dimanche 24 septembre 2017

A Montalembert, la plaque commémorative de la discorde....


La plaque commémorative pour la cérémonie qui doit avoir lieu samedi 7 octobre, à la mémoire d'une famille polonaise arrêtée en 1942 à Montalembert, déportée puis exécutée à Auschwitz, fait des vagues. Les historiens deux-sévriens référents sur la période, consultés par la municipalité, avaient proposé la mention (1) « arrêtés sur ordre de l'occupant nazi par des gendarmes français ». Ils ont été recalés......Détails........



A leur projet, Jean-Marie Deschodt et son conseil municipal ont préféré mentionner une arrestation « à la demande du Troisième Reich avec la complicité du gouvernement de Vichy » (sic).
Ce, au terme d'une réunion préparatoire tendue en mairie de Montalembert le 1er septembre avec ladite représentation historienne et celle des associations patriotiques du Souvenir français et de l'Anacr.

" Censure mensonge par omission ! "

Les historiens s'insurgent. « La mention des gendarmes français a disparu. Censure, mensonge par omission ! C'est un cas de censure analogue à celui de Parthenay il y a quelques années », s'emporte Dominique Tantin, le professeur agrégé et docteur en histoire niortais, plusieurs ouvrages à son actif sur cette sombre période en Deux-Sèvres.
Co-auteur de ce texte avec Thérèse Pouplain, veuve de Jean-Marie Pouplain dont les recherches avaient éclairé l'histoire des persécutions des juifs dans les Deux-Sèvres, Dominique Tantin avait préparé ce texte en concertation aussi avec Florence et Jacques Bachmann, représentant la communauté juive des deux-Sèvres, et l'historien niortais Michel Chaumet, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, chercheur associé à l'Institut d'histoire du temps présent, unité de recherche du CNRS.
Mensonge par omission ? « Pour éviter que ça recommence, est-ce qu'il est besoin de fustiger les lampistes ? Nous savons que la bête immonde n'est pas morte », répond en substance le maire de Montalembert qui confie avoir « arrêté le projet au terme de 25 maquettes ».
 Ce dernier, qui se pose en chantre du consensus et promet de conclure son discours par un « " Je suis juif " comme le " Nous sommes Charlie " » lors de sa cérémonie du 7 octobre, évoque aussi pour sa défense le fait que l'exposition de l'Onac, « Désobéir pour sauver », sera présentée en parallèle à la cérémonie dans la bibliothèque de la commune.
A-t-il subi des pressions ? « Je ne voulais pas le bordel dans ma commune. On m'a dit qu'une telle plaque prendrait un coup de masse dès le lendemain… Vous avez vu le pourcentage de FN dans cette commune ? », répond le maire, excédé.
Montalembert, 263 âmes, 229 en âge de voter, commune à l'extrême sud-est des Deux-Sèvres… avait d'ailleurs choisi les extrêmes à la dernière présidentielle, en portant Marine Le Pen en tête à égalité avec Jean-Luc Mélenchon au premier tour (25,15 %) et Le Pen largement au-dessus de son score national avec 41,94 % au second tour.

(1) La proposition des historiens était la suivante : « A la mémoire des juifs arrêtés sur ordre de l'occupant nazi par des gendarmes français à La Tuilerie de Montalembert, déportés et assassinés à Auschwitz : Syprinça Klayner, le 21 août 1942 ; Daniel et Dora Niewiadynski née Tadyka et leurs enfants : Anna 16 ans, Bernard 14 ans, Félix 12 ans, polonais, et Marcel, français, 8 ans, le 9 octobre 1942. N'oublions jamais ! »

repères

« L'omission » des gendarmes sur la plaque commémorative de Montalembert n'est pas sans faire penser à la commémoration de la discorde, à Parthenay, le dimanche 25 avril 2010, comme le rappelle ici Dominique Tantin. Dans la tourmente, Xavier Argenton, alors maire de Parthenay, avait suscité une vive polémique dont s'était même fait écho la presse nationale.
Le maire de Parthenay avait interdit la lecture par des collégiens d'un témoignage mettant en cause les gendarmes de Vichy, lors de la cérémonie qui se tenait à l'occasion de la Journée nationale du souvenir de la déportation. Ce texte était l'œuvre d'Ida Grinspan, ancienne déportée, qui y racontait en détail son arrestation de 1944… par des gendarmes.
Sitôt connu le projet de plaque commémorative de Montalembert, Dominique Tantin en a d'ailleurs informé Ida Grinspan.

" Pas le choix "

« Je n'étais pas non plus d'accord pour porter la mention des gendarmes. Ils obéissaient et n'avaient pas le choix. On se retrouve aujourd'hui en présence de gens qui n'ont pas connu cette époque, on est souvent dans la réécriture de l'histoire », répond le colonel Philippe Jaubert, délégué général du Souvenir français en Deux-Sèvres, à propos du choix de ne pas inscrire sur la plaque commémorative que ce sont des gendarmes français qui ont arrêté cette famille de Montalembert en 1943.
Solidarité de corps, peur de « froisser » les gendarmes d'aujourd'hui ? « Ce n'est pas du tout la question. Pour un recueillement mémoriel est-il besoin de remuer les douleurs du passé ? », s'interroge Philippe Jaubert. Jean-Marie Deschodt, le maire de Montalembert, indique pour autant « qu'il n'était pas question de jeter l'opprobre sur une profession mais bien de rendre hommage à ces pauvres gens morts déportés avec la complicité du régime de Vichy. L'idée, c'était aussi un message de paix ».

Sébastien Acker


Source La Nouvelle Republique
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