Coolisrael.fr a rencontré Elad Ratson, diplomate israélien sortant et directeur des relations publiques à l’Ambassade d’Israël en France depuis 2011. Retour sur un mandat mouvementé, ses enjeux et accomplissements...
Diplomate du Ministère des Affaires étrangères israélien depuis 2008, anciennement Chef de mission adjoint à l’Ambassade d’Israël en Côte d’Ivoire, Elad Ratson est depuis 2011, pour un mandat de quatre ans, le directeur des relations publiques à l’Ambassade d’Israël en France.
Avant sa carrière diplomatique, il fut directeur des opérations de NewTone Ltd., PDG de la filiale américaine PatenTest (spécialisée dans l’exploration de données et la recherche en propriété intellectuelle) et chercheur au Middle East Forum, Thinktank américain fondé et dirigé par Daniel Pipes. Diplômé de Sciences Politiques et d’Économie à l’Université de Carleton (Canada) et passionné par la découverte de nouvelles cultures, il a vécu en Chine, Thaïlande, Australie, Canada, États-Unis, Sénégal, Cameroun et Côte d’Ivoire.
En 2011, sa prise de fonction en tant que directeur des relations publiques de l’Ambassade d’Israël en France est l’occasion d’effectuer un état des lieux de l’image d’Israël en France. Après avoir entendu, à de multiples reprises, des propos négatifs mais non étayés tels que « La France n’aime pas Israël » ou « La presse française est systématiquement critique envers Israël », il décide de commander un sondage afin de comprendre scientifiquement ce que les Français pensent véritablement d’Israël.
Plusieurs éléments cruciaux ressortiront de ce sondage :
◾87% des Français associent systématiquement Israël au conflit israélo-palestinien,
◾60% des Français affirment avoir une image plutôt négative d’Israël,
◾L’image plutôt négative d’Israël et l’association de l’État d’Israël au conflit israélo-palestinien se ressentent majoritairement chez les jeunes de moins de 35 ans.
Dès lors, les résultats de ce sondage constitueront la base du plan d’action de la communication d’Israël en France. Le choix est fait de ne pas se focaliser sur le conflit car en France ce sujet occupe la quasi-totalité de la couverture médiatique sur Israël et qu’il est très souvent présenté de façon biaisée et idéologique. Convaincre les médias que le conflit est bien plus compliqué semble vain et perdu d’avance. Rappelons également que la focalisation sur le conflit et ses enjeux n’est pas uniquement le pendant des journalistes puisqu’au sein même de ceux qui sont considérés comme les amis d’Israël en France, beaucoup furent pendant longtemps obnubilés par la mise en avant systématique du dialogue israélo-palestinien.
Puisqu’Israël semble réduit à un conflit ne laissant aucune place aux informations positives sur le pays, il reste donc à faire connaitre la société israélienne dans sa créativité, ses richesses et sa diversité. D’autant que lorsque l’on compare la France à d’autres pays occidentaux (comme par exemple les États-Unis ou le Canada), on remarque une importante différence de perception d’Israël.
Dans ces pays, l’État d’Israël est principalement associé à la culture israélienne, aux avancées sociétales concernant notamment la place des femmes, aux découvertes des chercheurs israéliens, aux nombreux Prix Nobel ainsi qu’à la technologie et l’innovation. Les opinions publiques de ces pays semblent également avoir une meilleure connaissance de la diversité de la société israélienne (rappelons que les citoyens arabes israéliens représentent environ 20% de la population).
Au regard des lacunes françaises en matière de connaissance et compréhension de la société israélienne diversifiée, il est décidé de travailler sur les différents éléments ci-dessous.
D’autant qu’ils représentent également des champs de partenariats potentiels entre la France et Israël.
◾Encourager les voyages des Français en Israël et d’Israéliens en France.
◾Mettre en exergue le vivre ensemble en Israël en facilitant les voyages de musulmans de France en Israël et d’Arabes israéliens en France. L’objectif était de donner la parole à des représentants religieux tout en soulignant le rôle crucial des minorités dans l’échiquier politique et démocratique israélien.
◾Coordonner des voyages de centaines de pèlerins musulmans de France en Israël, avec notamment des visites à la mosquée d’Al Aqsa à Jérusalem et des rencontres organisées avec la communauté musulmane en Israël.
◾Mettre l’accent sur le rapprochement inter-religieux a aussi été affirmé à travers le soutien apporté à des pèlerinages chrétiens en Israël. Des milliers de pèlerins chrétiens de toutes sensibilités (catholiques, protestants…) se sont rendus en Israël. Un exemple marquant a été l’inauguration historique du mémorial dédié au Cardinal Lustiger près de Jérusalem, sur le site du monastère bénédictin, au sein du village arabe d’Abu Gosh.
