vendredi 24 octobre 2014

Qui veut donner 93.000 € pour un tableau volé par les nazis ?


Le musée de Wiesbaden, en Allemagne, a lancé une campagne de financement participatif afin de racheter un tableau de ses collections, acquis dans des conditions troubles. En attendant de la dévoiler au public une fois la somme acquise, l'oeuvre est exposée à l'envers. Une toile posée à l'envers, un tableau qui ne se montre pas. Sur le mur d'une des salles d'exposition du musée de Wiesbaden, à l'Ouest de l'Allemagne, impossible de voir...



Le Rafraîchissement, de l'artiste allemand Hans von Marées, pour le moment. Il ne s'agit pas d'une nouvelle lubie d'un artiste contemporain. Si la peinture ne montre aujourd'hui que son dos au public, c'est parce que le musée de Wiesbaden attend 93.000 euros de dons pour pouvoir l'exposer à l'endroit.
L'établissement culturel explique sa campagne de financement par le biais d'un écriteau et sur la page d'accueil du site internet du musée de Wiesbaden, à l'Ouest de l'Allemagne: «Avec votre don, vous permettrez au tableau Le Rafraîchissement (Die Labung, titre original, ndlr) d'être à nouveau visible et, par la même occasion, vous soutiendrez le musée pour transformer l'injustice en justice.»
Un moyen d'attirer l'attention tant sur le sort spécifique de ce tableau que sur une problématique générale à laquelle sont confrontés les musées allemands. Comment réparer les erreurs du passé?
Alors que Le Rafraîchissement (1879-80), de Hans von Marées, fait déjà partie de la collection du musée depuis 1980, l'établissement culturel tient désormais à l'acquérir officiellement pour pouvoir le sortir de ses réserves. L'oeuvre a en effet été achetée sous la contrainte des nazis à son propriétaire juif, Max Silberberg.
Cet industriel de Breslau a été obligé de vendre aux enchères à un prix bien en deça de sa valeur Le Rafraîchissement, en 1935, avant de trouver la mort avec sa femme dans le camp d'extermination d'Auschwitz, en 1942, rappelle le musée de Wiesbaden. Grand collectionneur d'art allemand et français du 19e et du 20e siècle, Silberberg avait également été contraint de céder des toiles de Monet, Renoir, Degas, Rodin, Cézanne ou Van Gogh.
Un destin subit par de nombreuses autres oeuvres détenues par des collectionneurs juifs à l'époque. Il y a un an était d'ailleurs révélé le scandale sur le «trésor nazi» de Cornelius Gurlitt, hérité de son père Hildebrand Gurlitt. Une histoire qui avait créé l'émoi en Allemagne, alors que les autorités étaient accusées de tarder à mettre la lumière sur toutes les possessions de la famille Gurlitt.
Dans ce contexte, le musée de Wiesbaden va de l'avant. «Il n'est jamais trop tard pour bien faire», indique-t-il sur la page où le visiteur est guidé pour faire un don. Les 93.000 euros attendus d'ici 17 jours représentent un tiers de la valeur réelle de l'oeuvre. Avec le soutien du ministère de la culture du Land de Hesse et l'association des Amis du musée de Wiesbaden, l'ensemble des fonds seront réunis pour reverser aux héritiers de Max Silberberg la somme qui leur revient.
Alors acquise de plein droit par le musée, la toile du Rafraîchissement pourrait enfin dévoiler sa véritable face aux visiteurs. À quoi ressemblera-t-elle ?

Source Le Figaro