Lomé, capitale du Togo, abritera, au mois d’octobre, la première édition du sommet Afrique – Israël. Le Cameroun ayant été invité à ce sommet, Journalducameroun.com est allé à la rencontre de l’ambassadeur d’Israël dans le pays, Ran Gidor, pour aborder les enjeux d’une telle rencontre.......Entretien..........
La République du Togo accueillera, du 16 au 20 octobre 2017, le premier Sommet Afrique-Israël. Le président du Cameroun, Paul Biya, a été invité à y prendre part. Quels sont les enjeux de cet événement ?
Permettez-moi d’abord d’évoquer le contexte historique. Israël a été l’un des premiers pays occidentaux à développer des relations avec les États nouvellement indépendants d’Afrique, à la fin des années 50 et au début des années 60; même si Israël était également une jeune nation, créée seulement en 1948, soit 12 ans avant l’indépendance du Cameroun.
Mais à cette époque, nous étions déjà engagés dans des actions d’aide et de développement international en Afrique, bien avant d’autres pays occidentaux. Les rapports ont été maintenus jusqu’en 1973, au moment de l’éclatement de la guerre au Moyen-Orient (guerre du Kippour, octobre 1993, NDLR). Après cette guerre, de nombreux pays coupèrent leurs relations avec Israel.
A partir de la moitié des années 80, ces pays rétablirent de nouveau ces rapports. Le Cameroun a renoué les relations diplomatiques avec Israël en 1986.
Le sommet Israël – Afrique est un jalon qui va permettre de mettre à jour et de porter à un niveau supérieur les différents domaines de coopération. L’année dernière (juillet 2016, NDLR) notre Premier ministre, Benjamin Netanyahu, s’est rendu en Afrique de l’Est où il a pu visiter quatre pays.
Il y a deux mois (juin 2017, NDLR), il a été invité à prendre part au 51e sommet de la Communauté économique des états d’Afrique de l’ouest (CEDEAO), tenu à Monrovia, au Libéria.
C’est le premier dirigeant non africain à prendre part à une telle rencontre de la Cedeao. Donc la volonté d’Israël d’impulser ses échanges ne se limite pas à un ou deux pays, mais à tout le continent.
Le sommet du Togo permettra d’aller encore plus loin dans plusieurs domaines. Sur le plan politique, de nombreux chefs d’Etat et ministres seront présents. Sur le plan économique, des entreprises majeures seront présentes.
Localement, nous avons une liste d’au moins 55 chefs d’entreprise camerounais qui désirent prendre part au Sommet.
Le troisième niveau c’est celui de la société civile. A propos, il sera organisé des meetings entre des organisations non gouvernementales (ONG) , des organisations de la société civile et même des artistes israéliens spécialisés dans le dialogue interculturel entre l’Afrique et Israël.
Sur le quatrième pilier, celui de la communication et des médias, une centaine de journalistes, venus d’Afrique, d’Israël, d’Europe et d’Amérique, ont été invités à prendre part à l’événement.
Enfin, la jeunesse. Nous espérons faire venir 100 jeunes africains au Sommet et 25 jeunes venus d’Israël. A travers ce sommet, nous comptons donc intensifier les relations diplomatiques à plusieurs niveaux: du politique à la jeunesse, afin de faire de cet événement un moment fort qui donnera une nouvelle dynamique à la coopération entre Israël et l’Afrique.
Tous les États africains sont-ils concernés par cet événement? Et combien de chefs d’Etat ont confirmé leur présence ?
Les chefs d’Etat africains ont reçu leurs invitations de Son Excellence Faure Gnassingbé, puisque c’est le Togo qui accueille le Sommet.
Ils les ont également reçues de la part du Premier ministre israélien et du chef d’Etat. Je n’ai pas la situation définitive. Généralement, les chefs d’Etat confirment au dernier moment, puisque ce sont des personnalités avec un agenda chargé.
Néanmoins, nous avons reçu un accord de principe du président camerounais, qui prendra part au sommet ou enverra un représentant en son nom. Nous sommes optimistes et nous pensons que de nombreux chefs d’Etat et/ou de gouvernement prendront part à l’événement.
Bien évidemment, le président de la République du Togo sera présent puisque le Sommet est abrité par son pays.
Peut-on dire qu’Israël essaie de mettre en exergue son pouvoir ou ses atouts par l’organisation d’un tel sommet, comme d’autres puissances ? Nous parlons par exemple de la France avec le sommet Afrique-France; le Japon, avec la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (plus connue sous le nom de Ticad); les États-Unis d’Amérique avec le forum USA – Afrique; la Turquie avec le Sommet Turquie – Afrique; l’Inde avec le Sommet Afrique – Inde; La Chine avec le Forum sur la coopération sino – africaine (plus connue sous le nom de FOCAC en anglais ou FCSA en français .
Tous ces pays que vous avez cités sont des grandes puissances. Il est important de relever qu’Israël est un petit pays, avec une population de 8,5 millions de personnes, soit un tiers de la population camerounaise.
Ainsi, le fait qu’Israël fait ce que la France, la Chine et même l’Inde font, montre qu’Israël veut être dans la file des principaux acteurs internationaux. Cependant, certains de ces pays ont des relations problématiques avec le continent africain, à cause du colonialisme ou d’autres enjeux historiques et controverses.
