En 1932, au moment ou les nazis prennent le pouvoir en Allemagne, un bibliothécaire juif de Francfort publiait un catalogue de 15 000 livres qu’il avait soigneusement collecté durant des décennies. Le principal sujet de cette collection était ce qu’on appelait, la science du judaïsme. Les étudiants venaient découvrir et étudier dans ces textes la philosophie et la culture juive comme on le ferait pour la Grèce ancienne ou l’époque de Rome...
Pendant les années de guerre, une grande partie de cette collection avait disparu. Mais des bibliothécaires de l’autre coté de l’océan pensent maintenant que nombre des ces textes dorment en fait sur les étagères de l’Institut Leo Baeck, un centre dédié à la préservation de la culture juive allemande et qui se trouve à New-York.
L’histoire de l’arrivée de ces livres en Amérique est vraisemblablement faite de double couture de vêtements, de double fonds de valises et de beaucoup d’imagination pour faire sortir ces ouvrages. En fait la Bibliothèque de l’université de Francfort abrite encore une très grosse partie de la collection. Mais depuis plusieurs décennies, on est à la recherche d’environ 2 000 titres figurant dans le catalogue de 1932.
Voilà 2 ans qu’une équipe de l’Institut Leo Baeck a constaté que ses étagères contenaient plus de 1 000 des titres perdus. Et ces derniers ne sont probablement pas des copies mais les livres originaux ayant appartenu à cette collection exceptionnelle.
En effet, il faut savoir que cette collection marque véritablement l’émergence de la tradition juive comme une philosophie et une culture digne de l’étude académique. Pouvoir la reconstituer aujourd’hui fait le bonheur de nombre de chercheurs.
D’après les spécialistes, certains de ces livres ont probablement étaient amenés à New-York par des collectionneurs privés et des marchands d’antiquités. Au cours des 50 dernières années, leurs propriétaires, des juifs allemands immigrés aux Etats-Unis, les ont donnés à l’Institut Leo Baeck. Ces immigrés allemands comprenaient parmi eux des personnalités comme Hannah Arendt ou le Dr Ruth Westheimer.
Beaucoup fuyaient le régime nazi avec des valises pleines de livres. Herbert Strauss, qui est venu à New-York en 1946 avec sa femme, était le propriétaire d’un de ces fameux livres, un volume de Ludwig Philippson datant de 1843. Comment il était en possession de ce trésor ?
Sa veuve n’en sait rien. Mais elle se rappelle qu’il rentrait toujours à la maison avec les mains chargées de livres. A sa mort, sa veuve a donné à l’Institut Leo Baeck 4 500 de ses livres.
Elle se souvient que quand ils ont dû fuir l’Allemagne nazie, ils n’ont rien emporté avec eux. Ils sont arrivés en Amérique complètement démunis. C’est donc à New-York que son mari s’est reconstruit une bibliothèque en même temps qu’une nouvelle vie.
Ludwig Schwarzschild, un dermatologue, a lui apporté sa bibliothèque avec lui quand il est arrivé à New york en 1934. Bien que son cabinet avait été fermé par les autorités nazies à l’époque, il a pu prendre la plupart de ses affaires avec lui. Madame Singerman, 78 ans, se souvient elle d’une enfance à Manhattan au milieu de la grande bibliothèque remplie de livres de toutes sortes : livres de prières, National Geographic etc…
La lecture c’était important. Son père avait un volume de 1888 d’un livre de Hermann Cohen que la famille a offert à l’institut Baeck l’année de sa mort en 1970. Elle non plus ne sait pas d’où son père avait ce livre mais il avait sans doute dû l’apporter avec lui car il n’a jamais acheté de livres en allemand une fois à New-York.
Même le bibliothécaire de Francfort qui avait fait le catalogue, Aron Freinmann, est arrivé à New-York en 1939. Il a travaillé à la Bibliothèque Municipale de la ville pendant plusieurs années. Aujourd’hui sa petite fille, Ruth Dresner, vit dans le Bronx. Elle garde précieusement le catalogue de son grand père sur ses étagères et veut le léguer à ses enfants.
Source Chiourim