lundi 4 janvier 2021

Un an après la mort de Soleimani, l’Iran contraint de faire profil bas

 
Bruit de bottes au Proche-Orient. L’année 2021 commence comme celle qui l’a précédée, avec une montée des tensions entre l’Iran et les États-Unis. Fin décembre 2020, les renseignements américains signalaient ainsi une « menace réelle d’attaques » contre des intérêts et du personnel américains en Irak.......Décryptage........

Des avertissements lancés quelques jours avant le premier anniversaire de l’assassinat par un drone américain, à la sortie de l’aéroport de Bagdad dans la nuit du 3 janvier 2020, du général Kassem Soleimani, commandant de la force al-Qods, branche des gardiens de la révolution chargée des opérations extérieures de l’Iran et architecte de la stratégie iranienne au Moyen-Orient, et d’Abou Mahdi al-Mouhandis, le numéro deux d’al-Hachd al-Chaabi, coalition de combattants pro-Iran.
La zone verte à Bagdad, où se trouve l’ambassade américaine, ressemblait au cours du week-end passé à une forteresse en état d’alerte maximale. Autour de la zone, des centaines de véhicules militaires étaient postés tous les 50 mètres, accompagnés de soldats armés jusqu’aux dents. 
L’ambassade a également décidé de retirer une partie de son personnel pour des raisons de sécurité.
Depuis une dizaine de jours, Washington et Téhéran s’accusent mutuellement de faire monter des tensions après le tir, le 20 décembre, d’une vingtaine de roquettes qui ont atterri près de l’ambassade américaine. 
Des tirs attribués à des milices proches de l’Iran qui veulent venger la mort d’al-Mouhandis.
Les États-Unis ont, pour leur part, envoyé des bombardiers B-52 dans la région du Golfe dans une démonstration de force dirigée contre l’Iran, alors qu’un sous-marin et des renforts militaires déployés dans le Golfe font craindre l’éventualité d’une frappe américaine que le président Donald Trump pourrait ordonner avant de quitter la Maison-Blanche le 20 janvier. 
L’imprévisibilité maintes fois prouvée du locataire de la Maison-Blanche, lui qui a approuvé l’opération contre Soleimani malgré les risques encourus, laisse redouter un embrasement de la région en cas de conflit entre les États-Unis et l’Iran. 
Selon plusieurs médias, le président aurait d’ailleurs convoqué récemment une réunion avec les plus hauts responsables afin d’envisager les options militaires possibles contre l’Iran avant son départ.
Israël, de son côté, a déployé un de ses cinq sous-marins dans le golfe Arabo-Persique en franchissant le canal de Suez avec l’accord de l’Égypte, alors que le chef d’état-major des armées des États-Unis, le général Mark Milley, a effectué dernièrement une visite à Tel-Aviv où il a rencontré son homologue israélien, le général Aviv Kohavi.

« Vengeance »

Cette montée des tensions contraste avec une année relativement en retrait pour les Iraniens. 
Suite à l’assassinat de Soleimani, Téhéran a immédiatement répliqué en frappant deux bases militaires en Irak, blessant au moins cent militaires américains et détruisant quelques infrastructures. 
Aucun Américain n’a toutefois été tué, et un calme précaire est rapidement revenu, les deux parties s’estimant relativement satisfaites du résultat.
Mais l’assassinat de Soleimani demeure une grosse affaire en Iran. Des centaines de milliers de personnes en pleurs ont participé aux funérailles nationales organisées en son honneur après son assassinat. 
Du jamais-vu depuis le décès de l’ayatollah Khomeyni en 1989. Officiels et population ont crié « vengeance ». 
Des foules monstres ont envahi les larges avenues des villes d’Ahvaz et de Machhad, en suivant la dépouille de Soleimani, aux cris de « Mort à l’Amérique ».
À cette époque, Donald Trump avait menacé de détruire 52 sites iraniens, dont des lieux historiques, si Téhéran attaquait des objectifs américains.
Les menaces iraniennes ont été réitérées au début de cette nouvelle année. Lors d’une cérémonie pour marquer l’assassinat de Soleimani, le chef de l’autorité judiciaire, Ebrahim Raïssi, a affirmé que « le président américain et les autres responsables qui ont ordonné cet assassinat ne seront nulle part en sécurité sur cette Terre ».
Toutefois, sur le terrain, les Iraniens semblent avoir refait leurs calculs. Entre un Trump imprédictible et l’attente d’un changement à la tête de l’administration américaine, confirmée par l’élection de Joe Biden en novembre dernier, Téhéran a joué la carte du temps pour faire passer ces quelques mois restants sans confrontation avec les Américains.