Israël, pour sa part, n’a pas une image problématique en Afrique. Malgré sa petite taille, comparé à la Chine ou à l’Inde, Israël est aujourd’hui l’un des pays les plus prospères au monde et notre PIB est plus élevé que celui de nombreux pays de l’Union européenne.
Nous avons des domaines d’expertise spécifiques, dans lesquels nous sommes les meilleurs au monde.
C’est par exemple le cas avec l’énergie solaire et la purification de l’eau. Peut-être le savez-vous, 60% du territoire israélien est occupé par le désert, un peu comme le Sahel à l’Extrême-Nord du Cameroun.
Mais avec notre technologie, nous exportons l’eau dans d’autres pays. Israël est le seul pays au monde où le désert rétréci au lieu de s’étendre. C’est donc une technologie dans laquelle nous sommes leader, et qui est très pertinente pour les pays africains.
Nous pouvons aussi mentionner les techniques agriculturales. Chaque année, Mashav (l’Agence israélienne pour la coopération internationale et le développement, NDLR) forme 100 experts africains en Israël, dans les domaines de l’agriculture, de l’éducation, de l’autonomisation des femmes.
Je n’ai pas le temps de tout mentionner mais il est important d’indiquer aussi qu’Israël est le numéro un mondial en cybersécurité, particulièrement en matière de contre-terrorisme.
Israël apporte notamment son appui au Cameroun dans les efforts de lutte contre Boko Haram. Nous pensons que nous avons beaucoup à partager en termes de technologie et de stratégie avec les pays africains.
En quoi votre action est-elle différente de ce que font d’autres pays, comme la France par exemple ?
En partageant nos savoirs avec l’afrique, nous ne nous mettons pas dans une posture d’enseignants, ni de colons, mais nous nous mettons dans une posture de partenaires. Nous n’avons jamais été une puissance coloniale, nous avons une relation d’égalité et d’amitié.
Nous sommes un jeune pays et il y a quelques années nous étions pauvre. Nous n’oublions pas notre humble histoire. Au dessus de cela, Israël est un melting pot d’immigrants. De nombreux Israéliens font partie de la première génération née en Israël de parents venus d’ailleurs.
Comme vous le savez, le peuple juif vit dans la diaspora depuis 2 000 ans. En Israël, nous avons des personnes originaires de plus de 160 ethnies différentes ce qui signifie que nous avons un nombre important de langues. Nous sommes un petit pays mais nous faisons mieux que de nombreux autres plus grands pays.
Au niveau national, quel est l’état des relations entre Israël et le Cameroun et quels sont les principaux domaines de coopération entre les deux pays ?
Nous considérons que le Cameroun n’est pas seulement un ami, mais un allié intime d’Israël. Je dirais qu’au sein de la coopération avec les pays africains, le Cameroun est dans le premier groupe, en termes de relation d’intimité et de proximité avec Israël. J’ai initialement mentionné qu’Israël soutient le Cameroun dans la lutte contre Boko Haram.
Je dirais aussi qu’au moins un quart, sinon plus, de ministres du gouvernement camerounais ont visité Israël, officiellement ou pour des formations au sein de Mashav. Par exemple, le ministre de la Promotion de la femme et de la Famille (Marie-Thérèse Abena Ondoa, NDLR) a été elle-même formée en Israël il y a quelques années; ainsi que d’autres personnalités.
Nous intervenons aussi beaucoup au Cameroun dans l’agriculture, domaine dans lequel nous avons plusieurs projets clés. L’un d’entre-eux a pour objectif de former 5 000 fermiers dans l’agroalimentaire et l’agro-industrie, afin de transformer leur activité en une entreprise rentable.
Nous leur montrons aussi comment faire une bonne irrigation par gouttes d’eau, une technique inventée en Israël.
Parmi les domaines de coopération avec le Cameroun, il y a aussi la haute technologie et les startups. Si Israël est riche aujourd’hui, ce n’est pas grâce aux ressources naturelles mais à l’intelligence.
Très peu de personnes le savent: de nombreuses inventions mondiales, à l’instar de l’impression numérique et Skype (logiciel permettant de passer des appels téléphoniques et vidéo via Internet, NDLR) , ont été faites en Israël. C’est quelque chose que nous voulons faire au Cameroun parce que nous croyons que ce pays est la prochaine “Silicon Valley” de l’Afrique. Si vous allez à l’Ecole nationale supérieure polytechnique de Yaoundé, vous y verrez un centre de haute technologie créé par Israël.
C’est le plus avancé dans toute l’Afrique et il attire régulièrement des étudiants étrangers. Il est si avancé que le gouvernement camerounais nous a demandé de l’étendre et de créer le tout premier département d’Afrique en impression 3D. Nous investissons également dans la promotion des médias, des activités culturelles, de la société civile, ainsi que dans les sports.
Je voudrais souligner une fois de plus qu’Israël veut densifier ses relations avec l’Afrique car nous avons aujourd’hui des ressources qui n’étaient pas disponibles avant.
Source CamerNews