Qui fournira le remplaçant des petits drones DRAC de l’armée de terre ? Les industriels français (Airbus, Thales et Safran) et israéliens (Elbit et Aeronautics) s’affrontent au salon Eurosatory pour un contrat de 200 drones, estimé à 100 millions d’euros...
On connaissait la guerre des drones MALE (Moyenne altitude, longue endurance) de l’armée de l’air, remportée par le Reaper de l’américain General Atomics. On connaissait la guerre des drones tactiques, qui a vu la victoire du Patroller de Safran sur le Watchkeeper de Thales.
Voici venue l’heure de la guerre des micro-drones de renseignement de moins de 25 kilos, qui fait rage dans les coulisses du salon Eurosatory, le grand raout de la défense terrestre qui se tient à Villepinte jusqu’au 17 juin. Objectif : remplacer les drones DRAC de l’armée de terre (255 vecteurs), des petits engins de courte portée (10km) qui jouent le rôle de "jumelles déportées" pour les forces françaises.
L’appel d’offres avait été lancé par la DGA en avril 2015, sous le nom de SMDR (système de minidrones de renseignement). La décision finale est prévue ces prochains mois. Le nouveau drone devrait aussi, à termes, remplacer les drones israéliens Skylark des forces spéciales françaises.
A l’approche du sprint final, la lutte entre industriels prend des airs de match France-Israël.
Côté français, Airbus Defence & Space propose le drone Skyghost de sa filiale Survey Copter, Safran participe avec le FlyEye de son partenaire polonais WB Electronics, et Thales défend son Spy’Ranger, développé avec la PME Aviation Design.
Le champion toulousain des drones civils Delair Tech, en partenariat avec le groupe ECA, s’est aussi invité à la fête avec son DT-26M. Côté israélien, Elbit Systems propose une version modernisée de son Skylark. Le groupe israélien Aeronautics Defense, fabricant du drone Orbiter, est aussi en compétition. La présence des acteurs israéliens n’est pas vraiment une surprise : l’Etat hébreu, présent des micro-drones aux engins longue portée comme le Heron TP en passant par les drones kamikazes Harop, est le premier exportateur mondial d’engins sans pilotes.
L'israélien Elbit en embuscade
Dans les coulisses du salon Eurosatory, chacun fourbit ses arguments. Survey Copter, filiale d’Airbus DS, a l’avantage d’être le concepteur des drones DRAC actuels, et donc d’avoir le retour d’expérience des déploiements en opérations, notamment en Afghanistan.
Son nouvel engin, le Sky Ghost, est deux fois plus endurant que son prédécesseur, avec 3h d’autonomie et 30km de portée. Contrairement au DRAC, il n’est pas lancé à la main par un opérateur, mais projeté d’une catapulte. "Il est équipé de caméras jours et infrarouge à 360 degrés, peut être déployé en 15 minutes, et atterrit avec une précision de l’ordre de 10m, ce qui est sans commune mesure avec les performances des drones de génération précédente", assure Julien Bouchet, responsable commercial chez Airbus DS. Autre argument de poids : les drones Survey Copter, produits à Pierrelatte, dans le Drôme, sont made in France.
L’israélien Elbit Systems est un concurrent de poids. D’abord parce qu’il peut aussi se prévaloir du retour d’expérience des forces françaises : son drone Skylark est utilisé par le commando parachutiste de l’air n°10 (CPA10), rattaché au commandement des opérations spéciales (le COS, ou forces spéciales). Ensuite parce qu’Elbit est un des champions mondiaux des drones, notamment avec sa gamme de drones Hermes (90, 450 et 900), de redoutables bestsellers à l’export.
Le Watchkeeper de Thales, proposé pour le marché des drones tactiques finalement remporté par Safran, était d’ailleurs basé sur le Hermes 450.
Safran et Thales à nouveau opposés
Aeronautics Defense est un acteur moins connu que IAI, Elbit Systems ou Rafael, mais pas forcément moins dangereux. Fondé en 1997, ce groupe israélien développe une gamme d’engins allant des mini-drones aux drones tactiques et même aux drones MALE, avec une version "dronisée" d’un avion civil Diamond DA42, baptisée Dominator.
Le groupe a déjà produit plus de 1.000 drones Orbiter, exportés en Pologne, Azerbaïdjan, au Mexique, en Afrique du Sud, en Serbie ou en Thaïlande.
Safran propose le drone FlyEye, développé par son partenaire polonais WB Electronics.
Ce qui n’est probablement pas sans rapport avec le fait que le groupe français espère placer son Patroller en Pologne. Selon Air et Cosmos, l’appareil a pour particularité de larguer sa boule optronique avant l’atterrissage, pour alléger l’engin. La boule retombe grâce à un petit parachute. Thales, lui, a à cœur de laver l’affront de la défaite du Watchkeeper sur le contrat des drones tactiques de l’armée de terre.
Le groupe propose le Spy’Ranger, dont un des atouts principaux est, assure le groupe, la haute définition des images collectées. Et pour cause : l’algorithme de traitement est dérivé de celui du pod Reco NG du Rafale.
La cellule du drone est développée par une PME de l’Essonne, Aviation Design, qui serait chargée de la construction des drones en cas de victoire.
Delair Tech, Petit Poucet ambitieux
Le marché des minidrones de l’armée de terre, estimé autour de 100 millions d’euros par un industriel, fait aussi saliver un acteur plus petit, mais pas moins ambitieux.
Delair Tech, champion toulousain des drones civils à voilure fixe, propose une version militarisée de son DT-26, déjà utilisé par la SNCF pour surveiller ses lignes.
Le DT-26M est doté d’une boule optronique développé par deux pépites françaises, Novadem et InPixal. Delair Tech s’est allié avec le groupe ECA, champion des drones navals, terrestres et aériens, pour présenter son offre. Le monde militaire ne lui fait pas peur : le développement du DT26 avait fait l’objet d’un financement de la DGA.
Source Challenges