jeudi 10 septembre 2015

Baisse de l’impôt en Israël : une politique fiscale en zigzag ?

 
De bonnes mesures mais à un mauvais moment: la décision improvisée d’abaisser la TVA et l’impôt sur les sociétés fait polémique en Israël. Le ministre israélien des Finances a pris de cours tous les observateurs locaux ; en décidant, à la va-vite, d’abaisser la TVA (de 18 à 17%) et l’impôt sur les sociétés (de 26,5 à 25%), Moshe Kahlon a même agacé la gouverneure de la Banque centrale...


Un excédent fiscal au mois d’août serait à l’origine de ce mini-paquet fiscal. Les réactions de l’opinion publique ont porté autant sur la nécessité de ces baisses d’impôt, que sur le moment choisi pour les annoncer.

UN MOMENT INADÉQUAT

C’est en fin de semaine dernière que le ministre des Finances, en accord avec le Premier ministre, a annoncé un « paquet fiscal » destiné à « soutenir la croissance ». Pourquoi le moment choisi pour annoncer des baisses d’impôt n’est pas opportun, voire même pose problème ? Pour au moins deux raisons.
D’abord, parce que le budget 2015 et 2016 vient tout juste d’être adopté en première lecture par la Knesset (le 2 septembre dernier). Une modification de la fiscalité obligera à revoir les paramètres du budget ainsi qu’à modifier certains postes de recettes et de dépenses. Or, il reste peu de temps au Trésor public pour modifier un budget qui, dans tous les cas, devra être adopté par la Knesset le 19 novembre au plus tard.
Ensuite, parce qu’une politique fiscale ne s’improvise pas : on ne baisse pas les impôts en raison d’un excédent fiscal enregistré au cours des deux derniers mois. Il faut attendre au moins un semestre pour s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une baisse passagère, mais d’une tendance de fond. Ce qui aurait permis d’éviter un éventuel retour en arrière si la tendance se retournait à nouveau, comme l’a déjà sous-entendu le ministre des Finances.

DES MESURES CONTRADICTOIRES

Venons-en aux mesures elles-mêmes. La baisse de la TVA est toujours une bonne nouvelle : c’est l’impôt le plus inégalitaire qui soit, car il est très dégressif. Ce sont les pauvres qui en supportent le poids le plus lourd alors que les riches en sont indifférents.
Quant à la baisse de l’impôt sur les sociétés, elle vise à relancer l’investissement qui est en berne depuis plus d’un an. Ces deux décisions permettront donc de rallumer les deux moteurs de la croissance israélienne qui sont éteints depuis le début de l’année : la consommation de ménages et l’investissement productif.
Si la baisse de la TVA et de l’impôt sur les sociétés sont des mesures de nature à favoriser la croissance, elles auraient dû s’accompagner d’une refonte globale de la pression fiscale ; Israël est encore le seul pays occidental où les recettes de l’impôt sur le revenu restent inférieures aux taxes indirectes. La seule baisse de la TVA, sans hausse parallèle de l’impôt sur le revenu, ne permet pas de rééquilibrer le poids de la fiscalité : les plus riches sont encore mieux traités que les plus démunis.

UNE POLITIQUE FISCALE IMPROVISÉE

Au total, c’est le manque de cohérence de la politique fiscale du gouvernement qui est pointé du doigt. Certains analystes diront même que c’est l’improvisation qui fait office de politique gouvernementale.
Pour la Banque d’Israël, le gouvernement fait fausse route ; la gouverneure Karnit Flug aurait préféré voir les excédents fiscaux orientés vers une baisse du déficit public ; celui-ci a été fixé par le gouvernement à 2,9% du PIB en 2016, alors que la banque centrale recommandait de ne pas dépasser le taux de 2,6%.
Pour la Banque d’Israël, la relance de la machine économique passe par les activités productives et non par la consommation : « il aurait été préférable de prendre des mesures pour soutenir les exportations et les investissements, plutôt que de relancer la consommation privée » conclut le communiqué exceptionnel de la banque centrale publiée au lendemain de l’annonce de la baisse d’impôts.

Jacques Bendelac (Jérusalem)

Source Israel Valley