En Israël, on a tendance à dire, peut-être un peu trop souvent, qu'en matière de politique une période relativement courte équivaut à une "éternité''. Un cliché, sans aucun doute. Mais force est de constater que deux mois et demi avant les législatives du 17 mars, sa pertinence se confirme avec éclat, tant sont nombreuses les questions qui pèseront sur les résultats du scrutin, questions dont les réponses ne pourront être données que dans les dernières semaines, voire les derniers jours, de la campagne. De quoi, largement, remettre en cause la valeur des sondages actuels...
Ceux-ci permettent tout de même de constater quelques tendances lourdes : au moment où nous écrivons ces lignes, les deux "grands'' partis – le Likoud de Benyamin Netanyahou et l'alliance de centre-gauche menée par le travailliste Yitshak Herzog et Tzipi Livni – sont au coude à coude, avec un peu plus de 20 sièges chacun, sur les 120 que compte la Knesset. Un score plutôt médiocre pour les deux formations aspirant à diriger le pays.
Les conséquences de la hausse du seuil d'éligibilité
Ce qui rend plus crucial encore le jeu des alliances post-électorales. Dans cette perspective, Benyamin Netanyahou préserve un avantage certain même si plusieurs développements pourraient jouer en sa défaveur. Certains sont liés à l'une des nouveautés de ces élections, à savoir la hausse du seuil d'éligibilité, passé de 2 à 3.25%.
Cette nouvelle donne pourrait inciter les trois formations nommées, parfois abusivement,''partis arabes'', à surmonter leurs différences idéologiques pour présenter une liste commune, potentiellement attractive pour un électorat assez largement tenté par l'abstention.
Une augmentation sensible du nombre de députés appartenant à ces formations n'est donc pas à exclure, et elle aurait des conséquences sur l'ensemble de la classe politique, en rendant plus ardue l'établissement d'une coalition de droite, et plus envisageable celui d'un gouvernement d'union nationale dans le cadre duquel le centre-gauche pourrait être en position d'exiger une rotation au poste de Premier ministre.
Autre conséquence éventuelle de la hausse du seuil d'éligibilité, l'incertitude autour du sort électoral du parti religieux oriental Shas. Son unité de façade n'a pas résisté au décès, l'an dernier, de son mentor spirituel, le rabbin Ovadia Yossef, et l'inimitié entre le chef de file actuel, Arye Deri, et son prédécesseur Eli Yishai a abouti à la scission de ce dernier.
Scission dont les aspects idéologiques, pour être secondaires, n'en sont pas moins réels, Yishai ayant toujours été proche de la droite, Deri du centre voire du centre-gauche.
Dans les derniers sondages, chacune des deux formations se réclamant de l'héritage du rabbin Yossef est créditée de 4 mandats, soit le minimum requis pour être représenté à la Knesset.
Si l'un des deux partis ne franchit pas le seuil d'éligibilité, le bloc constitué par la droite et les partis religieux subira une perte sèche de plusieurs dizaines de milliers de voix, qui ne seront plus comptabilisées dans le calcul de la répartition des sièges.
L'évolution d'Avigdor Lieberman
Le centre-gauche a lui aussi de quoi s'inquiéter. Plus ou moins ouvertement, il comptait sur l'appui du parti d'Avigdor Lieberman pour rassembler une majorité à la prochaine Knesset. Surprenante à première vue, cette éventuelle alliance politique l'est moins lorsque l'on a à l'esprit l'évolution récente du ministre des Affaires étrangères.
Evolution politique d'abord, puisque depuis que son parti a rompu avec le Likoud, Avigdor Lieberman n'a cessé de prendre ses distances avec Benyamin Netanyahou. Evolution idéologique ensuite, sensible dans l'attitude de Lieberman à la tête de la diplomatie, et plus encore dans ses récentes déclarations.
Ses mises en garde contre le ''tsunami diplomatique'' qui menacerait Israël, ses appels à une ''initiative diplomatique" qui briserait l' ''isolement'' dont serait victime l'Etat hébreu auraient pu être formulés par Yitshak Herzog ou Tsipi Livni. Opportunisme pour certains, pragmatisme pour d'autres : quelles qu'en soient les raisons, Avigdor Lieberman s'est rapproché du centre. Une évolution qui déstabilise son électorat traditionnel, comme le montrent les derniers sondages, où son parti végète autour de 7-8 sièges.
Or la situation politique, déjà délicate, du chef de la diplomatie risque de s'aggraver par la révélation récente d'une affaire de corruption à grande échelle, dans laquelle sont soupçonnés plusieurs cadres de son parti, dont la vice-ministre Faïna Kirshenbaum, considérée comme son bras droit.
Dans le passé, Avigdor Lieberman avait su transformer ses ennuis judiciaires en avantage électoral.
Mais le public visé désormais par le parti ''Israel Beitenou'' est moins sectoriel, moins sensible aux tentatives de faire d'Avigdor Lieberman un "martyr'' de l'immigration russophone, injustement poursuivi par l'establishment judiciaire.
Source I24News