« Il était temps ! » plaisante Jean-Paul Lefebvre-Filleau. Aussi étonnant que cela puisse paraître, aucun ouvrage grand public n’a encore été, à ce jour, consacré à ces héroïnes de l’ombre.
« Je m’en suis rendu compte en rédigeant mon précédent livre sur les Français qui ont collaboré avec le IIIe Reich, il n’existait rien sur ces femmes courageuses, hors du commun et pourtant sur les 300 000 Résistants répertoriés en 1944, 16% étaient des femmes, » explique-t-il.
Manquement réparé avec ce passionnant dictionnaire des Résistantes de 1940 à 1945.
L’une des plus célèbres d’entre elles, Germaine Tillon, avait coutume de dire : « En 1940, il ne restait plus d’hommes, ce sont les femmes qui ont démarré la Résistance ».
L’historien confirme « C’est vrai que les hommes étaient soit au front, soit prisonniers, soit résignés.» Il cite Solange Ferré, infirmière et grande Résistante, qui ne mâche pas ses mots : « Lorsque les hommes laissent tomber les fusils, il faut bien que les femmes les ramassent ».
Il n’a pas été facile de retrouver toutes celles qui ont participé à la Résistance en tant que discrètes boîtes aux lettres, hébergeuses, distributrices de tracts, saboteuses, convoyeuses, soigneuses...
Des petites mains utiles, efficaces et modestes. « Elles n’ont pas laissé de traces de leurs actes, de leurs actions quotidiennes pour la Résistance, » précise l’historien.
Dans son ouvrage, il évoque 206 femmes et brosse le portrait de 31 d’entre elles, remarquables et remarqués, sans être pour autant mis en avant par les hommes à la fin de la guerre : elles étaient cheffes de réseau ou adjointe d’un chef de réseau, agentes de liaison, agentes de renseignements, opératrice radio, combattantes FFI (Force française de l’intérieur) ou des FFL (Force française libre).
« Beaucoup sont mortes sur le chemin de la liberté, les autres sont rentrées chez elles après la libération, dans leur foyer, comme si de rien n’était, à part des figures comme Lucie Aubrac, Germaine Tillion ou Geneviève de Gaulle, qui connaît le nom d’autres grandes Résistantes ? »
Certaines ont écrit un livre de souvenirs, d’autres ont témoigné dans les écoles de leurs régions. La majorité ont gardé le silence et tourné la page.
Le portrait de quatre résistantes normandes
Dans cet ouvrage Jean-Paul Lefebvre-Filleau évoque quatre grandes résistantes normandes :
Rosine Bernheim, née en 1924 à Elbeuf, agent de liaison avec le maquis du Vercors.
Arrêtée à l’âge de vingt ans en 1944 et déportée à Ravenbrück. À la libération, elle deviendra une brillante psychiatre. Elle publiera ses mémoires avant de disparaître en 2012.
Gisèle Guillemot, née à Mondeville en 1922, a rejoint la Résistance communiste en 1942.
Elle participe à de nombreux sabotages de trains. Arrêtée par la Gestapo en 1943 condamnée à mort avec ses camarades par le tribunal militaire allemand, elle est détenue dans différentes prisons avant de rejoindre Ravensbrück puis Mauthausen.
Elle retrouve sa famille en mai 1945. Commandeur de la Légion d’honneur, médaillée de la Résistance, elle témoignera dans les écoles et publiera des livres jusqu’à sa mort en 2013.
Agnès Humbert, née en 1894 à Dieppe, épouse de Georges Sabbagh (le réalisateur Pierre Sabbagh est son fils).
Elle rejoint en 1940 la société secrète du Musée de l’homme à Paris à laquelle adhèrent de nombreux artistes.
Elle crée le journal clandestin Résistance, organise des filières d’évasion pour les juifs et pilotes alliés.
Arrêtée en avril 1941 par la Gestapo, elle échappe à la mort. Emprisonnée dans différentes prisons puis bagnes allemands, elle est libérée du camp de Kassel en 1945.
Historienne de l’art, elle publie en 1946 souvenirs de Résistance.
Suzanne Savale, née à Darnétal répond à l’appel du général de Gaulle et s’engage dans le réseau Cohors de Rouen avec son mari en 1942. Elle fabrique de faux papiers d’identité pour les fuyards.
Arrêtée par la Gestapo en 1943. Emprisonnée et torturée pendant de longs mois, elle ne donnera aucun nom.
Elle fut déportée au camp de Mauthausen. Elle pesait 28 kg quand elle en est sortie en 1945. Elle en se remit jamais et mourut en 1952 à Rouen.
Depuis sa sortie, ce livre suscite un vif intérêt et Jean-Paul Lefbvre-Filleau est sollicité partout en France pour des conférences-dédicaces.
Ancien officier supérieur de la gendarmerie nationale, on le surnomme « le détective de l’histoire », le Caennais.
Il a publié une vingtaine de livres, récompensés par de nombreux Prix littéraires.
« Celui dont je suis le plus fier est le Grand Prix des Écrivains de France pour mon livre Bernadette Soubirous, l’enquête judiciaire de 1958 (Ed du Cerf) remis par Paul Guth en 1994» souligne-t-il.
Il travaille actuellement sur une biographie de Saint-Pierre.
Femmes de la Résistance
Jean-Paul Lefebvre-Filleau
Ed du Rocher
609 pages
24 €
Source Paris Normandie
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