mercredi 22 avril 2015

Ghetto de Varsovie : la révolte au coeur des ténèbres

 
 
Le 19 avril, date du début du soulèvement du ghetto de Varsovie, symbolise l'extermination des Juifs d'Europe par les nazis. L'année 2015 marque le 72e anniversaire de la résistance et la révolte du ghetto et le 70e anniversaire de la libération des camps nazis. Cette révolte se produit dans les conditions terribles d'un ghetto déjà en partie vidé de ses habitants. En effet, depuis le 23 juillet 1942, jour après jour, 5000 à 6000 personnes sont emmenées par les nazis du ghetto vers la "Umschlagplatz" ou "place de transbordement" puis de là, transférées en train vers le camp d'extermination de Treblinka...Details...


Le 12 septembre 1942, quand cette première vague de déportation s'achève, il ne reste que 60.000 survivants dans un ghetto dont la surface a été drastiquement réduite par les Allemands.
L'insurrection débute le 19 avril 1943, par l'attaque des troupes allemandes venues liquider le ghetto et déporter ses derniers habitants.
Quand le millier de soldats allemands pénètrent en force dans le ghetto, les résistants les attendent barricadés dans leurs bunkers et leurs caves. Au nombre de 3000 environ, ils sont regroupés principalement dans l'Organisation des Combattants Juifs (OJC), commandée par le jeune Mordechai Anilewicz.

Mordechai Anilewicz


Le général SS Jürgen Stroop, qui dirige l'opération, est pris de court par la rébellion des "sous-hommes" comme les nazis qualifiaient les Juifs . Dès lors, les Allemands vont incendier systématiquement les immeubles et propulser du gaz dans les souterrains pour en déloger les résistants. Ces derniers vont tenir pendant un mois, malgré leur très faible niveau d'armement et de nourriture.
6000 Juifs trouvent la mort dans les combats ou se suicident. 7000 sont fusillés sur place. Les autres sont déportés. Une poignée de miraculés vont échapper à la mort, en s'enfuyant par les égouts. La rébellion se termine à la mi-mai. Mordehaï Anilewicz se suicide le 8 mai avec une partie de la direction de l'OJC, à l'âge de 24 ans.


Le 23 avril 1943, il avait écrit dans une dernière lettre:
"Les Allemands ont fui par deux fois du ghetto. L'une de nos compagnies a résisté 40 minutes et une autre s'est battue pendant plus de six heures... Nos pertes en vies humaines sont faibles et ceci est également une réussite...
Grâce à notre radio, nous avons entendu une merveilleuse émission relatant notre lutte. Le fait que l'on parle de nous hors du ghetto nous donne du courage. Soyez en paix, mes amis de l'extérieur! Peut-être serons-nous témoins d'un miracle et nous reverrons-nous un jour. J'en doute! J'en doute fort!
Le rêve de ma vie s'est réalisé. L'auto-défense du ghetto est une réalité. La résistance juive armée et la vengeance se matérialisent. Je suis témoin du merveilleux combat des héros juifs..."


Quelques jours plus tard, le 12 mai, Szmuel Zygielbojm, représentant du mouvement ouvrier juif Bund dans le gouvernement polonais en exil à Londres se suicide. Il proteste contre l'inaction des gouvernements alliés, dûment avertis de la situation en Europe de l'Est et notamment en Pologne. Lui-même avait alerté publiquement sur l'extermination en cours. Il laissa une lettre dont voici des extraits:
"Derrière les murs du ghetto se déroule à présent le dernier acte d'une tragédie sans précédent dans l'Histoire. La responsabilité du forfait consistant à exterminer la totalité de la population juive de Pologne retombe au premier chef sur les exécutants; mais, indirectement, elle rejaillit également sur l'humanité tout entière. Les nations et les gouvernements alliés n'ont entrepris jusqu'ici aucune action concrète pour arrêter le massacre. En acceptant d'assister passivement à l'extermination de millions d'êtres humains sans défense -les enfants, les femmes et les hommes martyrisés- ces pays sont devenus les complices des criminels.[...]


Je ne puis me taire. Je ne peux pas rester en vie alors même que disparaissent les derniers restes du peuple juif de Pologne dont je suis le représentant. Mes camarades du ghetto de Varsovie ont succombé, l'arme au poing, dans un dernier élan héroïque. Il ne m'a pas été donné de mourir comme eux, ni avec eux. Mais ma vie leur appartient et j'appartiens à leur tombe commune. Par ma mort, je désire exprimer ma protestation la plus profonde contre la passivité avec laquelle le monde observe et permet l'extermination du peuple juif.


Je suis conscient de la valeur infime d'une vie humaine, surtout au moment présent. Mais comme je n'ai pas réussi à le réaliser de mon vivant, peut-être ma mort pourra-t-elle contribuer à arracher à l'indifférence ceux qui peuvent et doivent agir pour sauver de l'extermination -ne fût-ce qu'en ce moment ultime- cette poignée de juifs polonais qui survivent encore. Ma vie appartient au peuple juif de Pologne et c'est pourquoi je lui en fais don. Je désire que l'infime résidu des millions de Juifs de Pologne resté en vie puisse survivre assez longtemps pour connaître, avec les masses polonaises, la Libération et qu'il puisse respirer dans un pays et un monde de liberté et de justice socialistes pour toutes ses peines et ses souffrances inhumaines." (Londres, mai 1943)


Alors que le, toujours, président d'honneur et député européen du Front National, Jean-Marie Le Pen réaffirme que les chambres à gaz ne constituent qu'un "détail de l'Histoire" , cet anniversaire renforce notre détermination à combattre tous les racismes et tous les négationnismes. Nous associons à cette date le centième anniversaire du génocide des Arméniens.


Ainsi à Lyon, une cérémonie commune a eu lieu le 15 avril au soir pour commémorer les génocides des Arméniens, des Juifs et des Tutsi.
Cette veillée a été organisée conjointement par le Centre National de la Mémoire Arménienne, la Licra, IBUKA Rhône-Alpes et le Cercle de la pensée juive libérale.
Source HuffingtonPost