◾Soutenir des voyages d’étudiants français afin de créer des liens avec des étudiants israéliens, et susciter l’envie chez des étudiants israéliens d’étudier en France et chez des étudiants français d’étudier en Israël. Faire découvrir Israël aux dirigeants de demain est essentiel pour le rapprochement entre les deux pays et les partenariats futurs.
◾Stimuler les projets de coopération technologique et scientifique entre les deux pays à travers le développement de campagnes de communication innovantes. La mise à disposition d’information portant sur l’innovation technologique israélienne ainsi que des voyages (de professionnels, de dirigeants) permettant la découverte de la nation start-up et le développement de partenariats. Le but étant aussi de rendre les startups israéliennes accessibles aux Français et francophones, puisque jusqu’alors la quasi-totalité de leur communication était tournée vers les États-Unis.
◾Améliorer la compréhension de la société israélienne en communiquant sur des sujets comme la place des femmes, les droits LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels et trans) ainsi que le vivre ensemble.
Tous ces projets ont pour but de renforcer la coopération franco-israélienne, tout en favorisant une meilleure compréhension de la société israélienne en France.
Le tournant de l’affaire Merah
Néanmoins, l’affaire Merah, survenue au mois de mars 2012, constitue un tournant. Auparavant, la communication de l’Ambassade d’Israël en France évitait le conflit israélo-palestinien, car la quantité d’informations portant sur ce sujet rendait quasiment inaudible toute autre information sur Israël.
Cependant, lorsque Mohammed Merah contextualise les raisons de ses actions terroristes en énonçant sa volonté de ” venger les enfants palestiniens “, il apparaît que la haine d’Israël en France est bien plus profonde et complexe qu’imaginé jusqu’alors.
En 2012, en France, des Juifs avaient été assassinés et ciblés en raison d’un conflit éloigné géographiquement dont les tenants et aboutissants les dépassaient incontestablement.
Suite à l’affaire Merah, le diplomate israélien réalise que le conflit joue un rôle au sein même de la politique interne française. Il prend conscience que pour certains l’importation du conflit en France est devenue une véritable stratégie électorale et sert des intérêts politiques complexes. Il se demande alors pourquoi le conflit est un sujet si obsessionnel au sein de certains milieux français à savoir principalement : l’extrême gauche, l’extrême droite et les milieux arabes.
Le premier constat notable est que l’importation du conflit et surtout la haine d’Israël en France est un élément fédérateur au sein d’une minorité arabe diversifiée où des visions différentes et des intérêts parfois conflictuels s’opposent. Elad Ratson prend conscience de cela suite aux nombreux entretiens avec des Imams et des responsables communautaires musulmans français qui lui ont tous certifié que la lutte contre Israël est le seul sujet susceptible de rassembler majoritairement les musulmans de France. D’aucun, l’ont bien compris…
C’est pourquoi, dans l’objectif de satisfaire leur électorat, certains partis politiques n’hésitent pas à se positionner contre l’État d’Israël et à mener une politique hostile envers l’État hébreu. D’autant que tel le réflexe conditionnel de Pavlov, il est possible d’endoctriner les masses au moyen de la répétition de messages ciblés. Et l’État d’Israël est victime de cette politique d’endoctrinement.
De plus, l’affaire Merah et les violences qui suivirent à savoir les manifestations anti-israéliennes de l’été 2014, l’augmentation des attaques anti-juives ou encore l’attaque terroriste de l’Hyper Casher ont totalement bouleversé l’agenda diplomatique de l’Ambassade d’Israël en France. A travers ces attaques ciblées, c’est la République française elle-même qui fut visée et touchée – précise Elad Ratson. L’autre impact direct, et non sans conséquences, de ces violences fut la vague d’immigration massive de nombreux Juifs français vers Israël.
A partir de l’affaire Merah, il est décidé de renforcer le dialogue entre l’État d’Israël et la communauté musulmane de France, dans l’objectif de lutter contre l’instrumentalisation et l’importation du conflit sur le sol français. D’autant que pour le diplomate israélien, les musulmans de France sont également victimes de cette instrumentalisation de la haine d’Israël.
L’un des projets les plus marquants de son mandat fut le voyage en Israël de Latifa Ibn Ziaten, mère du soldat assassiné par Mohammed Merah à Toulouse en 2012, avec un groupe de 15 jeunes du lycée Arthur Rimbaud à Garges-lès-Gonnesses et du collège Jean Lurçat à Sarcelles.
