mardi 18 novembre 2014

Israël : la vie extraterrestre est peu probable !


Depuis deux mois, le milieu des exobiologistes est en effervescence suite à une prépublication des astrophysiciens Tsvi Piran de l’Université Hébraïque de Jérusalem et Raul Jimenez de l’Université de Barcelone. Dans cet article, les astrophysiciens expliquent comment toute vie sur Terre pourrait disparaître, mais aussi, et surtout pourquoi, il y a peu de chances qu’une vie similaire à celle qu’on connaît sur Terre soit possible ailleurs dans l’univers. Toute leur argumentation repose en fait sur l’étude des sursauts gamma. Mais qu’est-ce qu’un sursaut gamma ? me direz-vous...analyse...
 

Nous allons donc commencer par essayer de comprendre de quoi il s’agit, puis nous verrons pourquoi ils rendent quasi-impossible l’apparition d’une vie extraterrestre d’après les travaux du professeur Piran.
L’histoire des sursauts gamma commence dans les années soixante avec le traité portant sur l’interdiction de réaliser des essais nucléaires atmosphériques. Ce traité, ratifié par les Etats-Unis, l’URSS et le Royaume-Uni, suite à la crise des missiles de Cuba, interdit aux pays signataires d’effectuer des essais d’armes nucléaires dans l’atmosphère.
Afin de contrôler le respect par l’URSS de ce traité, les Etats-Unis lancèrent en 1963 le projet Vela. Il s’agit d’un satellite équipé d’instruments capables de détecter les émissions de photons gamma. En effet, des rayons gamma sont émis lors d’un processus de désintégration nucléaire au moment de l’annihilation d’une paire électron-positron, et on en retrouve donc notamment au cours d’une explosion atomique.
Bien que n’ayant détecté aucun essai nucléaire russe, le satellite Vela détecta un grand nombre de « bouffées » de photons gamma, appelées aussi « sursauts » gamma (GRB, Gamma-ray Burst en anglais) apparaissant de façon aléatoire dans l’espace et le temps. Ces observations restèrent maintenues sous le sceau du secret défense jusqu’en 1973, et ce n’est qu’à partir de cette année là que les scientifiques purent se pencher sur ces phénomènes inexpliqués.

Depuis lors, les sursauts gamma furent l’objet de nombreuses études cherchant à comprendre leurs origines, leurs natures et leurs impacts sur l’espace environnant. Le professeur Piran est devenu au fil des ans l’un des spécialistes mondiaux des sursauts gamma, et c’est à ce titre que cette dernière publication retient toute l’attention des spécialistes.

Mais que sait-on des sursauts gamma ?

La caractéristique principale des sursauts gamma est l’énorme quantité d’énergie libérée au cours de ces phénomènes. Il s’agit des phénomènes les plus énergétiques jamais observés dans l’univers. Ainsi par exemple, en septembre 2008, l’observatoire à rayon gamma Fermi a détecté le sursaut correspondant à la fin de vie d’une étoile massive.

La lumière émise a mis 12,2 milliards d’années à nous parvenir (l’univers, lors de l’explosion, n’avait que 1,5 milliards d’années) et l’énergie totale libérée en fait l’explosion la plus violente depuis le Big Bang (création primordiale de l’univers selon les théories astrophysiques généralement admises dans le milieu scientifique). Les particules émises se déplacent alors à une vitesse proche de la vitesse absolue qui est la vitesse de la lumière (environ 300000 km/s).
Les sursauts gamma sont généralement divisés en deux catégories : ceux dont la durée est inférieure à 2 secondes ont en général un spectre localisé dans les très hautes énergies et ceux dont la durée est supérieure à 2 secondes (certains peuvent même durer plusieurs minutes) ont un maximum spectral à plus basse énergie.

Cette division reflète en fait les différentes origines des sursauts. Les sursauts les plus longs correspondent en fait à la mort d’étoiles massives (comme celui détecté en 2008 par Fermi), alors qu’il est supposé que les courts sursauts correspondent à l’effondrement d’une étoile double (étoile composée de deux étoiles tournant autour d’un centre de gravité commun).
Il a également été observé que les longs sursauts avaient lieu principalement dans des galaxies à faible métallicité (en astrophysique, tout élément plus lourd que l’hélium est appelé métal même s’il ne s’agit pas d’un métal au sens usuel du terme), c’est-à-dire des galaxies essentiellement composées d’hydrogène et d’hélium.
Maintenant que nous en savons un peu plus sur l’origine et la nature des sursauts gamma, nous pouvons nous poser la question de savoir s’ils peuvent être dangereux pour la vie sur Terre.

Quelles conséquences pour la Terre ?

Les scientifiques estiment que les photons gamma avec des énergies supérieurs à 100keV (kilo-électron Volt) provenant d’un sursaut galactique peuvent détruire la couche d’ozone de la Terre dont le rôle est d’absorber la plus grande partie du rayonnement solaire ultraviolet et de protéger ainsi les organismes vivants.

