Le 10 septembre, le Premier ministre israélien Netanyahou a déclaré qu'en cas de victoire aux élections il avait l'intention de «faire appliquer la souveraineté d'Israël sur la vallée du Jourdain et au Nord de la mer Morte».
L'ambassadeur de Palestine à Moscou Abdel Hafiz Nofal a annoncé qu'immédiatement après la déclaration de Benjamin Netanyahou, le Président palestinien Mahmoud Abbas avait contacté tous les dirigeants européens, y compris Vladimir Poutine.
Dans un entretien à Izvestia, le diplomate a également noté que si Israël lançait l'invasion, ce serait un casus belli «qui provoquerait une nouvelle intifada, voire pire: une nouvelle guerre de religion au Moyen-Orient».
La promesse de Netanyahou a été faite dans le cadre d'une campagne électorale - des législatives anticipées se tiendront le 17 septembre dans ce pays. De ce fait, dans quelle mesure les propos du premier ministre israélien sont-ils réalistes? Ne pensez-vous pas que cela pourrait simplement être une tentative d'attirer davantage l'attention?
C'est loin d'être la première déclaration de Netanyahou en ce sens. Il s'était déjà exprimé dans le même registre (avant les élections d'avril, le premier ministre avait également évoqué la nécessité d'occuper les territoires palestiniens - ndlr).
Cela se déroule dans le cadre du deal du siècle américain qui implique le partage des territoires palestiniens au profit d'Israël.
C'est pourquoi oui, nous sommes enclins à penser que la promesse du premier ministre n'est rien de plus qu'un élément de la campagne électorale: les politiciens israéliens pensent que la victoire reviendra à celui qui fera le plus pression sur les Palestiniens.
Nous sommes complètement opposés à cette approche et aux ambitions d'occupation.
Le Président Mahmoud Abbas a déclaré immédiatement après les propos de Netanyahou que si ces actions étaient mises en œuvres, la Palestine cesserait de travailler sur tous les accords en vigueur avec Israël.
Le 10 septembre, le président Abbas a contacté les dirigeants européens, les organisations internationales et les dirigeants arabes pour s'assurer de leur soutien.
Est-ce que la Palestine compte s'adresser à la Russie pour lui demander de l'aide dans le règlement de cette situation?
Il faut dire que nous bénéficions déjà d'un soutien, notamment de la part des pays arabes. Au niveau des ministres des Affaires étrangères ils ont fait front uni contre le plan israélien.
L'Arabie saoudite va réunir un sommet d'urgence de l'Organisation de la coopération islamique au niveau des ministres des Affaires étrangères.
Le secrétaire général de l'Onu Antonio Guterres a exprimé sa préoccupation vis-à-vis des propos de Netanyahou, en soulignant que de telles démarches constitueraient une grave violation du droit international.
Dans la matinée du 11 septembre, nous avons écrit une lettre au Ministère russe des Affaires étrangères pour lui demander d'influencer Israël, parce que la Russie fait partie des rares pays conservant de bonnes relations avec tous les acteurs dans la région.
Le jour même, le ministère russe des Affaires étrangères a exprimé son attachement aux résolutions de l'Onu - et son inquiétude.
Le représentant de la Russie en Palestine Gotcha Bouatchidze a été reçu au cabinet du président Abbas pour lui transmettre une lettre adressée au président Vladimir Poutine.
Nous croyons en la capacité de Moscou à influencer les autorités israéliennes afin qu'elles renoncent à de tels plans agressifs.
La majorité saine d'esprit, dans le monde et en Israël, a conscience du fait que de telles déclarations renforcent le risque d'une nouvelle guerre de religion dans la région. Dieu nous en garde, bien sûr.
Dans le monde, il existe une position universelle, validée par les résolutions de l'Onu, selon laquelle le Nord de la vallée du Jourdain appartient aux Palestiniens, c'est pourquoi son occupation serait une grossière violation de tous les accords et normes internationaux.
Si, dans le cadre de campagnes électorales, les pays avancent de telles promesses érodant les fondements de l'Onu, le monde risque de plonger rapidement dans l'abîme du chaos.
Nous savons parfaitement que les États-Unis soutiennent Israël à ce sujet. Mais nous croyons en la position de Moscou, de l'Europe et de la Chine.
Plus de 140 pays sont de notre côté, qui souhaitent maintenir la stabilité dans la région.
