Peut-on aujourd’hui vraiment bloquer un site Internet ? C’est la question que certains internautes ont pu se poser en voyant réapparaître récemment sur les réseaux sociaux des contenus émanant du site «Démocratie participative». Ce site, ouvertement raciste et antisémite, a pourtant officiellement été bloqué le 27 novembre dernier par la justice française, qui a ordonné aux fournisseurs d’accès à Internet (Free, Orange, Bouygues Telecom…) d’empêcher tout accès à la plateforme......Analyse.......
« Ce n’est pas le site en lui-même qui a été bloqué, mais l’accès au nom de domaine democratieparticipative.biz.
Dès le 1er décembre, le site a été recréé avec une nouvelle URL », explique sur son blog Clément Genty, chercheur spécialisé dans la valorisation des noms de domaine.
« C’est un petit jeu du chat et de la souris qui montre les limites de la communication sur Internet. La majorité des extensions de noms de domaine étant ouvertes, enregistrer une nouvelle adresse reste aisé », précise le chercheur.
Dans un thread posté sur Twitter, un ingénieur en informatique a également expliqué comment l’administrateur du site s’y était pris pour contourner la loi.
« Le site a changé d’URL à trois reprises, nous l’avons déjà re-bloqué deux fois »
« Nous ne sommes pas du tout surpris. On s’attendait à ce genre de scénario », explique à 20 Minutes la Dilcrah (Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT) qui a effectué l’an dernier neuf signalements contre ce site pour des articles antisémites ou homophobes. « Depuis novembre dernier, et la décision de justice, “Démocratie participative” a changé d’URL à trois reprises, et nous l’avons déjà re-bloqué deux fois », précise la délégation.
« A chaque fois que le nom de domaine change, nous effectuons aussitôt un signalement auprès du procureur et le juge des référés est saisi.
Il rend ensuite une ordonnance, non contradictoire, donc nul besoin d’assigner à nouveau les fournisseurs d’accès à Internet devant la justice », explique l’organisme gouvernemental.
« Au final, c’est comme pour les plateformes de téléchargement en ligne, à force de le bloquer régulièrement, il sera de plus en plus compliqué pour l’administrateur du site de trouver de nouvelles ressources, de nouveaux hébergeurs », ajoute la Dilcrah qui indique « suivre ce dossier de très près ».
Pour les associations antiracistes, parties civiles lors du procès en référé qui s’est tenu le 27 novembre au tribunal de grande instance de Paris, pas de surprise non plus.
« La décision prise en novembre 2018 reste pour nous une grande première, et une véritable victoire sur le plan juridique. Ce qui est en train de se passer était prévisible.
Nous sommes actuellement en train d’examiner de nouveaux recours juridiques pour tenter de bloquer définitivement cette plateforme très influente de la fachosphère », explique à 20 Minutes Sacha Ghozlan, président de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF).
Hébergé aux Etats-Unis, le site continue aujourd’hui de publier régulièrement des contenus illicites, des propos racistes, antisémites et homophobes d’une extrême violence.
Il s’en est récemment pris à Marlène Schiappa, qualifiée de « pute à juifs », ou encore à la secrétaire d’État Emmanuelle Wargon, qualifiée de « youpine à face de rat » et évoquait il y a quelque temps l’élaboration « d’un guide racial de l’afro-bougnoulisation des villes et villages de France à éviter ».
Dans les mentions du site, pas de directeur de publication clairement identifié, juste une note indiquant que le site est « placé sous la protection du premier amendement des États-Unis » garantissant la liberté d’expression. D’après l’hypothèse la plus probable, l’administrateur du site serait l’ultranationaliste breton Boris Le Lay, exilé au Japon, et condamné à de multiples reprises pour « diffamation » ou « injures ».
« Il est très compliqué de faire reconnaître la responsabilité pénale des auteurs de ce genre de sites hébergés outre-Atlantique », reconnaît la Dilcrah. Aujourd’hui, le déréférencement du site sur Google, obtenu après la décision de justice, reste l’un des moyens les plus efficaces de lutter contre la diffusion de ces contenus.
« Même si le site est parvenu depuis à réapparaître sous d’autres formes, il est aujourd’hui beaucoup moins bien référencé et très difficile à retrouver sur les moteurs de recherche.
On a conscience qu’il s’agit d’un combat contre une hydre et qu’il n’existe pas de solution miracle.
Mais on continuera à mener ce combat contre la haine au quotidien », souligne Frédéric Potier, le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT.
« Nous restons très vigilants, et nous faisons remonter les éléments dont nous disposons auprès du moteur de recherche pour éviter un quelconque référencement », précise même l’organisme gouvernemental.
Ces sites haineux, ouvertement racistes et antisémites, posent aujourd’hui « un véritable enjeu d’ordre public », estime l’UEJF.
« Il y a urgence à réformer la gouvernance d’Internet au niveau européen et au niveau international, la France ne peut plus faire cavalier seul », explique Sacha Ghozlan, le président de l’Union des étudiants juifs de France.
Il espère que le projet de loi contre « les contenus haineux » en ligne, qui devrait être présenté courant 2019, permettra d’apporter de « véritables solutions ».
Vous nous aimez, prouvez-le....