Profil bas

Le changement de politique est visible par rapport aux actions provocatrices iraniennes de ces dernières années. 
On se rappelle ainsi du sabotage de navires sur les côtes des Émirats arabes unis, des frappes de drone contre les installations pétrolières en Arabie saoudite en septembre 2019, suivis par la saisie de plusieurs navires près du détroit d’Ormuz, sans oublier les attaques de missiles en novembre 2020 contre Israël au Golan syrien. 
Or, durant toute l’année écoulée, l’Iran a fait profil bas dans la région malgré les provocations américaines et israéliennes.
Côté américain, le président Trump a poursuivi sa politique de « pression maximale » via l’imposition de sanctions. 
Dernières en date, le 8 octobre dernier, des sanctions ont frappé les 18 principales banques iraniennes, ébranlant encore plus une économie iranienne au bord du précipice. 
Mais c’est surtout sur le plan sécuritaire que les Iraniens ont subi une véritable humiliation en 2020, sans broncher, avec l’élimination, par un commando, près de Téhéran, du père du programme nucléaire iranien Mohsen Fakhrizadeh, fin novembre. 
Sans oublier le numéro deux d’el-Qaëda, Abou Mohammad el-Masri, tué le 7 août 
dans les rues de la capitale iranienne par un commando mené, selon des médias américains, par des agents israéliens pour le compte des États-Unis.

Recul de l’influence régionale

Les Iraniens ont également subi un affront important en Irak avec l’arrivée au pouvoir en mai de Moustapha al-Kazimi à la tête d’un nouveau gouvernement. Cet ancien chef des renseignements est réputé proche des États-Unis. 
Sa nomination semble indiquer un recul de l’influence iranienne dans le pays, alors que, depuis un an, des manifestants antigouvernement attaquent systématiquement la mainmise iranienne sur les institutions irakiennes, brûlant à deux reprises le consulat iranien. 
M. Kazimi a également tenté de mettre au pas les milices chiites pro-iraniennes, sans grand succès jusqu’à présent.
En Syrie, Téhéran a continué de recevoir les coups sans réagir. « L’enracinement de l’Iran en Syrie ralentit en raison des opérations de l’armée israélienne qui se sont intensifiées au cours de l’année écoulée », a déclaré le chef d’état-major Aviv Kochavi début décembre, cité par le Jerusalem Post. 
« Nous avons atteint plus de 500 objectifs cette année sur tous les fronts, en plus de multiples missions clandestines », a ajouté le général Kochavi. 
Selon Israël, les frappes en Syrie ont détruit une quantité importante d’armes. Et ces derniers mois, l’Iran a également réduit considérablement le nombre de vols de fret utilisés pour faire passer des armes en Syrie. 
Par ailleurs, des bases et des camps iraniens ont été déplacés de la région autour de Damas vers le nord et l’est de la Syrie, alors que le nombre de soldats et de miliciens iraniens a considérablement diminué.
Au Liban aussi, les Iraniens semblent perdre du terrain. La révolution du 17 octobre ainsi que les pressions financières américaines sur le Hezbollah ont mis ce dernier au pied du mur. 
Acculé, le parti terroriste chiite libanais pro-iranien joue à l’équilibriste pour se maintenir à flot sur le plan politique interne et sur le plan économique. Le parti de Dieu a pour la première fois été fortement contesté par la rue lors des manifestations populaires, et ce même dans son pré carré.
La tension, qui a sensiblement augmenté à l’approche de l’anniversaire de la mort de Soleimani, montre toutefois clairement que les Iraniens sont toujours tenaces. La perte du chef de la force al-Qods n’a pas entamé leur détermination. 
Mais un an après l’assassinat, la donne a changé au Proche-Orient, notamment avec les accords de normalisation entre Israël et quatre pays arabes, principalement dirigés contre l’Iran, d’une part, et la politique de plus en plus agressive de la Turquie d’Erdogan, d’autre part. 
En bons joueurs d’échecs, les Iraniens ont pris leur mal en patience, en attendant le moment opportun pour prendre leur revanche.

Source L'Orient le jour
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