Après l’interdiction du vélo et du narguilé, les jeunes de Gaza doivent faire face depuis quelques semaines à une nouvelle campagne de la police contre les cheveux longs et les jeans taille basse. Une prohibition de trop dans une ville considérée par ses jeunes comme une prison à ciel ouvert.
La campagne a commencé au début du mois d’avril. Dans les lieux publics de la ville, des Gazaouis, pour la plupart des jeunes, parfois même des mineurs, se font arrêter par la police. On les emmène au commissariat où on leur rase au moins une partie de la tête et on les somme de changer de tenue vestimentaire avant de les relâcher.
La police locale refuse de qualifier cette vague d’arrestations de "campagne officielle". Elle explique ses actions par le grand nombre de plaintes qu’elle a reçues contre les jeunes qui adoptent un look jugé efféminé et impudique. Ces plaintes émaneraient notamment des administrations en charge d’écoles pour filles à Gaza. Lors d’un débat télévisé, le porte-parole de la police de Gaza, Aymen Al Batinji, a même affirmé que "les garçons qui adoptent ce genre de look sont en général les mêmes qui harcèlent les filles ou font du trafic de drogue".
Cette initiative a cependant été condamnée par les autorités du Hamas. Moussa Abou Marzouk, un des leaders du mouvement, s’est dit étonné que ce corps de métier "qui doit être au service de la population" se comporte de la sorte.
De son côté, le centre Al Mizan pour les droits de l’Homme à Gaza a annoncé avoir recueilli plus d’une quarantaine de plaintes à ce sujet. Les jeunes dont la tête a été rasée affirment également avoir été frappés et harcelés par la police. L’organisation dénonce une campagne visant à limiter les libertés individuelles dans la ville et promettent de porter ces doléances devant un juge.
Contributeurs
"Leur propagande marche puisque certains font l’amalgame entre les jeunes aux cheveux longs et les voyous"
Mohamed Sobh, 24 ans, est l’une des victimes de cette campagne.
Il y a deux semaines, un ami et moi rentrions d’un mariage dans notre quartier. Il était un peu plus de 22 heures et nous avons croisé des policiers à bord d’une Jeep. Ils nous ont appelés, nous ont fouillés puis nous ont posé des questions sur notre look, surtout moi, car j’avais les cheveux coupés à ras derrière et je les avais laissés pousser devant. Pour moi, ce n’était pas une revendication particulière, je m’habille normalement et je n’appartiens à aucun groupe. J’ai essayé de leur expliquer que c’est juste une manière comme une autre de me coiffer. Ils nous ont demandé de monter à bord de leur véhicule.
Arrivés au commissariat, ils ont sorti un rasoir électrique. Ils ne m’ont pas complètement rasé la tête, juste une partie. J’ai trouvé cela provocateur de leur part, comme s’ils voulaient juste me laisser une marque, une stigmatisation. Ils nous ont ensuite relâchés en nous menaçant de nous battre la prochaine fois.
"Nous n’avons pas de moyens de distraction ici et nous ne pouvons aller nulle part. La police veut nous priver du peu de liberté qui nous reste"
Je suis allé voir le centre Al Mizan pour les droits de l’Homme pour déposer plainte. Ensuite, je me suis complètement rasé la tête. En attendant que mes cheveux repoussent, je refuse de sortir de chez moi. Si les gens me voyaient comme cela, ils comprendraient que j’ai été arrêté et rasé par la police. Ils croiront que ce n’était pas juste une question de look mais que j’avais réellement quelque chose à me reprocher. Finalement, leur propagande marche puisque certains font l’amalgame entre les jeunes aux cheveux longs et les voyous.
Depuis quelques jours, les choses semblent se tasser : je pense qu’avec la médiatisation de l’affaire et les condamnations officielles, la police a mis un frein à sa campagne. Mais personnellement, je n’oublierai pas de sitôt cet épisode. Nous n’avons pas de moyens de distraction ici et nous ne pouvons aller nulle part. La seule liberté qui nous reste c’est celle de nous habiller et de nous coiffer. Mais même cela, la police abuse de son pouvoir pour nous en priver.
Un directeur d'école qui regarde la coupe d'un élève avant de le giffler.
Source observers.france24