Je voudrais toutefois souligner que malgré tout, nous voudrions préserver la paix avec Israël et remplir tous les accords en vigueur. Si Netanhyahou lançait l'annexion, cela mettrait un terme au processus de paix.
Et une nouvelle intifada commencerait?
Si Israël lançait l'invasion, cela serait pire qu'une intifada, plus large, de plus grande envergure.
Une intifada n'est qu'une protestation. Nous craignons que l'annexion israélienne déclenche une nouvelle guerre de religion, ce que nous et le monde entier, je pense, voudraient éviter.
Nous espérons que la communauté internationale aura suffisamment de force et d'influence pour empêcher la prise de territoires palestiniens.
Autrement dit, en cas d'invasion de la vallée du Jourdain par Israël, il faudrait s'attendre à une résistance des Palestiniens par la force?
Attendons les résultats des élections - on ignore encore si le Likoud gagnera. Et s'ils mettaient tout de même à exécution leur plan, comme je l'ai dit, nous romprions tous les accords avec Israël.
Il y aura des manifestations des Palestiniens, les agissements des Israéliens conduiront forcément à des altercations. Je crains que l'effusion de sang soit inévitable.
La déclaration du premier ministre israélien a été faite précisément le jour où le président américain Donald Trump a renvoyé son conseiller à la sécurité nationale John Bolton, qui promouvait activement le «deal du siècle». D'après vous, ce plan pourrait-il être reporté?
Avant la démission de Bolton avait eu lieu celle, un peu moins résonnante, de l'émissaire du président pour le Proche-Orient Jason Greenblatt. Et alors? Rien n'a changé, il n'y a encore aucun signe indiquant que le deal du siècle s'arrêtera.
Les gens changent, mais le processus avance. Le pire, dans ce plan pour le Proche-Orient, est qu'il détruit le principe d'une solution à deux États sur lequel reposent toutes les résolutions de l'Onu en la matière.
Les États-Unis peuvent dicter leurs conditions, faire pression sur les pays de la région. Ils vont faire pression pendant 10-20-30 ans - et ensuite? Qu'arrivera-t-il ensuite?
La meilleure - et pour l'instant l'unique - solution à ce conflit est la création de deux États, israélien et palestinien, où les deux peuples vivront en paix et dans la stabilité.
Fin septembre à New York commencera une nouvelle session de l'Assemblée générale des Nations unies. Est-ce que le président Abbas compte y soulever la question du statut de la vallée du Jourdain? Que compte déclarer le dirigeant palestinien dans son allocution?
J'ignore ce que dira le président. Il est trop tôt pour y penser parce que chaque jour apporte de nouveaux événements et défis. Mais je suis certain que ce thème sera abordé.
Tout comme notre position par rapport au deal du siècle: nous sommes opposés à son adoption, le président Abbas l'a déjà dit pendant la session précédente en soulignant que Jérusalem ne faisait pas l'objet de négociations ou de marchandage.
Je pense que le dirigeant déclarera certainement que la Palestine prône le maintien du processus de paix, la création de deux États.
Pendant notre dernière conversation, qui avait également eu lieu en prévision des élections israéliennes, il n'y avait pas d'unité parmi les partis arabes israéliens - qui s'étaient présentés séparément sous les étiquettes RAAM-Balad et Hadash-TAAL. A l'issue du vote ils avaient obtenu 10 mandats pour les deux blocs. Pour les élections de septembre les partis ont décidé de se présenter avec une liste arabe commune. Pensez-vous qu'une représentation plus importante des Arabes à la Knesset permettrait d'équilibrer la politique d'Israël par rapport à la Palestine?
Bien évidemment, nous espérons qu'ils tireront un maximum de profit de l'union, une telle expérience a déjà eu lieu: aux élections de 2015 la Liste arabe unie a obtenu 13 places, devenant la troisième plus grande fraction parlementaire.
Cette année ils ont toutes les chances de reproduire ce succès. Le bloc fait traditionnellement contrepoids aux forces d'extrême-droite et aide effectivement à équilibrer la politique d'Israël.
Cependant, le pays même penche tout de même du côté des forces de droite menées par Netanyahou, c'est pourquoi nous ne nous attendons pas à ce qu'une représentation plus importante des Arabes à la Knesset change radicalement la donne.
Source Sputnik News
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