Découverte à la Mostra de Venise en 2012 lors de la présentation de son premier long-métrage, Le cœur a ses raisons, la réalisatrice israélienne Rama Burshtein présente quelques caractéristiques inaccoutumées. Membre d’une communauté hassidique de Tel-Aviv, cette forte femme s’est fait reconnaître en Israël comme cinéaste à part entière, à la fois dans et hors de son milieu, l’addition comme l’adhésion de ces deux publics n’étant pas une évidence......Détails et vidéo........
Une habileté toute particulière lui permet, visiblement, de concilier les exigences de sa religion et celles du récit cinématographique.
Le cœur a ses raisons – lointaine réponse du camp de la foi à Kadosh (1999), film réputé du laïque Amos Gitaï – peignait ainsi l’histoire d’un mariage contraint (une jeune femme destinée à épouser le mari de sa sœur décédée) que les voies mystérieuses mais miraculeusement conjointes de la foi et des sentiments transformaient en bénédiction.
Il y avait là une esthétisation un rien étouffante, une morale à laquelle on pouvait ne pas adhérer, mais aussi un goût certain pour la fiction.
C’est de nouveau autour du motif nuptial et de ses aléas que s’organise The Wedding Plan, qui substitue au mélodrame le registre, plus léger, de la comédie romantique.
Soit Michal, une jeune femme de stricte convenance hassidique, la trentaine bien frappée, qui s’aperçoit à un mois de son mariage que son futur ne l’aime pas plus que cela.
Il en faudrait davantage pour démoraliser cette battante. Effondrée mais volontaire, elle n’annule rien de la cérémonie prévue (cérémonie à la synagogue, robe de mariage, traiteur, repas de deux cents convives) et fait le pari de trouver un mari pour le jour convenu, qui se trouve par une heureuse coïncidence être le huitième de la fête de Hanoukka.
Soit un pitch hollywoodien parfait, résumé dans cette ligne de dialogue où Dieu remplace simplement le déterminisme scénaristique : « J’ai la salle, j’ai la robe, j’ai l’appartement, Dieu n’a plus qu’à me trouver un mari. »
Ce qui se noue dès lors, explicite pour le public israélien, le sera peut-être moins pour une audience non avertie.
C’est, justement, le mariage étonnant d’une trame classique de comédie romantique avec l’édification de l’Histoire sainte, le cocktail du suspense dramaturgique et du miracle mystique.
Au premier de ses chapitres, comptons une bonne actrice en la personne de Noa Koler (entre burlesque dépressif et quiétisme nuptial), la rencontre amusante de dizaines d’hommes à problèmes, et le suspense évidemment mené, en dépit d’un timing défaillant, jusqu’à la dernière minute de la cérémonie.
Sur l’autre versant de la fable, il s’agit de célébrer le miracle d’Hanoukka, cette Fête des lumières célébrant la résistance du judaïsme à l’oppression.
En deux mots :
la révolte, au IIe siècle avant l’ère chrétienne, de Judas Maccabée contre le colonisateur séleucide, la restauration consécutive du Temple profané de Jérusalem, et le miracle échu selon le Talmud en son sein d’une fiole d’huile censée alimenter la lumière d’un candélabre durant un jour, mais qui aura brûlé durant les huit jours nécessaires à la purification du Temple.
En vertu de quoi, Rama Burshtein fait d’une pierre deux coups.
Elle signe un film d’une amplitude modeste mais plutôt bien troussé (si l’on peut se permettre), et elle propage selon la tradition hassidique le message d’Hanoukka au plus grand nombre (qui plus est à la bonne période). Il n’en faut pas moins remettre cet état des choses conjugales à l’échelle cinématographique israélienne, et se souvenir, par exemple, du sublime Mariage tardif (2001), de Dover Kosashvili, qui se termine lui aussi par une scène de mariage – mais autrement plus trouble et renversante – pour situer The Wedding Plan à sa juste place, qui est celle d’une sympathique curiosité.
Source Le Monde
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