lundi 3 mars 2014

Kiev en train de perdre le contrôle de la Crimée



Le commandant en chef de la marine ukrainienne, l'amiral Denis Berezovski, a annoncé dimanche qu'il prêtait allégeance aux autorités pro-russes de Crimée, au cours d'une conférence de presse à l'état-major de la flotte russe à Sébastopol. Je prête allégeance aux habitants de la république autonome de Crimée (...). Je jure d'obéir aux ordres du commandant suprême de la république autonome de Crimée, a-t-il déclaré. Le Premier ministre pro-russe de Crimée, Serguiï Axionov, a salué un événement historique et souligné que l'amiral Berezovski acceptait ainsi de se placer sous les ordres des autorités légitimes de la péninsule, au cours de cette même conférence de presse.


L'amiral Berezovski avait été nommé vendredi à la tête de la marine ukrainienne par le président par intérim Olexandre Tourtchinov. Kiev est en train de perdre le contrôle de la Crimée, où des milliers de soldats non identifiés bloquent les militaires ukrainiens dans leurs casernes.
La Crimée, péninsule russophone du Sud de l'Ukraine, est la région d'Ukraine qui s'oppose le plus radicalement aux nouvelles autorités en place à Kiev après la destitution du président Viktor Ianoukovitch à l'issue de trois mois de contestation ayant culminé dans un bain de sang avec la mort de 83 personnes dont une quinzaine de policiers en trois jours dans la capitale ukrainienne.
La Crimée qui était aux mains des Turcs a été conquise par la Russie à la fin du XVIIIe siècle. Elle a d'abord appartenu, au sein de l'URSS, à la Russie, avant d'être rattachée à l'Ukraine en 1954. Elle abrite toujours la flotte russe de la mer Noire, dans le cadre d'un accord entre les deux pays.


Mises en garde contre la Russie

Les Occidentaux ont multiplié les mises en garde dimanche contre la Russie, accusée par l'Otan de "menacer la paix en Europe" avec son action en Ukraine, et prévenue par les Américains qu'elle pourrait même perdre sa place au G8.
"Ce que fait la Russie en Ukraine viole les principes de la Charte des Nations unies" et "menace la paix et la sécurité en Europe", a affirmé le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, avant une réunion de crise à Bruxelles. Il a demandé à la Russie de "cesser ses activités militaires et ses menaces" contre l'ancienne république soviétique.
Les ambassadeurs des 28 pays membres se sont retrouvés dimanche en milieu de journée au siège de l'Alliance atlantique, avant une réunion avec leur homologue ukrainien dans l'après-midi.
Principale menace concrète jusqu'à présent, les Etats-Unis ont averti la Russie qu'elle risquait d'être exclue du G8, dont le prochain sommet doit se tenir en juin à Sotchi, la ville des récents JO d'hiver qui ont servi de vitrine à Vladimir Poutine.
Le président russe "pourrait ne pas avoir de G8 à Sotchi, il pourrait même ne pas rester au sein du G8 si cela continue", a prévenu le secrétaire d'Etat américain, John Kerry. "Si la Russie veut être un pays membre" du club des grandes puissances, "elle doit se comporter comme un pays du G8", a-t-il dit en menaçant Moscou de "sanctions" et "d'isolement économique".
La France et le Royaume-Uni ont suspendu leur participation aux préparatifs du G8. "La Russie est traditionnellement notre amie. Nous souhaitons d'un ami traditionnel autre chose qu'un bruit de bottes", a lancé le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius.
La réunion de l'Otan entrait dans le cadre d'une intense activité diplomatique pour tenter de dissuader la Russie d'intervenir en Ukraine, alors qu'elle a déployé des forces en Crimée. Le Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk a même accusé la Russie d'avoir "déclaré la guerre" à son pays.
Le Conseil de sécurité des Nations unies s'est réuni samedi, et une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne est programmée lundi. De source européenne, on évoquait dimanche la possibilité d'une réunion ministérielle de l'Otan, voire d'un sommet européen des chefs d'Etat et de gouvernement la semaine prochaine.


Médiation

Pour Jan Techau, de Carnegie Europe, il est peu probable que la réunion de l'UE lundi débouche sur des décisions très dures. Selon lui, il n'y a "pas d'unité" au sein des Européens, qui disposent en outre de peu d'outils.
M. Fabius a souhaité une "médiation, soit directement entre Russes et Ukrainiens, soit par l'intermédiaire de l'ONU ou de l'OSCE". Pour un diplomate européen, il faut tenter de sortir du "tête à tête" entre l'UE et la Russie, qui a des relents de guerre froide, et élargir le cercle dans un cadre multilatéral ou par le biais d'un pays plus neutre.
La Pologne, pays voisin de l'Ukraine, s'est estimée "menacée" par une éventuelle intervention militaire russe dans ce pays. Elle avait demandé la convocation de l'Otan sur la base de l'article 4 du traité de l'Atlantique nord, qui prévoit des consultations en cas de menace sur "l'intégrité territoriale, l'indépendance politique ou la sécurité" de l'un de ses membres.
Cet article a été invoqué à plusieurs reprises, notamment par la Turquie dans le cadre du conflit syrien. L'Otan a assuré dimanche que la réunion n'avait pas été organisée sur la base de cet article mais en vertu des "prérogatives" du secrétaire général.
L'Ukraine coopère depuis de nombreuses années avec l'Otan. Mais elle n'en est pas membre. En 2008, les dirigeants des pays alliés étaient convenus que l’Ukraine avait vocation à rejoindre l’Otan, ce qui avait rendu furieux Vladimir Poutine. En 2010, le gouvernement nouvellement élu du président pro-russe Viktor Ianoukovitch avait renoncé à cet objectif.
Au delà des condamnations et des appels à la désescalade, il ne faut pas attendre "grand chose de concret" de la réunion des ambassadeurs, a prévenu une source diplomatique.
En 2008, malgré leur mobilisation, les Occidentaux n'avaient pu empêcher la Russie de mener une guerre éclair en Géorgie avant qu'elle ne reconnaisse l'indépendance de deux régions géorgiennes pro-russes, l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie.


Source I24News