dimanche 24 janvier 2021

Au centre de "Labyrinth", la rencontre avec David Greilsammer


Le pianiste et chef d’orchestre israélien livre un disque très personnel où il traduit en son le rêve récurrent qu’il faisait depuis son adolescence. 400 ans de musique et un parcours initiatique qui l’est aussi pour l’auditeur.........Détails........

Le nouveau disque de David Greilsammer est un dédale qui propose plusieurs portes. Nous avons choisi celle du clip vidéo qui l'accompagne. 
Pas de ces courtes vidéos qui font désormais la promotion des sorties classiques, mais un film à part entière où l'on suit une jeune danseuse dans une enfilade de couloirs déserts, animée par le pianiste tour à tour au clavier ou l'observant danser, comme s'il voulait la rejoindre. 
S'en suit l'enchaînement improbable des cavalcades de la "4e Bagatelle" de Beethoven, du perpetuum mobile des "Fanfares" de Ligeti, de la passion mortelle d'"El amor y la muerte" de Granados ou des visions hallucinées du "Vers la flamme" de Scriabine.
Après avoir présenté «Scarlatti-Cage Sonatas» (Sony) aux PianoDays de Flagey, en 2016, David Greilsammer y a joué une première version de «Labyrinth» en 2019.
Le tournage a eu lieu à 3 heures du matin dans la nouvelle gare de Genève, signée Jean Nouvel, et sur un parking glacé où l'on voit David Greilsammer exhaler sa respiration par-dessus son clavier. L'heure précise où, en plein sommeil paradoxal, l’artiste faisait chaque jour ce rêve – le même depuis ses 15 ans – de courses-poursuites dans les longs couloirs d’un labyrinthe mental. "C'est le genre de rêve qui reste extrêmement présent le matin, avec la ferme sensation de l'avoir réellement vécu."
Il ne le dit qu'à demi-mot, mais il s'est longtemps livré sur le divan pour en chercher le fil d'Ariane. "Au centre du labyrinthe, il y a ce moment déterminant de la rencontre qui est de l'ordre du chemin initiatique. On retrouve ça dans la mythologie grecque."
"Dans un premier temps, j'en ai parlé en thérapie. Le rêve revenait encore à cette époque et j'essayais d'en retrouver les sensations, de comprendre et de trouver des réponses. Mais quelque part, cela n'a pas suffi à ouvrir toutes les portes." Plutôt que de continuer à tenter de mettre des mots sur son mystère, David Greilsammer s'est souvenu qu'il était d'abord artiste et qu'il pourrait peut-être en trouver le sens par les sons. "C'est ma responsabilité d'artiste", affirme-t-il, recomposant à tâtons depuis 5 ans les sensations sonores qui se télescopaient dans son inconscient.
"Au centre du labyrinthe, il y a ce moment déterminant de la rencontre qui est de l'ordre du chemin initiatique. On retrouve ça dans la mythologie grecque."
Et c'est ainsi que dans "Labyrinth", les Anciens dialoguent avec les Modernes en association libre. Lully finit entre deux Janacek, Crumb entre deux Beethoven, Jean-Sébastien Bach entre deux Ligeti, Carl Philipp Emanuel Bach entre deux Satie, Marin Marais entre deux créations originales d'Ofer Pelz et Rebel entre deux Scriabine. Janacek et Scriabine pour ouvrir et conclure – deux contemporains hallucinés de Freud – et une pièce unique, ce tango fiévreux de Granados entre l'amour et la mort de Granados... Le centre de "Labyrinth".
C’est un roman à sept chapitres, dit-il, où les confrontations esthétiques improbables ne sont pas le fruit du hasard: "Très vite, il m'a fallu une structure très rigoureuse. 
Cela aurait été facile de dire: 'C'est un rêve, c'est le bordel.' On aurait perdu toute la force du projet et je m'y serais perdu moi-même."
Faut-il alors chercher une signification dans les parentés ou les contrastes de rythme, d’harmonie ou de couleur pour comprendre ces confrontations par-delà les siècles? "Il y a ce type de liens, mais ce n'est pas tout qu'une pièce ancienne rencontre une pièce moderne. 
C'est comme quand on voit deux étoiles très rapprochées dans le ciel. Il n'y a pas vraiment de ligne pour les unir mais on les imagine. C'est aussi de la responsabilité du public de l'inventer, comme j'ai entendu Daniel Barenboim le dire dans une master class. Ce lien entre les pièces est plus profond et on ne doit pas toujours le révéler."
"Mon credo, c'est le dialogue, tout simplement. C'est aussi dire qu'il faut s'ouvrir, s'intéresser à quelque chose de nouveau, élargir la pensée."
Derrière cette démarche éminemment personnelle, qu'il avait déjà tentée en 2015 en confrontant l'avant-garde Cage et le baroque Scarlatti (un disque primé par le New York Times), il y a une éthique personnelle qui se dégage et qui pourrait se résumer par cette question: que se passe-t-il à l'instant où se rencontrent deux pièces qui n'ont a priori rien à voir l'une avec l'autre?
"Mon credo, c'est le dialogue, tout simplement. Politiquement, avec Trump, Poutine, etc., on a vécu des moments complètement dingues. C'est aussi dire qu'il faut s'ouvrir, s'intéresser à quelque chose de nouveau, élargir la pensée", conclut-il. Quant à nous, on le réécoute jour après jour, perdus dans son "Labyrinth".


Source L'Echo
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