Selon l’ONU, Gaza pourrait devenir inhabitable d’ici à 2020 notamment avec l’aggravation des crises dans le secteur de l’eau et de l’énergie. Depuis quelques jours, des milliers de Gazaouis manifestent dans les rues pour protester contre les coupures fréquentes d’électricité et d’eau. La pénurie de produits énergétiques de base pourrait pousser les 2 millions de Gazaouis à se presser aux portes d’Israël, tout comme les réfugiés syriens affluent aujourd’hui vers l’Europe...Analyse...
Ce mouvement de contestation contre les dirigeants palestiniens a lieu au moment où s’ouvre, à Genève, la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement, la CNUCED. À l’ordre du jour de la conférence qui se prolongera une semaine entière (du 14 au 25 septembre) : l’assistance de la CNUCED au peuple palestinien. À cette occasion, l’organisation internationale publie un rapport consacré à « l’évolution de l’économie du Territoire palestinien occupé ».
UN RAPPORT UNILATÉRAL
Les rapports des agences de l’ONU sur la situation économique en territoire palestinien se suivent et se ressemblent : ils sont toujours tendancieux et unilatéraux. Toute responsabilité de la régression économique est « imputable à l’occupation », c’est-à-dire à Israël. En voici quelques extraits :
« – La multiplication des villes israéliennes en Judée-Samarie contribue au déclin économique palestinien.
- Depuis 1997, Israël a retenu les recettes douanières palestiniennes à six reprises, pour une durée totale équivalant à quatre ans et un mois et un montant de 3 milliards de dollars.
- En 2014, la circulation des Palestiniens et des marchandises en Judée-Samarie a été entravée par la présence de 490 obstacles installés par Israël, dont des points de contrôle, des barrages routiers, des tranchées et le mur de séparation.
- Les amendes et les taux d’intérêt élevés qu’Israël impose à l’Autorité nationale palestinienne pour le moindre retard de paiement des factures d’électricité, d’eau et de traitement des eaux usées sont un autre facteur de tension budgétaire.
- L’efficacité de l’appui des donateurs a été compromise par l’occupation et non pas par la mauvaise coordination de l’action des donateurs ou par l’Autorité nationale palestinienne et l’insuffisance de ses politiques. »
Si la plupart de ces constatations sont justes, leur présentation est tendancieuse. Le problème n’est pas tant dans ce qui est dit, mais dans ce qui est passé sous silence : la corruption de la classe politique palestinienne, le détournement de l’aide internationale, la rivalité Fatah-Hamas, mais aussi les progrès économiques, l’émergence d’une high tech palestinienne, les exportations vers l’Europe, etc.
RÉGRESSION ÉCONOMIQUE
Cette année, le rapport de la CNUCED met l’accent sur la « Régression du développement et appauvrissement de la bande de Gaza ». La conclusion du rapport est sans appel : « Les conséquences sociales, sanitaires et sécuritaires de la forte densité démographique et du surpeuplement figurent au nombre des facteurs qui risquent de faire de Gaza un lieu invivable d’ici 2020 si les tendances actuelles se poursuivent ».
La régression économique se traduit par un chômage élevé : en 2014, le chômage à Gaza a atteint le taux record de 44%. La situation économique des Palestiniens qui vivent à Gaza est pire aujourd’hui qu’il y a vingt ans. Le produit intérieur brut par habitant a chuté de 30% depuis 1994.
Selon les rapporteurs, « l’économie des tunnels crée un autre problème et n’est pas une solution ». Rien n’est dit sur l’usage militaire des tunnels contre les civils israéliens, ni sur le détournement des matériaux de construction destinés aux habitations endommagées, à des fins militaires.
POUSSÉE DE PROTESTATION
Ces jours-ci, ce sont les coupures d’eau et d’électricité qui ont jeté les Gazaouis dans la rue ; si les dirigeants du Hamas parviennent encore à contenir la protestation sociale, nul ne sait pour combien de temps. La grave crise de l’eau que connait la bande de Gaza figure aussi dans le rapport de la Cnuced : « Gaza dépend presque entièrement d’un aquifère côtier qui est sa seule source d’eau douce.
Cependant, 95% de l’eau provenant de cet aquifère est impropre à la consommation sans traitement » constate les rapporteurs.
Or Israël bénéficie aujourd’hui d’un excédent d’eau, notamment en raison du dessalement accéléré de l’eau de mer. Israël pourrait, sans attendre, accroître les fournitures d’eau aux Gazaouis. La même conclusion s’impose en ce qui concerne la livraison d’électricité ou le traitement des eaux usagées.
Malgré le caractère parfois unilatéral du rapport international, les dirigeants israéliens devraient prendre au sérieux ses principales analyses et en tirer une conclusion stratégique : faute d’eau et d’électricité, les 2 millions de Gazaouis (la population passera de 1,8 million à 2,1 millions d’habitants en cinq ans), pourraient affluer vers Israël comme les réfugiés syriens affluent aujourd’hui vers l’Europe.
Il est encore temps d’éviter cette catastrophe humanitaire et économique pour les deux peuples.
Jacques Bendelac (Jérusalem)
Source Israel Valley