dimanche 24 septembre 2017

Liban : Michel Aoun interviewé par Paris Match....


Passionné par la Méditerranée, ancien ambassadeur à Malte, l’écrivain Daniel Rondeau, attaché au sort des chrétiens au Proche-Orient, est un ami de trente ans du général Aoun. Il l'a rencontré pour Paris Match......Interview........



Paris Match. Vous avez été élu après un long vide politique. Comment se sont scellées les réconciliations avec Samir Geagea puis avec Saad Hariri, devenu votre Premier ministre ?
Michel Aoun. Après deux ans et demi de vacance du pouvoir, les responsables politiques libanais ont engagé un dialogue avec moi. D’abord Samir Geagea, puis Saad Hariri.

J’ai cherché à organiser une coopération entre tous les groupes libanais dans le respect des convictions et de la liberté de chacun. Mes objectifs étaient la stabilité et la sécurité du Liban.

Votre alliance avec le Hezbollah reste souvent incomprise.
Le Hezbollah représente un tiers des Libanais. Va-t-on exclure un tiers des Libanais de la vie nationale ?

Le Hezbollah a résisté pendant une vingtaine d’années dans le Sud-Liban occupé par Israël qui n’applique pas la résolution de l’Onu lui demandant d’évacuer notre territoire.
En 2006, j’ai rencontré Hassan Nasrallah à l’église Saint-Michel de Beyrouth. Nous avons passé un accord non signé mais indéfectible. Ce jour-là, le Hezbollah s’est engagé à n’utiliser ses armes que pour défendre le Liban contre des agresseurs, et jamais de façon offensive ou agressive. Il ne participe à aucune opération terroriste, ni au Liban ni ailleurs. Il est vrai que l’Iran a fourni des armes au Hezbollah…
"Je pense que le président Assad restera en place"

C’est quand même un problème…
Jusqu’à présent, nous n’avons subi aucune intervention de l’Iran dans notre politique intérieure. C’est peut-être difficile à croire mais c’est comme cela.


Vous vous êtes battus contre la Syrie et vous voici maintenant entretenant des relations amicales avec votre voisin.Il n’y a pas de guerre qui ne finisse pas. Je vous l’avais dit dans le bunker de Baabda, en 1989.
Le jour où la Syrie reconnaîtra le Liban, son indépendance, nous ferons ce qu’ont fait l’Allemagne et la France, toutes proportions gardées. Nous ferons la paix. Aujourd’hui, nos relations sont normalisées.
La neutralité positive me paraît pour le Liban une position enviable : que chacun définisse par le dialogue ses intérêts vitaux de telle sorte qu’ils soient respectés par tout le monde. Dans cette optique, je me rendrai en Iran au mois d’octobre.

Il y a quelques semaines, l’armée libanaise a reconquis des territoires occupés par l’Etat islamique.
C’était pour nous l’ultime bataille contre l’Etat islamique. L’armée libanaise a combattu sur le territoire libanais. Le Hezbollah était engagé avec l’armée syrienne contre une faction de l’Etat islamique de l’autre côté de la frontière. Le terrorisme menace maintenant la terre entière.

Actuellement l’Etat islamique est combattu comme s’il était une armée traditionnelle.
Les services de renseignement doivent monter en puissance dans la lutte contre l’EI qui va, je le crains, installer des cellules dormantes dans de nombreux pays.

Les Etats-Unis, la France et certains pays du Golfe ont révisé leur politique vis-à-vis d’Assad. Que va-t-il se passer en Syrie ?La guerre va bientôt se terminer. Il reste à trouver une solution politique.
"J’ai appris à aimer la France dans l’école de mon village"

Bachar el-Assad restant au pouvoir ?
Je pense que le président Assad restera en place. Le gouvernement syrien cherche à faire la paix avec ceux qui l’ont combattu. La réconciliation nationale est déjà à l’œuvre. Espérons que cela va continuer.


Le Liban est une terre paradoxale de stabilité au milieu du chaos et malgré la présence de 1,75 million de réfugiés sur son sol. Quel rôle doit-il jouer dans la région ?Son rôle, bien défini, est de servir de modèle pour les autres pays du Moyen-Orient qui veulent vivre en paix et accepter la pluralité sur leur territoire. Je vais proposer aux Nations unies de créer à Beyrouth un centre international de dialogue entre les civilisations et les religions.
Il me semble que notre force est d’être un pays cogéré par différentes religions. Dans le contexte actuel, c’est très sécurisant.

Des Libanais estiment pourtant que vous devriez aller vers une laïcisation des institutions…
Je crois que ce n’est pas le moment. Beaucoup de musulmans ne sont pas encore prêts. Jusqu’à présent, l’islam donne aux croyants un ensemble de lois qui ne séparent pas le spirituel du temporel. Pour les chrétiens, c’est plus simple…


Nous n’avons pas parlé d’Israël ?
Je demande simplement à Israël la justice, le respect des droits des Palestiniens et le retrait des territoires que les Israéliens occupent au Liban. Le char et le canon ne sont jamais, à la longue, une solution.


Le Liban, comme d’autres pays, est affecté par une corruption importante.
C’est ma première urgence, mais ce n’est pas facile, car nous devons affronter une coalition de corrompus. Certains cherchent même à s’allier à moi pour mieux se cacher, cela me fait sourire.

Votre visite est la première visite d’Etat organisée sous la présidence d’Emmanuel Macron.
J’ai appris à aimer la France dans l’école de mon village. Je viens pour renouveler une amitié plusieurs fois séculaire et pour proposer qu’en matière internationale nous continuions de nous appuyer dans les affaires qui concernent nos deux pays.

La France est le pays le mieux placé pour relancer un partenariat euroméditerranéen. Le Liban pourrait jouer le même rôle au Levant. Paris est pour nous tous la capitale de la liberté dans le monde. La langue française est la langue universelle de la culture.
Je suis heureux de voir la France réaffirmer sa vocation méditerranéenne. Les Libanais et moi-même sommes très sensibles au geste du président Macron.
Source Paris Match
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