mardi 18 novembre 2014

Arabes d’Israël : ce qui a changé durant la dernière décennie

 
La révolte actuelle des citoyens arabes d’Israël rappelle les émeutes de 2000. Quatorze ans après, leur intégration sociale s’est-elle améliorée ? Depuis quelques semaines, la violence n’implique pas seulement des Palestiniens de la Cisjordanie ; elle s’étend aussi aux Arabes d’Israël. Le scénario est connu : il est le même qui s’est déjà produit en septembre 2000...


Une tension sur le Mont du Temple ou un policier qui dégaine son arme trop rapidement : il n’en faut pas davantage pour élever des barricades et affronter les forces de l’ordre.
Le malaise des citoyens arabes d’Israël n’est pas nouveau ; il dure depuis 66 ans, avec des hauts et des bas. En 2014 comme en 2000, leur soulèvement est le symptôme d’un mal de vivre d’une communauté qui est écartelée entre sa nationalité israélienne et sa solidarité avec le peuple palestinien.
Il faut se rendre à l’évidence : la minorité arabe a du mal à trouver sa place dans la société israélienne.
C’est le président israélien lui-même, Reouven Rivlin, qui déclarait il y a quelques jours : « Nous devons être honnêtes et admettre que le secteur arabe d’Israël souffre de discrimination depuis des années ».
Quatorze ans après les évènements violents de septembre 2000, les chiffres officiels ne montrent que très peu d’amélioration dans le sort des citoyens arabes : les écarts socio-économiques entre Arabes et Juifs ne se sont pas réduits, ou presque pas.

L’ÉCART SOCIO-ÉCONOMIQUE SUBSISTE
Dans la plupart des domaines de la vie quotidienne et de l’activité économique, les citoyens arabes sont encore à la traîne de la moyenne nationale. Leur retard est important dans trois domaines principaux : l’éducation, l’emploi, et le niveau de vie. En voici quelques illustrations :

SALAIRE
En 2013, un salarié arabe gagnait encore 36% de moins en moyenne qu’un salarié juif (9.566 shekels pour un juif contre 6.076 shekels pour un arabe) ; les écarts de salaire reflètent les différences de formation, de métiers, de responsabilité, etc.

ÉTUDES
Le niveau d’éducation s’élève mais le retard subsiste : les Arabes d’Israël représentent 21% de la population israélienne, mais ils sont seulement 12% des étudiants israéliens.

PAUVRETÉ
Selon le dernier rapport officiel sur la pauvreté, 54% des familles arabes vivent en dessous du seuil de pauvreté contre 15% des familles juives.

EMPLOI
Les Arabes sont plus nombreux dans les emplois d’ouvriers non spécialisés (14% d’entre eux) que les Juifs (7% d’entre eux) ; en revanche, ils ont moins nombreux à occuper des postes de direction (2%) que les Juifs (8%). Dans la fonction publique, seulement 8% des fonctionnaires israéliens sont arabes.

CHÔMAGE
Le taux de chômage est toujours plus élevé parmi la communauté arabe (8%) que parmi les juifs (6%).

INFRASTRUCTURES
Le secteur arabe souffre d’une pénurie d’infrastructures dans de nombreux domaines : routes, santé, écoles, industrie, agriculture, etc.

NIVEAU DE VIE
Les villes arabes figurent toujours au bas de l’échelle des villes israéliennes classées selon le niveau de vie de leurs habitants.

SANTÉ
Les conditions de vie médiocres et l’insuffisance des services médicaux dans les localités arabes perpétuent les écarts entre Juifs et Arabes : l’espérance de vie des arabes (78 ans) est inférieure de trois ans à celles des juifs (81 ans). De même, le taux de mortalité infantile est trois fois plus élevé chez les arabes (6,5 pour 1000 naissances) que chez les juifs (2,3 pour 1000 naissances).
La plupart des écarts actuels trouve leur origine dans la politique des gouvernements israéliens successifs qui, à l’exception des années 1993-1995, ont toujours beaucoup moins investi dans le secteur arabe que juif.

QUELQUES AVANCÉES
Certes, quelques progrès ont été réalisés par les Arabes d’Israël au cours de la dernière décennie, notamment dans le domaine de l’éducation.

ÉDUCATION
Aujourd’hui, le nombre médian d’années d’études chez les Arabes et les Juifs est identique (12 ans). De même, le taux réussite au bac parmi les Arabes se rapproche de celui de Juifs ; quant à la proportion d’Arabes dans l’enseignement supérieur, elle va en croissant.

VILLES
Les dotations du ministère de l’Intérieur aux budgets des municipalités sont plus équilibrées aujourd’hui qu’elles ne l’étaient il y a une décennie.

LA LEÇON DE 2000
Après les heurts violents de septembre 2000, qui avaient fait 12 morts parmi les citoyens arabes, une commission d’enquête officielle avait été mise en place pour évaluer les responsabilités respectives des protagonistes, manifestants arabes et police israélienne.
Dans un rapport de 830 pages, la commission présidée par le juge de la Cour Suprême Theodore Orr, s’élevait contre la discrimination dont les arabes sont victimes :
« L’un des objectifs principaux de l’État doit être d’atteindre une véritable égalité pour les citoyens arabes. La discrimination contredit le droit fondamental à l’égalité qui, de l’avis général, est inscrit dans le droit de tous les individus à la dignité humaine. En conséquence, il est dans l’intérêt de l’État d’œuvrer à effacer la tache de la discrimination à l’encontre de ses citoyens arabes sous toutes ses formes et tous ses modes d’expression ».

La leçon des heurts de 2000 ne semble pas avoir été retenue : l’intégration des citoyens arabes passe d’abord par la réduction des écarts socio-économiques avec les citoyens juifs.
C’est lorsque les Arabes se sentiront partie intégrante de la société israélienne qu’ils cesseront de s’identifier à la cause palestinienne.
 
Jacques Bendelac (Jérusalem)
 
Source Israel Valley