lundi 29 juin 2020

Poker: Eyal Bensimhon, les postiches qui rendent riche


Reconnaissable à ses larges déguisements colorés qui coiffent ses bouclettes brunes, Eyal Bensimhon fait partie de ces trublions qui attirent les regards en même temps que les jetons. Ancien amateur auteur d'une année 2017 surréaliste, Poker Bunny a quitté son Israël natal pour devenir un joueur unique par son style vestimentaire et pokeristique........Portrait.......


Un imposant postiche de lapin rose au beau milieu d'une poker room. Pas de doute, Eyal Bensimhon est de la partie. 
A chaque fois qu'il prend part à un tournoi ou une belle table de cash game, Eyal revêt son costume fétiche. Une sorte de porte bonheur multi-fonctions, qui détend l'atmosphère autant qu'il interloque les adversaires. 
Mais derrière ces allures de plaisantin, Eyal Bensimhon est un tueur, un joueur qui terrasse le circuit low et midstakes, toujours de sa moumoute rose vêtu.
Surnommé "Poker Bunny", Eyal ressemble plus au lapin de Sacré Graal, dont les griffes acérées peuvent détruire une armée de chevaliers, qu'à Roger Rabbit. En trois ans de circuit, le lapin rose dévore les fields presque partout où il passe, de Vienne à Rozvadov en passant par Las Vegas. 
Au départ, il s'agissait de vacances poker avec des potes, mais à force d'accumuler les gros scores et les bagues WSOP-C, Eyal a revu ses plans pour tenter une carrière de pro. Avec une recette qui diffère franchement de celles des grinders online qui déferlent sur le circuit.
Avant de commencer ses campagnes victorieuses, Eyal n'a presque jamais joué une main en ligne, travaille comme créateur de contenu pour la chaîne sportive israélienne et est bien loin de penser à une carrière de joueur professionnel. Pour comprendre le grand saut du lapin, il faut retourner là ou tout à commencer, en Israël.

Football, télé et parties privées

Eyal naît d'un père français et d'une mère israélienne à Rishon LeZion, quatrième grande ville du pays, située sur la côte, à quelques encablures de Tel-Aviv. 
Il passe une enfance heureuse, occupant ses journées à la plage, au cinéma ou sur les terrains de football. 
"J'étais plutôt mauvais donc au moment de faire les équipes, j'étais toujours choisi en dernier", confesse-t-il. "Du coup je jouais tout le temps gardien mais je suis devenu plutôt bon".
Il va souvent au stade supporter l'Hapoël Rishon Le Zion, le club de la ville qui gravite dans le ventre mou de la deuxième division. 
À 18 ans, il s'installe à Tel Aviv, passe son service militaire et commence des études de communication. 
Sa passion pour le sport et quelques connexions le mèneront à Sport 5, la chaîne sportive nationale, où il travaille comme producteur de contenus pour la télévision et les réseaux.
A l'époque, Eyal Bensimhon joue déjà un peu au poker. Son père lui a appris le cinq cartes fermées quand il avait dix ans, et après ses études, Eyal joue au Texas Hold'em avec sa bande de potes. 
Des tournois à 10 €, à peu près tous les week ends. Après quelques belles années passées à Sport 5, Eyal tente l'expérience de croupier pendant un an. "J'avais l'opportunité de dealer dans des parties privées. 
C'était un moyen assez fun de mettre un pied dans le monde du poker en me faisant un peu d'argent".
Loin d'être anecdotique, cette aventure lui permet d'accroître massivement ses skills de livetard. 
"Pendant que tu deales, tu observes et tu apprends. Tu vois le jeu avec un angle différent, sans la pression de l'argent et tu y passes beaucoup de temps. Je scrutais les réactions, les postures des joueurs pour deviner la force de leur main et comprendre les dynamiques".
Après ce stage d'observation, Bensimhon garde contact avec le jeu en travaillant chez 888poker, où il retrouve son poste de content manager (producteur de contenu). 
À côté de son boulot, il s'autorise quelques voyages avec les copains pour jouer des tournois. Un tourisme pokeristique bien senti puisqu'en 2017, Eyal Bensimhon va tout écraser sur son passage.

Les très grandes vacances

"À chaque fois que je suis parti en vacances poker, j'ai eu des résultats fous", raconte Bensimhon. "J'ai scoré gros à Vienne pour un premier 20 000 €. Un mois plus tard, je prends encore 20 000 à Namur et pour mon premier Vegas, je fais encore 20 000 au Wynn". 
Pas du genre vantard, Eyal ne mentionne pas ici les multiples "petites" tables finales qui embellissent ce premier semestre. Mais ce n'est rien comparé à ce qui attend l'Israélien à partir du mois d'août.
Pour son premier WSOP Circuit, Poker Bunny chope la bague sur le Main Event de Rotterdam et frôle la perf à six chiffres. 
Un mois plus tard, il ajoute une deuxième bague à sa collection en s'imposant devant plus de 700 joueurs sur le Monster Stack de l'édition Rozvadovienne. Au moment de faire l'addition de 2017, Eyal Bensimhon a gagné plus de 300 000 $ grâce à ces fameuses vacances poker, et ce sans jamais jouer un tournoi à plus de 1 500 €. 
Mais quel est donc le secret du lapin rose ?

Au diable la GTO, vive les chapeaux !

