Il y a trois ans à peine, David Levin quittait son Israël natale pour poursuivre son rêve de jouer au hockey sur glace. À ce moment, il ne savait même pas freiner. La semaine dernière, il a est devenu le premier choix au total du repêchage de la Ligue junior de l’Ontario (OHL). Le parcours du jeune Israélien a quelque chose d’hollywoodien. Né d’un père letton et d’une mère russe, Levin a grandi à Zoran, en Israël, à une trentaine de kilomètres de Tel Aviv, et à une heure de Jérusalem...
Le jeune homme a grandi dans un environnement qui n’encourageait certainement pas la pratique d’un sport hivernal, sur glace.La patinoire la plus près de son domicile se situait à quatre heures de route.
Par contre, Pavel, son père, était un mordu du hockey et un entraîneur. Il a initié son fils par l’entremise de la télévision où, quelques fois, il regardait des matchs de la Ligue nationale de hockey, en reprise, en raison du décalage horaire.
Le jeune David s’est donc lancé dans ce qui se rapprochait le plus de ce sport qui, d’où il venait, semblait inatteignable, soit le hockey en patins à roues alignées. Sous la tutelle de son père, qui l’entraîne, il connait aussitôt un vif succès.
QUITTER LE NID FAMILIAL
Travailleur acharné, Levin passe des heures à pratiquer son maniement de rondelle. Toutefois, il continue de regarder des matchs de hockey à la télé, particulièrement ceux des Penguins de Pittsburgh de son idole Evgeni Malkin.
Grâce à des contacts de son père, la famille Levin entre en contact avec l’agent de joueurs Darren Ferris, basé à Toronto, afin de voir s’il n’y aurait pas une possibilité pour lui de prendre en charge le jeune David au Canada. Un rôle de mentor, plus que d’agent.
Finalement, en 2012, Levin traverse l’Atlantique grâce à un visa étudiant, il se rend chez un oncle et une tante résidant à Richmond Hill, à 40 km de Toronto. On l’inscrit à l’Académie Hill de Vaughan, une école privée réputée pour développer des athlètes d’élites.
L’adaptation est difficile, autant sur qu’en dehors de la patinoire. C’est que son anglais est limité, et il découvre rapidement que le hockey sur glace n’a rien à voir avec le hockey en patins à roues alignées.
«C’était vraiment difficile, surtout au niveau du patin. Je ne savais pas freiner», a raconté le jeune homme lors d’un entretien téléphonique.
POTENTIEL
Pour son agent Darren Ferris, toutefois, il ne fait aucun doute dès les premiers coups de patin de son poulain, qu’il assiste à quelque chose de spécial.
«On voyait tout de suite qu’il possédait des habiletés hors du commun. Il était encore jeune, mais on voyait qu’il y avait quelque chose de spécial.»
Spécial, le mot est faible. La saison dernière, sa troisième à vie au hockey sur glace, il a terminé avec 80 points en 55 matchs avec les Flyers de Don Mills au niveau midget AAA mineur, ce qui a forcé la main des Wolves de Sudbury d’en faire leur premier choix au total.
Et il y a trois ans à peine, il ne savait même pas freiner...
La LNH
Un rêve farfelu devenu un objectif réalisable
David Levin n’a pas disputé une seule rencontre dans la Ligue de l’Ontario, mais les attentes sont déjà bien élevées à son endroit.
Né le 16 septembre 1999, il ne sera admissible pour le repêchage de la LNH qu’en 2018. Il pourra donc profiter de trois saisons complètes de développement avec les Wolves de Sudbury, avant qu’une équipe de la LNH puisse mettre le grappin sur ses services.
Depuis les débuts de la LNH, trente pays ont vu au moins un de leurs produits y disputer une rencontre. D’ici quelques années, Levin pourrait donc faire augmenter ce nombre.
«Mon rêve est de devenir le premier joueur israélien à jouer dans la LNH. De pouvoir représenter mon pays, où le hockey ne prend pas beaucoup de place, ce serait un honneur.»
JOUEUR D’ÉLITE ?
Pour son agent Darren Ferris, Levin est promu à un bel avenir. Celui qui a représenté Connor McDavid à ses débuts, et qui gère maintenant la carrière, entre autres, du jeune et prometteur Sam Bennett, croit que son rêve est possible.
«Ça fait 21 ans que j’exerce ce métier, et j’en ai vu des joueurs de hockey. Ce jeune a tout pour devenir un joueur d’élite dans la LNH. Il a l’opportunité de poursuivre sa progression, et je suis convaincu qu’on parlera de lui en 2018, lors du repêchage.»
UNE ÉQUIPE EN DIFFICULTÉ
Une chose est claire, l’Israélien a encore beaucoup à faire avant d’atteindre la LNH. Il devra tout d’abord s’implanter dans la Ligue de l’Ontario, et les premières années pourraient être difficiles.
Les Wolves de Sudbury ont terminé bons derniers en Ontario, en vertue d’une misérable saison de 12 victoires en 68 rencontres. Ils ont terminé avec 26 points de classement. Pour comparer, la deuxième pire formation, les Spitfires de Windsor, en ont récolté 52.
Quoiqu’il en soit, Levin a ce qu’il faut pour réussir, selon le directeur du recrutement de l’OHL, Darrell Woodley.
«Il a les habiletés pour faire mal paraître un adversaire, et il le fait avec beaucoup de facilité. Tout vient facilement pour lui, ce qui est impressionnant considérant le fait qu’il ne joue au hockey sur glace que depuis trois ans. (...) David a le potentiel de devenir un grand joueur dans l’OHL, et les opportunités sont infinies pour lui, s’il poursuit à apprendre et à se développer.»
Habitué au son de la sirène... de la guerre!
À 15 ans seulement, le jeune homme possède déjà un bagage d’expérience plus rempli que bien des trentenaires.
Au bout du fil, David Levin parle déjà comme un professionnel. Et ça ne semble pas lui avoir été enseigné par son agent ou quiconque le conseille. Ça vient naturellement.
Après tout, quitter le nid familial à 12 ans, ça forge un caractère. Avoir grandi en Israël, un pays au cœur d’un conflit avec la Palestine qui dure depuis plus de 60 ans, ça forge également un caractère, on imagine.
DURE RÉALITÉ
Même s’il a déménagé au Canada, Levin retourne à tous les étés à Zoran, dans son patelin israélien d’origine.
Et l’été dernier, il a été replongé directement dans ce qui avait été son quotidien pendant plusieurs années.
Jouant avec son frère Mike, au hockey, dehors, les deux jeunes hommes ont été interrompus par le son strident d’une sirène.
«Nous avions 45 secondes pour nous réfugier. On pouvait entendre les bombes, se souvient-il. J’ai grandi dans cet environnement, mais ce n’était rien pour m’empêcher de jouer au hockey», s’empresse-t-il d’ajouter.
Espérons pour lui que des sirènes, il en entendra d’autres dans sa carrière. Des sirènes de but, évidemment.
Source Le Journal de Montreal