Néanmoins, il reste parfois difficile d’affirmer publiquement un rapprochement avec l’État d’Israël. Beaucoup de personnalités notamment arabes et/ou musulmanes qui souhaitent ouvrir un dialogue avec l’État d’Israël deviennent la cible de critiques et de menaces, ce que déplore profondément le diplomate israélien.
D’autant que les organisations appelant au boycott d’Israël n’hésitent pas à faire pression sur les différentes entités (individus, organisations, etc.) dans l’objectif de nuire au développement de la coopération franco-israélienne. En outre, l’analyse de ces milieux haineux envers Israël a permis de comprendre que l’échiquier politique français est bien loin d’être linéaire. Selon Elad Ratson, les positions de l’extrême gauche et de l’extrême droite se recoupent clairement sur certains sujets.
Olivia Zemor, présidente de CAPJPO-EuroPalestine et militante d’extrême gauche, comme Dieudonné, représentant de l’association et du site d’extrême droite Égalité & Réconciliation, sont par exemple proches idéologiquement en ce qui concerne leur combat acharné contre Israël. Sans nul doute, la haine d’Israël est un sujet fédérateur pour les représentants des deux extrêmes de l’échiquier politique français.
Les milieux haineux envers Israël se retrouvent également à travers le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions) dont l’objectif est de diaboliser de manière obsessionnelle l’État d’Israël. Ce mouvement amplifie la haine d’Israël via la diffusion d’une atmosphère dangereuse et hostile où tout ce qui est lié à Israël (fantasmé ou réel), voire l’idée même de l’existence de l’État d’Israël, serait toxique.
De la découverte de la France à l’amour du pays
Toutefois, de son mandat, Elad Ratson se souviendra avant tout de ses nombreux voyages à travers la France. Il gardera en mémoire toutes ses rencontres, les dialogues échangés, l’accueil et l’hospitalité naturelle de la population, la beauté des paysages français ainsi que les moments chaleureux partagés.
Certes, l’antisémitisme existe en France et s’affirme incontestablement au sein de certains éléments de la société française (milieux extrémistes notamment), mais pour le diplomate israélien ce n’est en aucun cas un phénomène représentatif de l’ensemble de la société française. Il existe d’ailleurs une réelle amitié franco-israélienne et beaucoup de français manifestent un soutien et une profonde bienveillance à l’égard de l’État d’Israël.
Le diplomate israélien a pu mesurer cette solidarité à travers l’une des missions les plus émouvantes qu’il a eu l’honneur d’effectuer durant son mandat à savoir les cérémonies de remise de médailles de Justes parmi les Nations. Honorer ces héros français (et leurs descendants) qui au péril de leur vie ont sauvé des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale fut une réelle fierté. Leur héroïsme a permis de sauver ceux qui deviendront, pour certains, les pionniers de l’État d’Israël. Par le biais de ces remises de médailles, il a pu leur exprimer sa profonde gratitude.
C’est notamment grâce à ces différentes cérémonies, aux quatre coins de la France, qu’il a également eu l’opportunité de voyager et rencontrer des personnes aux histoires aussi variées qu’intimes, toutes aussi passionnantes les unes que les autres.
Pour conclure, Elad Ratson est profondément fier d’avoir participé au rapprochement entre la France et d’Israël, deux pays qui partagent tant de valeurs et d’enjeux. Durant ces quatre années, il a créé des amitiés profondes et découvert la sincérité, la gentillesse et l’intelligence française. Il a également découvert la culture et surtout les valeurs françaises de Liberté, Egalité et Fraternité, exportées à travers le monde et notamment en Israël, qui lui sont si chères. Pour lui, nul doute que la France, ce pays à l’histoire riche et ancienne qui le fascine tant, trouvera les moyens de surmonter les enjeux auxquels elle doit faire face actuellement. Il la qualifie d’ailleurs de « magnifique France, ma symphonie douce-amère ».
En bref, il affirme être tombé totalement amoureux de la France. Cet amour il l’emportera avec lui en Israël où sa prochaine fonction l’attend déjà. Il s’occupera, dès octobre prochain, de la communication de l’État d’Israël au niveau mondial depuis le quartier général du Ministère israélien des Affaires étrangères à Jérusalem.
C’est Ido Bromberg qui succédera à Elad Ratson en tant que Directeur des relations publiques à l’Ambassade d’Israël en France. Diplomate et ancien rédacteur à la division économique du Ministère israélien des Affaires étrangères, Ido Bromberg a également été Chef de mission adjoint à l’Ambassade d’Israël en Côte d’Ivoire. Il ne nous reste plus qu’à lui souhaiter la bienvenue.
Source Cool Israel