vendredi 3 juin 2016

Haftara Bamidbar : Détruire pour mieux reconstruire






Notre Haftara décrit la rupture avec la femme adultère puis la réconciliation, comme métaphore des rapports entre Dieu et Israël. Le désert représente le lieu du bonheur conjugal et de tous les possibles. La Haftara termine par la très belle formule que l’on dit chaque matin en posant les Tefiline, symbole de l’union mystique entre Israël et Dieu.....







Texte de la Haftara:


Cependant le nombre des enfants d’Israël sera comme le sable de la mer, qui ne peut ni se mesurer ni se compter ; et au lieu qu’on leur disait : Vous n’êtes pas mon peuple ! on leur dira : Fils du Dieu vivant !
Les enfants de Juda et les enfants d’Israël se rassembleront, se donneront un chef, et sortiront du pays ; car grande sera la journée de Jizreel.
Dites à vos frères : Ammi ! et à vos soeurs : Ruchama !
Plaidez, plaidez contre votre mère, car elle n’est point ma femme, et je ne suis point son mari ! Qu’elle ôte de sa face ses prostitutions, et de son sein ses adultères !
Sinon, je la dépouille à nu, je la mets comme au jour de sa naissance, je la rends semblable à un désert, à une terre aride, et je la fais mourir de soif ; et je n’aurai pas pitié de ses enfants, car ce sont des enfants de prostitution.
Leur mère s’est prostituée, celle qui les a conçus s’est déshonorée, car elle a dit : J’irai après mes amants, qui me donnent mon pain et mon eau, ma laine et mon lin, mon huile et ma boisson.
C’est pourquoi voici, je vais fermer son chemin avec des épines et y élever un mur, afin qu’elle ne trouve plus ses sentiers.
Elle poursuivra ses amants, et ne les atteindra pas ; elle les cherchera, et ne les trouvera pas. Puis elle dira : J’irai, et je retournerai vers mon premier mari, car alors j’étais plus heureuse que maintenant.
Elle n’a pas reconnu que c’était moi qui lui donnais le blé, le moût et l’huile ; et l’on a consacré au service de Baal l’argent et l’or que je lui prodiguais.
C’est pourquoi je reprendrai mon blé en son temps et mon moût dans sa saison, et j’enlèverai ma laine et mon lin qui devaient couvrir sa nudité.
Et maintenant je découvrirai sa honte aux yeux de ses amants, et nul ne la délivrera de ma main.
Je ferai cesser toute sa joie, ses fêtes, ses nouvelles lunes, ses sabbats et toutes ses solennités.
Je ravagerai ses vignes et ses figuiers, dont elle disait : C’est le salaire que m’ont donné mes amants ! Je les réduirai en une forêt, et les bêtes des champs les dévoreront.
Je la châtierai pour les jours où elle encensait les Baals, où elle se paraît de ses anneaux et de ses colliers, allait après ses amants, et m’oubliait, dit l’Éternel.
C’est pourquoi voici, je veux l’attirer et la conduire au désert, et je parlerai à son coeur.
Là, je lui donnerai ses vignes et la vallée d’Acor, comme une porte d’espérance, et là, elle chantera comme au temps de sa jeunesse, et comme au jour où elle remonta du pays d’Égypte.
En ce jour-là, dit l’Éternel, tu m’appelleras : Mon mari ! et tu ne m’appelleras plus : Mon maître !
J’ôterai de sa bouche les noms des Baals, afin qu’on ne les mentionne plus par leurs noms.
En ce jour-là, je traiterai pour eux une alliance avec les bêtes des champs, les oiseaux du ciel et les reptiles de la terre, je briserai dans le pays l’arc, l’épée et la guerre, et je les ferai reposer avec sécurité.
Je serai ton fiancé pour toujours ; je serai ton fiancé par la justice, la droiture, la grâce et la miséricorde ; je serai ton fiancé par la fidélité, et tu reconnaîtras l’Éternel.




Analyse 1 :


