Rare rescapée du camp d'Auschwitz, Ida Grinspan transmet régulièrement son tragique témoignage devant des classes de collégiens. Mardi, ce sont les élèves de 3e du collège Henri-Martineau et ceux de Louis-Merle de Secondigny qui ont été captivés et bouleversés par le récit poignant de son arrestation et de sa déportation.
« Je ne cherche pas à me faire plaindre, je ne raconte que les faits, ce que des hommes ont décidé de faire subir à d'autres hommes, uniquement parce qu'ils étaient nés juifs ou tziganes », annonce-t-elle. « Je suis née à Paris, le 19 novembre 1929. Mes parents, juifs polonais, m'envoient dès 1940 dans une ferme des Deux-Sèvres, près de Melle, pour me protéger des bombardements et où, parfaitement acceptée et intégrée, je fréquente l'école du village. » Pourtant, le 31 janvier 1944, elle est arrêtée par les gendarmes, elle a 14 ans. Interrogée d'abord à Niort, elle est ensuite emmenée à Paris où, prise en charge par la police allemande, elle subit un trajet de 3 jours et 3 nuits, dans la puanteur et la promiscuité, sans manger, entassés à 60 dans un wagon de marchandises plombé.
« Le convoi 68 est arrivé à Auschwitz le 13 février 1944 et, ce jour-là, ma vie a basculé. Aussitôt, les familles sont séparées à coups de matraque. Vieillie par ma coiffure, j'ai suivi les femmes qui, après avoir été tondues et tatouées, réduites à des numéros, n'ont plus d'identité, plus de féminité, plus d'humanité : la soupe, c'est une gamelle pour cinq qu'il faut laper en l'absence de cuillère. » Le convoi 68 a transporté 1.500 enfants, hommes et femmes. 210 hommes et 61 femmes (dont elle faisait partie) sont rentrés dans le camp, 1.229 autres ont été gazés le jour même.
Au quotidien, les déportés sélectionnés pour le travail ont dû supporter d'avoir constamment faim (une soupe claire à midi, deux tartines de pain avec une rondelle de saucisson ou une cuillère de margarine le soir), toujours froid, d'être continuellement épuisée, battue et de craindre le pire à chaque instant. « J'ai survécu grâce à une série de petites chances, à la solidarité de mes compagnes, au dévouement de Wanda, l'infirmière qui soigna mon typhus et mes pieds gelés par la neige pendant la marche de la mort lors de la débâcle allemande en 1945. Après la libération, j'ai retrouvé mon frère mais je n'ai jamais revu ma mère, arrêtée en 1942, ni mon père, dénoncé en 1944, morts tous les deux en déportation. »
Source lanouvellerepublique.fr