Après avoir passé plus de vingt ans en dehors d’érets Israël, Yaakov avinou se retrouve sur le chemin du retour. Il apprend que son frère Essav vient à sa rencontre, afin de le tuer, lui et sa famille… Yaakov se prépare avec l’intermédiaire de trois moyens : 1. Il prie Hachem de le sauver, 2. Il envoie des cadeaux à son frère pour lui montrer qu’il l’aime, 3. Il se prépare à la guerre...
Nos sages font remarquer la formulation de la prière de Yaakov. En effet, ce dernier demande à Hachem : « Sauve-moi de la main de mon frère, de la main d’Essav ! » Il y a donc à priori une apparente répétition. Car Yaakov n’avait qu’un seul frère, Essav, alors pourquoi dire "de la main de mon frère" et "de la main d’Essav" ?
Nos sages expliquent que Yaakov craignait deux dangers. L’un d’ordre physique et l’autre d’ordre matériel :
Essav représentait un risque de deux choses l’une : car s’il venait en tant qu’ennemi, Yaakov et sa famille avaient leurs vies en danger, et si Essav se réconciliait avec Yaakov, il existait un risque d’être influencer par ce racha !
Yaakov adressa alors une prière à Hachem Lui demandant de le sauver des deux dangers potentiels qui le guettaient : celui spirituel, de faire la paix avec son frère et d’être influencé par son mauvais comportement, et celui physique, d’être assassiné par Essav.
La prière de Yaakov n’est plus une répétition, mais elle concerne deux principes : « Sauve-moi de la main de mon frère » en tant que frère qui risque de mal m’influencer, et « de la main de Essav » en tant qu’ennemi -les sages disant qu’Essav a toujours détesté Yaakov.
Car l’homme est influencé par son entourage, sans aucun doute ! Le simple fait de côtoyer des gens détachés de D’, pour qui l’argent, les honneurs, le regard des autres et les désirs matériels sont essentiels, peut changer nos ambitions et notre comportement, ‘has véchalom. Cette triste réalité est palpable et ce danger est énorme, car il est presque imperceptible.
Etant de nature humaine, le meilleur remède à ce fléau est de s’en préserver tant que possible. Il faut essayer de se trouver (ou de créer, avec un proche, un Rav, etc.) dès que possible dans un cadre spirituellement élevé, qui pourra favoriser le développement de nos aspirations.
Au début de la seconde guerre mondiale, les élèves de la Yéchiva de Brisk durent fuir les nazis imac"h. Ils arrivèrent dans la ville de Kovna, s’installèrent dans un bâtiment qu’ils avaient loué et se remirent à l’étude.
Le rav de la ville, le rav Kalmonovitch apprit la nouvelle et s’empressa d’aller rendre visite au rav de la Yéchiva, le rav de Brisk. Il arriva devant la porte du bâtiment de la Yéchiva, et toqua. De derrière la porte on lui demanda qui était-il et que désirait-il. Il répondit qu’il était le rav de la ville et qu’il voulait voir le rav de Brisk. On lui répondit que l’on allait lui ouvrir.
Mais curieusement, la porte ne s’ouvrit pas. Le rav entendit que l’on déplaçait des sacs et des meubles de l’autre côté de la porte. Finalement, après quelques minutes, on ouvrit la porte au rav de la ville. Ce dernier s’aperçut que la porte venait d’être libérée de sacs de sable et de meubles.
Lorsqu’il vit le rav de Brisk, il lui dit : « Vous savez, ici, il n’y a pas besoin de vous barricader. Les allemands imac"h ne sont pas là, et pour le moment il n’y a aucun risque. »
Le rav de Brisk répondit : Maïmonide tranche dans sa grande œuvre que « La nature de l’homme est d’être attiré par les pensées et les actes de ses amis. Il sera tenté de vivre comme les habitants de son pays. C’est la raison pour laquelle il faut s’efforcer de vivre avec des tsadikim. S’il n’existe pas de telle ville, il vaudra presque mieux habiter dans un désert. »
Le rav continua : de nombreux récha’im habitent dans la ville de Kovna. Il existe donc un grand danger d’être influencé has véchalom. Or, il nous est impossible d’aller dans le désert. Aussi, j’ai pensé que nous pouvions créer le désert chez nous. En effet, le désert est un endroit où il est difficile de rencontrer du monde (et donc d’être mal influencé). Nous avons donc bloqué la porte afin qu’il soit difficile de sortir. Ainsi, c’est comme si nous étions dans un désert !
Bien entendu, ce comportement ne nous concerne pas, mais nous retrouvons dans cette histoire la nécessité de nous trouver, tant que possible, dans des endroits "protégés" et avec de bonnes fréquentations.
Si nous n’allons pas vivre dans des déserts, cela ne nous empêche pas de nous trouver encore plus souvent dans les maisons d’études et les synagogues. La participation à des cours de thora nous donnera les forces de combattre l’influence néfaste du monde matériel.
En intensifiant la kédoucha (la sainteté) en nous, nous réussirons aussi à la multiplier autour de nous. C’est alors nous qui influencerons, positivement, les autres. Nous leur donnerons alors le plus beau cadeau du monde : de faire encore une mitsva, encore un pas vers Hachem.
Soyons présents, dès que possible, dans les cours et des ambiances de thora, afin de ne pas céder à l’influence néfaste d’un univers "matériel". Et lorsqu’il nous sera impossible de nous trouver dans de tels endroits, nous aurons au moins une chance de savoir et de pouvoir résister. Et en espérant encore un peu, nous réussirons à notre tour, à éclairer auprès de notre entourage, amen !
Rav Emmanuel MIMRAN
Source Torah Box