D’après les dernières études sur le sujet, un sursaut gamma de densité d’énergie de 10kJ/m2 aurait déjà des conséquences pour la vie sur Terre (disparition de certaines espèces, non apparition de certaines autres) et avec une densité de 1000kJ/m2 la quasi totalité de l’atmosphère serait détruite conduisant ainsi à la disparition totale de tout être vivant. Une densité d’énergie de 100kJ/m2 peut être admise comme étant le seuil à partir duquel un sursaut gamma peut être considéré comme une réelle menace pour les êtres vivants sur Terre.
Considérant alors les différentes caractéristiques physiques de notre galaxie, ainsi que la fréquence et la puissance des sursauts gamma pouvant atteindre la Terre, les professeurs Piran et Jimenez ont alors calculé que la probabilité pour qu’un sursaut gamma de densité d’énergie de 100kJ/m2 atteigne la Terre au cours des 5 milliards d’années passées est supérieure à 90%.

La probabilité qu’un tel événement ait eu lieu au cours des 500 millions d’années passées est alors de 50%. Si on considère maintenant les probabilités pour qu’un sursaut gamma soit de densité d’énergie suffisante pour influencer l’évolution de la vie (c’est à dire 10kJ/m2), Piran et Jimenez obtiennent 99,8% pour les 5 milliards d’années passées et 95% pour les 500 millions d’années passées. Cependant, les risques pour qu’un événement majeur cataclysmique (de densité supérieur à 1000kJ/m2) restent faibles, inférieures à 25%.

Qu’en est-il de l’existence d’une vie extraterrestre dans notre galaxie ?

Les professeurs Piran et Jimenez se sont aussi intéressés aux risques causés par les sursauts gamma sur l’apparition d’une forme de vie ailleurs que sur Terre dans notre galaxie, la Voie Lactée. Pour cela, il est nécessaire de définir la dose létale de radiation pour menacer la vie ailleurs, et il est donc nécessaire de faire des hypothèses sur la nature de cette vie extraterrestre.

Il est toujours possible d’imaginer des formes de vies pouvant supporter des taux de radiations supérieurs, mais dans leur étude les astrophysiciens ont fait l’hypothèse que la vie extraterrestre serait sensiblement similaire à celle que nous connaissons sur Terre. Cette hypothèse est habituelle dans la recherche d’exoplanètes (planètes se trouvant en dehors du système solaire) où la vie pourrait se développer.
Comme les étoiles ne sont pas réparties de façon homogène au sein de la Voie Lactée, il est nécessaire de prendre en compte la densité stellaire dans les calculs. Ainsi, comme il y a beaucoup plus d’étoiles au centre de la galaxie, la menace liée aux sursauts gamma est supérieure dans cette région. Sachant que 25% des étoiles de la Voie Lactée se trouvent à une distance de 2kpc (kiloparsecs ; 1 parsec= 3,2616 années-lumière ; 1 année-lumière étant la distance parcourue par la lumière en 1 année) du centre de la galaxie, il y a une probabilité de 95% pour qu’un sursaut gamma de 100kJ/m2 ait eu lieu cours du milliard d’années passées.
Les calculs montrent qu’il y a une probabilité de 95% pour qu’un événement de densité d’énergie de 1000kJ/m2 ait eu lieu dans un rayon de 12kpc et qu’un événement de 10kJ/m2 dans un rayon de 0,5kpc. Il apparaît ainsi que c’est dans une petite zône dans la périphérie de notre galaxie que la vie a le plus de chances d’apparaître et d’être préservée.

Et ailleurs dans l’univers ?
 

Sous les mêmes hypothèses que précédemment, et à partir des connaissances actuelles sur la composition de l’Univers et des galaxies qui le composent (densité, metallicité), il apparaît que les régions les plus sûres pour permettre à la vie de se développer sont les régions les moins denses situées à la périphérie de certaines grandes galaxies représentant environ seulement 10% des galaxies.
Il apparait donc d’après les derniers résultats obtenus par les professeurs Piran et Jimenez qu’à cause de la puissance et la fréquence de ces sursauts gamma, il est quasiment impossible à la vie (telle que nous la connaissons sur Terre) de se développer ailleurs dans l’univers. 


Tsvi Piran en quelques mots

Tsvi Piran obtient sa licence de physique de l’Université de Tel Aviv en 1970. Il poursuit ensuite ses études en se spécialisant en astrophysique et obtient brillamment son master en astrophysique en 1972. Il reçoit en 1976 le prix Mifal Hapais pour son travail de doctorat portant déjà sur les sursauts gamma. Après sa thèse, il part un an à l’Université d’Oxford avant d’accepter un poste à l’université du Texas à Austin. Il rejoindra ensuite la prestigieuse université de Princeton en 1979, puis reviendra en Israël en 1981 pour intégrer le département de physique de l’université Hébraïque de Jérusalem. Invité par les plus prestigieuses universités américaines (Columbia, Harvard, Princeton), Tsvi Piran a reçu de nombreux prix ou financements nationaux et internationaux.

Source SiliconWadi