En l'observant jouer, on comprend déjà un peu mieux l'énergumène. Le gars débarque à table avec son énorme peluche sur la tête, le sourire jusqu'aux oreilles et tchatche avec tous les joueurs qu'il croise aux tables. Sa bonne humeur est contagieuse mais en même temps qu'il fait rire ses adversaires, Eyal scrute chacun de leurs faits et gestes. 
"Ma plus grande force, c'est ma capacité à lire les gens : trouver des tells, comprendre la dynamique entre les joueurs et les exploiter", analyse le livetard. "Je n'ai jamais joué GTO, je ne crois pas à ça. Je joue un poker très exploitant et je crois qu'en low stakes, c'est la meilleure stratégie".
Le costume n'est pas juste là pour amuser la galerie. Il rend la partie plus fun mais sert également les intérêts du joueur exploitant qu'il est. 
"Quand tu fais rire les gens et qu'on te pense sympa, inoffensif, les personnes deviennent plus ouvertes. 
Et quand une personne est plus ouverte, elle livre plus de tells. C'est aussi une manière d'être identifié, d'avoir ma marque et peut être que dans le futur, ça m'ouvrira des opportunités".
Son costume, son talent et son instinct lui permettent de rencontrer le succès en 2017. 
Mais en 2018, Eyal fait également la connaissance du fisc israélien. Amputé de 35 % de ses gains, le joueur décide de s'exiler à Vienne et d'endosser la nationalité autrichienne. 
Avec son nouveau passeport et sa bankroll bien remplie, il est fin prêt à se lancer dans l'aventure professionnelle. 
"J'avais de l'argent, du temps et un rêve donc je me suis dit "Tente l'aventure et regarde où la vie te mène". 
Le poker te donne cette possibilité d'être ton propre patron, de faire ce que tu as envie, et de jouer à un jeu que tu aimes pour gagner ta vie", explique le désormais Franco-israélo- autrichien. 
"Je sentais que je devais tenter ma chance et au pire, si ça ne marchais pas, je retournerais bosser en Israël".

À Rozvadov comme à la maison

Sa carrière professionnelle démarre comme sa carrière amateur s'était terminée par des succès. 
Une première win à Berlin pour se mettre dans le bain, puis une petite à Vienne pour se sentir comme chez lui... 
Mais sa deuxième maison, c'est le King's Casino de Rozvadov. 
À chaque séjour dans la citadelle de Léon Tsoukernik, il ramène une bague ou des super-perfs. 
En mars 2018, il enchaîne trois tables finales dont une seconde place et une win synonyme de troisième bague WSOP-C sur l'évènement Deep Stack. Puis lors de l'édition d'octobre, il décroche la plus grosse perf' de sa carrière en terminant runner-up du Main Event pour plus de 116 bâtons.
L'année suivante, il atteint une belle table finale sur les WSOP Europe et remporte dans la foulée le France Poker Festival de Rozvadov pour près de 60 briques. 
"Je me sens vraiment à l'aise quand je joue là bas. Le staff, les floors et les croupiers sont de belles personnes, qui donnent une belle énergie et en plus ce sont mes amis. Jouer là bas, c'est comme jouer à domicile", commente Poker Bunny.

Derrière le déguisement

Né d'un père français, jouant parfois sur la nationalité bleue et vainqueur de France Poker Festival, Eyal ne parle pourtant pas un mot de la langue de Molière. 
"Mon père ne m'a jamais appris la langue malheureusement. Tout ce que je sais dire, c'est vive la vie". 
Aux tables, Eyal semble en effet comme un épicurien, qui aime rire, jouer et se déguiser. Mais dès qu'il sort du casino, Eyal le trublion enlève son costume fantasque pour redevenir Eyal le chilleur. 
Les festivals electro de Tel Aviv ? Très peu pour lui. Eyal est un homme tranquille. Peu de sorties, pas d'alcool, mais plutôt un bon Tarantino, un film d'espionnage à la Guy Ritchie et des balades avec sa petite amie pour profiter de la beauté de Vienne.
Privé de sorties et de live durant le confinement, le joueur a profité de ces derniers mois pour travailler son jeu. 
"En fait, c'est la première fois que j'étudie vraiment le poker. Avant, je discutais des mains avec quelques copains mais je n'avais jamais fait de coaching ou d'études théoriques". 
Eyal a aussi profité de la quarantaine pour se mettre au poker en ligne, pour la première fois également. 
"Ça s'est bien passé, c'est cool pour s'entraîner, mais c'est quand même assez ennuyeux. C'est moins fun et puis j'ai besoin de voir, de sentir les gens", explique Bensimhon. "Le poker c'est un jeu social. En ligne, c'est presqu'un jeu différent".
Ça n'a toutefois pas empêché Eyal de faire tomber quelques perfs et de grinder les tables de cash game. Et ça l'a même rendu plus fort. 
"J'avais des notions sur les ranges, les textures de board, mais pas de manière aussi approfondie que maintenant. Avant, j'estimais les joueurs grâce à mon feeling. Maintenant, je peux me baser sur des chiffres".
En plus du grind, Eyal a gardé son côté créateur multimédia. Pour son sponsor Kenta, l'un des fer de lance du poker israélien, mais aussi pour sa page de memes Instagram BetflixAndSkill. 
Il y compile toute sorte de situations cocasses et de réflexions absurdes que peuvent expérimenter les joueurs de poker. 
Et puis maintenant que le jeu a repris, il a pu ressortir ses costumes pour rejoindre les tables de Rozvadov où il sévit déjà sur les streaming du King's Casino. Sa collection de postiches s'est au passage considérablement élargie. "Maintenant, j'ai une grenouille, un mouton, un poney...", énumère fièrement le joueur. 
"Parfois, je les amène tous et on peut se faire une table entièrement déguisée". Histoire de dévorer leurs jetons, mais toujours dans la joie et la bonne humeur.

Source Club Poker
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