Le rapport de cette haftara  (Osée 2, 1 à 22) avec la paracha  à laquelle elle est associée est des plus ténus.
On y trouve, dans son premier verset («  Le nombre des enfants d'Israël sera comme le sable de la mer, qui ne se peut mesurer ni dénombrer »), un lien avec le recensement qui occupe le premier chapitre du livre de Bamidbar .
On peut y déceler également un dénominateur commun entre le « désert », mot qui a donné son nom au quatrième livre du Pentateuque et à notre paracha , d'une part, et le verset 2, 16 : «  C'est pourquoi, voici, Je l'attirerai, et Je la mènerai dans le ?désert?, et je parlerai à son c?ur », d'autre part.
Et pourtant ce même désert, appelé ici « vallée d'Akhor » (« vallée sinistre » ? 2, 17), peut devenir le point de départ d'une « porte de l'espérance » ( péta?h tiqwa ).
Aussi bien, cette même haftara  contient deux versets qui en forment la conclusion et qui annoncent cet heureux lendemain : « Je te prendrai pour fiancée à Moi pour toujours ; Je te prendrai pour fiancée à Moi en justice, et en jugement, et en bonté, et en miséricorde ; Je te prendrai pour fiancée à Moi en vérité ; et tu connaîtras Hachem  » (2, 21 et 22).
Les hommes ont pour habitude, lorsqu'ils achèvent la pose de leurs tefiline , de s'entourer trois fois le médius de la lanière de celle de la main ( tefiline chel yad ) en récitant ces trois versets.
Ce geste n'est pas sans rappeler la remise de la bague lors de la cérémonie du mariage, comme si c'était ici Hachem  qui remettait une triple bague de fiançailles à sa promise, le peuple d'Israël.


Jacques KOHN


Analyse 2 :


Force supérieure


Il est commun, autant dans les milieux laïques que religieux, d’appeler l’Eternel “force supérieure”. Cette conception est erronée pour plusieurs raisons. La première et la plus simple est que toute tentative de définir Dieu est réductrice et donc fausse, car “le silence est Ta louange”. Il est la source de toutes les forces, mais est Lui-même au-dessus de ce type de définitions. En approfondissant quelque peu, il apparaît que le monde spirituel attaché à de telles définitions est très restreint.
La puissance revient au plus puissant, c’est lui qu’il faut soutenir et non son adversaire. La force soumet par sa puissance tout ce qui n’est pas dans son domaine. Le service de l’Eternel devient intéressé, empli de crainte, sans amour.


Rejet de la religion


Avec le temps, les hommes ont pris l’habitude de voir dans la divinité une force assoiffée de pouvoir et d’honneur. C’est ainsi que s’est développée la révolte contre la religion et la foi, jusqu’a la négation totale de l’existence de Dieu. La critique s’appuie sur l’exigence de normalité et la joie de vivre. Ces exigences ne sont pas étrangères au service divin avec amour. Non seulement ce service ne soumet pas l’homme mais au contraire préserve toute sa stature tout en renforçant sa stabilité.


Détruire pour mieux reconstruire


Une relation basée sur la soumission à l’autre est appelée par les prophètes “Baaloute”, “propriété”, que ce soit dans vis-à-vis des biens que dans le contexte du dieu cananéen “Baal”. Dans notre Haftara, le prophète Osée nous annonce (2, 18) : “A cette époque, dit l’Eternel, tu M’appelleras: “Mon Epoux”; tu ne M’appelleras plus: “Mon Baal””.
Cela vient nous enseigner que les relents d’idolâtrie qui persistaient dans notre conception du divin seront évacués, laissant place à une ère de connaissance de Dieu pure, rendant à l’homme toute sa liberté et sa conscience.
Une révolution si profonde dans les consciences ne peut qu’entrainer des crises, lorsque les modes de pensée anciens sont anéantis.
Alors apparaît l’écorce de l’athéisme, qui ne provient pas de la chute de l’homme mais de son exigence d’une foi épurée : “Je proscrirai de sa bouche ces dénominations de Baals: leur nom sera voué à l’oubli” (id. 19).


Epuration de la foi pour arriver à un monde de connaissance de Dieu


L’épuration des principes de foi finiront par ramener les consciences au principe de la sainteté dans la nature : “A cette époque, Je ferai un pacte en leur faveur avec les animaux des champs, avec les oiseaux du ciel et les reptiles de la terre; arcs, épées, tout attirail guerrier, Je les briserai dans le pays, et Je ferai en sorte que chacun y dormira en paix ” (id. 20).
L’épuration du concept de divinité de ses impuretés est ce qui assure un lien éternel avec l’Eternel, car plus aucun élément ne le perturbe : “Je te fiancerai à Moi pour l’Eternité” (id. 21). De la foi pure se répandent toutes les valeurs morales dans une parfaite harmonie : “tu seras Ma fiancée par la droiture et la justice, par la tendresse et la bienveillance” (id.).
C’est ainsi qu’est établi un monde où la connaissance de Dieu est l’occupation unique de l’homme (tel que rapporté par Maïmonide pour la fin des Temps dans les Lois des Rois 12, 5) : “Ma fiancée en toute loyauté, et alors tu connaîtras l’Eternel” (id. 22).


Oury Cherki
Source Massorti et Chiourim et NoahhideWorldCenter