Plus que Daech, il devient de jour en jour plus clair que ce que les armes du Hezbollah sont en train de détruire, c'est le Liban. Mais ce n'est pas d'abord une lecture strictement militaire des faits, telle que voulue par ce parti, qui rend compte de cette vérité. Les armes du Hezbollah sont en train de détruire le Liban en minant le lien social qui unit les Libanais, individus et communautés.......Détails.........
Et l'élément vital de ce lien que ces armes minent est celui de l'égalité. En se plaçant au-dessus des institutions, le Hezb empêche les autres communautés et courants de se percevoir comme pleinement égaux.
Sur le plan de la représentation et des faits, le vice fondamental de ces armes est cette création d'inégalité.
Une création continuelle, permanente, tant que cet arsenal est présent. C'est donc quotidiennement, et non pas occasionnellement, que le lien social entre Libanais est miné par la formation de Hassan Nasrallah, même si, à certains moments, on ressent cette inégalité plus intensément, les événements se chargeant de réveiller ce sentiment et de l'exacerber.
Ce qui se passe au niveau du lien social et de la représentation est de première importance, et il faut espérer que le Hezbollah et les autorités publiques en prendront conscience rapidement.
En attendant, il est nécessaire de mettre en évidence et d'éclairer ce que le maniement récent de ces armes a également provoqué. Il est ainsi nécessaire d'abord de dissiper un malentendu, en mettant en lumière la profonde différence entre ce que le parti a qualifié de « nouvelle libération » et la victoire que constitue le retrait de l'armée israélienne du Liban, en 2000, sous les coups répétés de la « résistance islamique ».
En fait, les deux « libérations » ne peuvent pas être comparées. En 2000, le Hezbollah pouvait affirmer qu'en l'absence d'une armée nationale, il s'est légitimement approprié le droit de défendre la souveraineté nationale. Le Liban, lui, en reste redevable.
Mais la réalité, aujourd'hui, est tout autre. Ainsi, les deux opérations militaires récentes de l'armée et du Hezbollah dans les jurds ne pouvaient être que fondamentalement rivales, moins au niveau des faits qu'au niveau des représentations.
Il est clair en effet que le monopole de l'exercice légitime de la force dans le domaine national revient, dans l'esprit de la population et dans la lettre de la Constitution, à l'armée, et que l'usage de la force militaire, à moins qu'il ne soit expressément délégué, doit être considéré comme usurpé. Et, de fait, l'opération du Hezbollah a été perçue comme une usurpation par une partie de la population.
Ce fut, paradoxalement, la faiblesse de cet usage de la force. En forçant la main à l'armée, le Hezbollah a commis une erreur psychologique majeure, et, loin de fédérer les Libanais comme il le souhaitait, son action militaire les a divisés. Pouvait-il en être autrement, d'ailleurs, pour une partie de la population qui se méfie de ce parti calculateur qui se présente comme son « sauveur », et qui lui attribue, ainsi qu'à l'Iran, une part de responsabilité dans le danger que le pays a couru ?
Enfin, une autre erreur du Hezbollah – mais en est-ce une ? – a été de vouloir tirer avantage de sa victoire.
Il y avait donc une motivation ultérieure à cet acte présenté comme purement patriotique : la réactivation du traité de fraternité, de coopération et de coordination signé par le Liban en 1991, un traité qui prévoit, selon ses opposants, « l'intégration camouflée » du Liban à la Syrie, ou du moins « une intégration par coopération », ou encore, dans le meilleur des cas, une « satellisation institutionnalisée ».
L'ancien patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, avait en son temps dénoncé la signature de ce traité, affirmant que le Liban ne jouissait pas, au moment de sa signature, de sa liberté de consentement pleine et entière. Peut-on oublier par ailleurs que c'est de haute lutte que le Liban a obtenu de la part de la Syrie une reconnaissance officielle de son indépendance sous la forme d'un échange d'ambassadeurs, que ce pays lui refusait obstinément depuis 1943 ?
Il va de soi que sa situation géographique commande que le Liban entretienne les rapports les plus cordiaux avec la Syrie, sa porte d'entrée vers l'hinterland et son voisinage humain le plus immédiat.
Mais le Libanais ne saurait payer cette prospérité de ses plus intimes convictions ou de concessions sur son droit.
En héritier de ce que les Lumières ont de plus positif et de plus noble, le Liban ne peut accepter d'être bâillonné et gouverné par deux républiques qui sont pour l'instant ses plus parfaites antithèses. Détruire le Liban, est-ce bien ce que le Hezbollah recherche ?
Source L'Orient le jour
Suivez-nous sur FaceBook ici: