Celle qui fut l'une des premières femmes auteures-compositrices-interprètes demeure toujours présente dans les mémoires et s'est même enrichie d'une jeune génération de la chanson qui en a fait une référence.
Allant à l'encontre des modes de son temps, tant musicales que physiques, Barbara a su s'imposer sur la scène de la chanson française.
« Je fais ce que j'ai envie de faire, comme j'ai envie de le faire. Et tant que j'aurai mon public, ils ne pourront rien contre moi. Contre une vague d'amour comme ça, on ne peut rien faire », dira-t-elle.
De son vrai nom Monique Serf, Barbara naît à Paris en 1930, dans le XVIIe arrondissement, près du square des Batignolles, où elle passe son enfance avec ses parents et son frère Jean, son aîné de deux ans.
Durant la Seconde Guerre mondiale, la famille d'origine juive erre de ville en ville pour fuir la traque nazie et se réfugie à Saint-Marcellin, dans l'Isère.
Entre-temps sont nés sa sœur Régine, en 1938, puis son frère Claude, en 1942.
À la Libération, la famille se pose deux ans au Vésinet (Yvelines) où Monique, peu encline aux études, prend des cours de chant et de piano et remporte son premier prix de chant à l'École supérieure de musique.
En 1946, nouveau déménagement rue Vitruve à Paris, dans le XXe arrondissement.
Elle suit les cours de chant de Me Paulet qui enseigne au Conservatoire de Paris où elle s'inscrira en auditrice libre.
Après avoir passé une audition au théâtre Mogador qui l'engage comme mannequin choriste dans l'opérette Violettes impériales de Vincent Scotto, elle décide d'abandonner les cours. Nous sommes en 1948. La jeune Monique ne rêve plus que d'une chose : chanter pour sortir du noir d'une enfance qui a été abusée…
À 20 ans, elle va tenter sa chance à Bruxelles où elle fait ses débuts au cabaret du Cheval Blanc, puis à La Poubelle. C'est à cette époque que Monique Serf devient Barbara Brodi, en mémoire à ses aïeules ukrainiennes. Mais percer n'est pas simple, souvent la chanteuse se fait siffler…
De l'Écluse, ci-dessus à g., où elle fait ses débuts à Paris en 1954 avec, au piano, Liliane Bennelly, à l'Olympia, ci-dessus à dr., en 1978, la chanteuse à la longue silhouette conservera le noir pour tenue de scène qui lui vaudra le surnom de « dame en noir ».
À cours d'argent, elle regagne Paris où elle met désormais ses espoirs. Elle chante à L'Écluse, quai des Grands-Augustins, café-concert grand comme un mouchoir de poche, et y interprète des textes de Ferré, de Brel – dont elle a fait la connaissance à Bruxelles –, de Brassens.
Chemin faisant, elle se fait un public et attire l'intelligentsia des années 50. Se produisant tous les soirs vers minuit, vêtue de sa robe noire, Barbara y gagne l'appellation de « chanteuse de minuit ».
« Il y avait dans ce lieu un amour, une poésie, une vie et grâce à ce noyau de gens qui m'ont aimée, ce sont les soixante spectateurs de l'Écluse qui m'ont menée au chapiteau de Pantin », se souviendra-t-elle.
En 1955, elle repart à Bruxelles où elle enregistre chez Decca son premier 78 tours Mon Pote le gitan.
La « dame en noir » sort de l'ombre. En 1960, elle enregistre son premier disque chez Odéon, Barbara chante Georges Brassens, primé par l'académie Charles-Cros, puis en 1961, Barbara chante Brel.
Elle est repérée alors par Claude Dejacques, le directeur artistique de Philips, qui l'encourage à composer ses chansons qu'elle interprète pour la première fois sur l'album Barbara chante Barbara, sorti en 1964, aussi récompensé par le prix de l'académie Charles-Cros.
Cette même année, la chanteuse fait la première partie du spectacle de Georges Brassens à Bobino. Le succès est tel qu'elle en éclipse le Sétois. Dès lors, plus rien ne l'arrête.
En septembre 1965, elle se produit en vedette dans cette même salle. Bouleversée par l'accueil du public, elle écrit Ma plus belle histoire d'amour, qui paraîtra fin 1967 sur l'album Barbara.
Elle enchaîne alors albums, studio et tournées en Europe, en Israël, au Canada et au Japon.
Ses concerts sont préparés avec méticulosité pour en faire des moments de communion avec son public, son « amant aux mille bras ».
En janvier 1968, elle est à l'Olympia pour un récital unique, retransmis sur Europe 1.
La même année, Georges Moustaki lui compose La Longue Dame brune qu'ils chanteront en février 1969 à l'Olympia. Alors au sommet de son art, elle annonce ses adieux à la scène.
Mais, elle fait vite son retour avec L'Aigle noir, dont le sens sur l'insouciance salie par le père ne sera dévoilé que dans ses mémoires posthumes.
Barbara tente une autre aventure, celle du théâtre. Elle est Madame dans la pièce écrite par Rémo Forlani et dont elle compose la bande-son. Un échec. Puis elle incarne Léonie, au cinéma, dans Franz, réalisé par Jacques Brel, son « grand-frère ». Un four.
Elle revient alors à la chanson et enregistre les albums La Fleur d'amour en 1971 et Amours incestueuses en 1972. Puis elle rencontre François Wertheimer qui lui écrit les textes de l'album La Louve, en 1973, orchestré par William Sheller.
Le temps du disque, Barbara et François mêleront leurs vies. La même année, elle cherche à amarrer sa solitude et tombe sous le charme d'une maison à Précy, en Seine-et-Marne.
En 1974, effrayée par l'adoration oppressante de ses fans, taraudée par les blessures de son enfance, sujette aux insomnies, elle tente de se suicider. Elle en fera une chanson, Mes Insomnies.
Sentimentalement, elle multiplie les histoires d'amour passionnelles avec des hommes de tous âges, source d'inspiration de sa chanson Les Amours incestueuses.
En 1981, elle cherche un endroit pour son retour sur scène. Ce sera à Pantin, sous un chapiteau qu'elle fait aménager à grands frais. Elle y chante tout l'automne, porté par un public qui n'en finit pas de grandir et de se rajeunir, ainsi que devant le gratin de la politique.
Elle interprète Regarde, une chanson écrite pour François Mitterrand, qui vient d'être élu en 1981.
Ce triomphe d'un mois fragilise sa voix. Elle rencontre Gérard Depardieu avec qui elle crée la comédie musicale Lily Passion, en 1986.
Attentive aux blessures de la vie, Barbara met sa célébrité au service de causes comme la lutte contre le sida. Elle interprète la chanson Sid'amour à mort au Châtelet en 1987.
En 1993 au Châtelet, elle fait ses adieux à la scène.
Sa santé l'oblige à écourter les représentations. Son dernier opus paraît en 1996. La chanteuse est épuisée par ses angoisses et son traitement pour les cordes vocales.
Alors qu'elle rédige ses mémoires, elle est hospitalisée et décède d'une pneumonie, à l'hôpital américain de Neuilly-sur-Seine…
Source France Dimanche
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