C'est le troisième marathon nucléaire que disputent l'Iran et les puissances du groupe «5 +1» (les membres permanents du Conseil de sécurité et l'Allemagne) en un an. Réunis à Vienne depuis lundi, leurs représentants ont jusqu'au 24 novembre pour transformer l'accord intérimaire de Genève en règlement définitif et régler enfin cette question aux fortes implications stratégiques, qui empoisonne les relations internationales depuis douze ans. Six jours seulement pour réduire des écarts encore jugés «considérables» par une source proche du dossier...
Les enjeux le sont tout autant. Côté pile, une normalisation des relations entre Téhéran et Washington, après trente-cinq ans de gel, pourrait à terme remodeler le Moyen-Orient, bouleverser les alliances et susciter de possibles coopérations sur les grandes crises régionales comme l'Irak et la Syrie. Si l'Iran accepte de réduire drastiquement son programme nucléaire militaire, comme l'exigent les grandes puissances internationales, le pays, libéré des sanctions économiques, retrouvera sa place au sein des grands producteurs mondiaux de pétrole.
Côté face, une rupture des négociations relancerait la prolifération au Moyen-Orient, de l'Iran chiite à l'Arabie saoudite sunnite, qui a déjà, selon les spécialistes, posé les premiers jalons d'un programme nucléaire civil. Elle ferait aussi peser la menace d'une nouvelle guerre dans la région. Israël, qui considère la question nucléaire iranienne comme une menace existentielle, a souvent prévenu qu'elle pourrait frapper les installations clandestines de la République islamique.
Le moment n'a sans doute jamais été aussi propice pour trouver une solution. L'élection d'un pragmatique, Hassan Rohani, à la présidence iranienne en 2013, a permis la signature de l'accord intérimaire de Genève il y a tout juste un an. Dès son arrivée à la Maison-Blanche, Barack Obama a promis d'œuvrer en faveur de la dénucléarisation du monde. Très réticent à utiliser la force, le président américain a besoin d'un succès en politique étrangère, après avoir accumulé les échecs dans ce domaine.
Malgré ce nouveau contexte, les obstacles demeurent nombreux et solides. En Iran d'abord, où les durs qui évoluent dans l'entourage du guide suprême, ainsi que les gardiens de la révolution, restent opposés à un accord. Comme l'affirme le gendarme onusien du nucléaire dans son dernier rapport, l'Iran n'a pas montré, au cours des derniers mois, sa volonté de coopérer avec l'AIEA en répondant aux questions posées sur son programme militaire ou en acceptant les visites sur des sites sensibles ou douteux, comme celui d'Arak.
Le groupe des «5 +1» a déjà concédé à l'Iran le droit de garder une capacité résiduelle d'enrichissement.
Mais Téhéran refuse de diminuer le nombre de ses centrifugeuses et de ses stocks d'uranium enrichi à un niveau qui garantirait aux Occidentaux un délai d'au moins un an avant que le pays puisse accéder au statut atomique. La République islamique exige par ailleurs la levée immédiate de toutes les sanctions occidentales.
«On fait pas mal de surplace», commente un diplomate français, pour qui la balle est désormais dans le camp des autorités iraniennes, qui doivent ou non prendre la décision stratégique de coopérer avec les grandes puissances.
Des résistances pourraient aussi venir des alliés des États-Unis, Israël et Arabie saoudite en tête, qui considèrent que les «5 + 1» ont déjà fait trop de compromis.
Elles pourraient aussi émaner de la France, qui depuis l'accord de Genève s'est érigée en gardienne des principes de non-prolifération. Entre un «mauvais accord» que les Six refusent officiellement d'envisager et un scénario de rupture dont personne ne veut assumer les conséquences, les négociations de Vienne pourraient finalement donner aux deux parties un nouveau délai supplémentaire, de quelques semaines ou de quelques mois, pour tenter de s'entendre.
Mais à partir de janvier, date de l'installation du nouveau Congrès américain après la victoire des républicains au Sénat, les partisans d'un compromis avec l'Iran auront davantage de mal à se faire entendre. Les négociateurs du groupe «5 + 1» savent que tout délai supplémentaire rapproche Téhéran de la bombe nucléaire. L'Iran le sait également.
Source Le Figaro