Alors que le film Fin de Partie est en salle depuis cette semaine Judaïciné revient sur les motivations des deux réalisateurs israéliens Sharon Maymon et Tal Granit...Interview...
Pourquoi avoir abordé le thème de la fin de vie ? Cette histoire est-elle inspirée de votre histoire personnelle ?
L’élément déclencheur a été la mort d’Helga, la grand-mère d’un ex-petit ami de Sharon. Elle souffrait d’un cancer et était sous antidouleurs les derniers mois de sa vie. Le jour de sa mort, à l’âge de 90 ans, voici ce qu’elle a dit : “Je n’aurais jamais pensé souffrir à ce point avant de mourir”. Sharon était aux côtés des proches d’Helga le jour de sa mort. Pour eux tous, la mort la délivrait de cette souffrance. Mais des ambulanciers ont été appelés avec pour mission de la sauver. Ils ont tout tenté pendant presque une demi-heure. C’est ce moment absurde et douloureux qui nous a donné envie de faire ce film.
FIN DE PARTIE parle de rupture. Rupture avec ceux qu’on aime et rupture avec soi-même – quand la raison décline. De notre choix à décider comment notre vie se termine. Nos héros sont des personnes âgées, vivant dans une maison de retraite à Jérusalem, des personnes qui ont cessé toute activité. Ce ne sont pas les héros qu’on a l’habitude de voir dans les films. C’est lors de cette phase d’inactivité qu’ils décident de reprendre en main le contrôle de leur destin. Et comme dans toute tragédie où des héros influent sur le cours de leur destin et sur celui de ceux qui les entourent, le prix à payer est lourd. FIN DE PARTIE est aussi un film sur l’amour et l’amitié. Nos cinq personnages se réconfortent, se donnent de la force et de l’espoir dans les bons et les mauvais moments.
Pourquoi avez-vous choisi de le traiter avec humour ?
L’autodérision et l’humour restent nos meilleures armes pour faire face à la mort. Dans nos films, nous faisons en sorte d’aborder des problèmes sociaux contemporains, qui sont souvent sujets à controverse. Ici, notre but était de casser la tension dramatique par l’absurde et la comédie.
Cela est aussi passé par le casting où l’on retrouve des icônes de la comédie israélienne dans des rôles dramatiques. Selon nous, cela rend ce sujet délicat plus accessible pour le public, et avec un peu de chance, de pouvoir les faire à la fois rire et pleurer.
Comment avez-vous choisi vos acteurs ?
Il était essentiel que les acteurs viennent de la comédie, cela permet d’apporter le rythme de la comédie même dans les situations les plus dramatiques. Les deux rôles principaux ont été écrits spécialement pour Ze’ev Revach et Levana Finkelshtein, avec qui nous avions déjà travaillé. Ze’ev Revach est le comédien le plus connu en Israël depuis les années 70.
Comment définiriez-vous vos personnages ?
Yehezkel est un héros tragique. C’est comme s’il s’attribuait le rôle de Dieu quand il décide d’aider d’autres pensionnaires à mourir dans la dignité. Mais comme dans toute tragédie, prendre la place de Dieu peut avoir des conséquences qu’il ne mesure pas forcément.
Les deux personnages homosexuels, Dr Daniel et Rafi Segal, représentent quant à eux la liberté de pouvoir choisir sa vie et pas seulement le moment de sa mort. Tous nos personnages sont des seniors qui, avec l’âge, se sentent plus libres de franchir les limites et de se battre pour ce qui leur semble juste.
Est-ce la première fois que vous travaillez ensemble ? Comment fonctionne votre duo ?
Cela va faire douze ans que nous travaillons ensemble. Nous écrivons tous les jours, parfois mêmes le week-end. Nous passons beaucoup de temps à échanger nos idées puis à écrire et encore écrire. Quand nous passons à la phase d’écriture du scénario, nous pouvons argumenter sur le moindre mot et cela peut durer des jours et des jours… C’est la raison pour laquelle nous n’autorisons aucune improvisation sur le plateau de tournage, les acteurs doivent s’en tenir au texte.
Le film est sorti en Israël ? Comment a-t-il été accueilli ? Notamment par les religieux ?
Le film a été vu par 130 000 personnes en Israël, ce qui est un très bon chiffre. Nous avons également eu un très bon accueil critique. Nous sommes convaincus que le film a permis de poser des questions et d’éveiller les consciences sur le droit à mourir dans la dignité. Bien qu’Israël soit un État religieux, la plupart de ses habitants sont laïcs.
Nous avons été invités à présenter le film à des responsables de maisons de retraites et des médecins. Récemment, nous avons participé à un débat sur la fin de vie organisé par le Ministère de la Santé. La seule inquiétude de la part du public concernait les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer et sur leur capacité et leur droit à demander l’euthanasie.
Source Judaicine