Au commencement était un désir d’écrire peu compatible avec la condition de militaire de l’armée algérienne. Pour concilier ces deux aspects de sa vie, le commandant Mohamed Moulessehoul prend un pseudonyme, loin d’être anodin : les deux prénoms de sa femme, Yasmina Khadra.
En 2000 il quitte l’armée, s’installe à Aix-en-Provence en 2001, et sa véritable identité est révélée au public.
En 2005 il publie un roman qui va secouer une partie de son lectorat arabe : L’Attentat. Ce roman met en scène un médecin arabe israélien, Amine Jaafari, chirurgien reconnu, qui après avoir soigné pendant toute une journée dans l’hôpital où il travaille les victimes d’un attentat meurtrier, apprend que la kamikaze était sa femme.
Le sujet est magnifiquement traité, sous l’angle des sentiments des protagonistes, et c’est un cri d’alarme face aux dérives monstrueuses auxquelles conduisent le fanatisme et la haine aveugle. Et ce livre d’un auteur arabe n’est pas, loin delà, une diatribe contre Israël.
Producteurs qataris
Le réalisateur libanais Zouad Doueiri est immédiatement pressenti pour porter ce roman à l’écran, d’abord par un producteur américain qui en avait immédiatement acquis les droits. Mais le projet d’adaptation de Doueiri est jugé « trop pro palestinien pour les Américains et trop pro-israélien pour les Européens ». Ce projet est repris par Jean Brehat et Rachid Bouchareb, qui en rachèteront les droits après une longue négociation. Le montage financier est également difficile à mettre en place, et ce sont finalement des producteurs qataris qui prennent en charge la majeure partie de la production.Zouad Doueiri tourne le film en Israël, et ses acteurs sont israéliens : juifs et arabes. Pas plus que le roman éponyme son film ne dénonce Israël comme un occupant violant au quotidien les droits des palestiniens. Le réalisateur a respecté l’auteur, son film parle de l’amour d’Amine pour sa femme, de son désarroi face à la situation nouvelle qui est la sienne après l’attentat, des relations humaines et de leurs bouleversements. Pas de condamnation d’Israël.
« Le tapis sioniste »
C’est la double faute de Zouad Doueiri, et la sanction est immédiate : boycott du film par les 22 pays de la Ligue arabe puisqu’il »a mis les pieds en Israël et tourné avec quelques acteurs israéliens ». Dans un entretien accordé à evene.fr, il déplore que les plus virulents détracteurs de son œuvre soient justement ceux dont il attendait un peu de soutien : « Ce sont les gens de la gauche libérale qui ont déclaré que «Ziad Doueiri s’était agenouillé sur le tapis sioniste». Ce ne sont pas les islamistes et ce n’est pas même le Hezbollah qui, bien sûr ne pouvait me soutenir publiquement, mais n’avait pas de réelles objections contre le film. Ce qui est triste c’est que les Arabes sont les meilleurs pour se tirer des balles dans le pied. À cet égard, ils font un meilleur boulot que tous leurs opposants réunis. »
Servi par des acteurs exceptionnels, le film a fait l’unanimité et a déjà été récompensé dans de nombreux festivals du monde occidental. Il aurait pu concourir pour l’Oscar du meilleur film étranger…..si le Liban avait bien voulu le présenter.
Face à la fureur de la Ligue arabe, face à ce boycott dont la bêtise rappelle furieusement celle à laquelle le BDS nous a habitués, il reste un beau film réalisé avec courage par un libanais, qui a aimé le livre d’un algérien sur une histoire qui se passe en Israël. Donnons-lui l’accueil qu’il mérite.
Source TribuneJuive