la Thora précise que Pharaon se leva, détail qui semble superflu ; Rachi nous informe qu’il se leva de son lit.
Cette remarque, à première vue anodine, nous offre en réalité un enseignement de taille quant au comportement de Pharaon.
Le Sifré Tsadik[2] explique que la Thora vient attirer l’attention sur l’incroyable obstination de cet homme malveillant. Toutes les prédictions de Moché quant aux terribles plaies s’étaient réalisées. Pharaon aurait donc dû grandement s’inquiéter quand Moché l'avertit que les aînés allaient mourir cette nuit-là – en effet, il était lui-même premier-né.[3] Cependant, résolu à ne pas se soumettre à la Parole d’Hachem, il se persuada que rien n’arriverait et il alla dormir paisiblement, pour être finalement réveillé en sursaut !
La Thora nous raconte qu’une autre personne fut capable de dormir en paix, alors que presque personne d’autre n’aurait pu en faire autant, compte tenu de la situation.
Il s’agit d’Avraham Avinou. Il reçut l’ordre d’Hachem de sacrifier son fils bien-aimé, Its’hak Avinou. La Thora nous informe qu’il se leva tôt ce matin-là pour accomplir le commandement de D.[4] Ceci implique donc que, tout comme Pharaon, il parvint à bien dormir cette nuit-là.
Cette attitude est extraordinaire ! Le plus méritant d’entre nous aurait certainement été incapable de trouver le sommeil avant d’entreprendre une tâche si difficile ; on aurait probablement été tenaillé par l’angoisse, envahi et rongé par l’inquiétude, et l’on aurait, sans doute, passé la majeure partie de la nuit à prier. Mais Avraham alla dormir.
Tandis que le sommeil de Pharaon témoigne de sa bassesse, celui d’Avraham nous montre un autre aspect de sa grandeur impénétrable. Il ne comprenait pas pourquoi Hachem lui demandait de sacrifier son propre fils, d’autant plus qu’Il lui avait promis qu’Its’hak serait l’enfant qui hériterait du legs spirituel laissé par Avraham.
Pourtant, il avait une menou’hat hanéfech (sérénité) parfaite, parce qu’il était profondément convaincu qu’Hachem est tout-puissant et bienveillant et qu’il n’avait rien à craindre. C’est pourquoi, il fut capable de dormir sachant pertinemment que rien de mal n’allait arriver.
Pharaon incarne la résistance, la raideur et le défi à l’autorité et à la logique, qui lui permirent de bien dormir malgré la catastrophe prévue. De ce mauvais exemple, nous apprenons les risques auxquels nous nous exposons en ignorant les messages qu’Hachem nous envoie – que ce soit à travers un miracle sauvant le peuple juif de ses ennemis, ou bien par des messages personnels qui nous enjoignent d’améliorer notre comportement.
Nous sommes également, à un certain degré, affectés par le fléau de Pharaon, nous restons souvent indifférents aux événements qui surviennent. L’exemple marquant de Pharaon peut nous aider – on l’espère – à remarquer ce défaut en nous-mêmes, et à essayer de nous réveiller spirituellement, d’avoir plus conscience du fait qu’Hachem communique avec nous.
D’autre part, nous apprenons d’Avraham la manière correcte de réagir quand on ne peut rien faire pour changer la situation dans laquelle nous nous trouvons – rester calme et serein, savoir et être convaincu que tout ce qu’Hachem fait est pour le bien.
[1] Parachat Bo, Chemot, 11:4, Rachi, s.v. vayomer Moché.
[2] Écrit par le Rabbi de Piltz, rapporté dans Tallelé Orot, Chemot, 12:30.
[3] Il fut épargné pour assister à l’Exode et réaliser son importance. Cependant, son fils aîné périt.
[4] Beréchit, 22:3.
Rav Yehonathan GEFEN
Source Torah Box