Ce Chabbat est assurément exceptionnel, puisqu’il est à la fois le « Chabbat Chira » – lors duquel on lit à la Torah le chant de la mer des Joncs –, et le jour du nouvel an des arbres – Tou BiChvat....
Le Chant de la Gloire
Si l’on examine séparément chacun de ces événements, on remarquera qu’un point central les relie. Commençons par le chant de la mer des Joncs. Trois jours après être sortis d’Egypte, les enfants d’Israël atteignent les rives de la mer des Joncs. Là-bas, une mauvaise surprise les attend : cernés de toute part, ils se voient menacés d’un côté par les troupes égyptiennes, d’un autre par les dangers du désert, et n’ont face à eux que la mer s’étendant à perte de vue.
Pris de panique, ils se voient condamnés.
À tel point que certains envisagent même de renoncer à leur liberté : « Remplis d’effroi (…), ils dirent à Moché : ‘Est-ce faute de trouver des sépultures en Egypte que tu nous as conduits mourir dans le désert ? (…) Mieux valait pour nous être esclaves des Egyptiens que de périr dans le désert…’ » (Chémot 14, 11). Soudain, le prodige survient : la mer se fend et ouvre un passage devant le campement d’Israël. Lorsque les armées égyptiennes y pénètrent ensuite, les murailles d’eau s’abattent brutalement sur ses cavaliers, les noyant dans ses flots sans espoir de survie.
C’est à ce moment que les Hébreux entonnent le Chant de la mer des Joncs. Que nous serions-nous attendus à trouver dans ce Chant ? Certainement des expressions de gratitude, louant le Créateur et Lui rendant grâce de les avoir délivrés des périls qui les menaçaient.
Pourtant, rien de tout cela n’apparaît… L’idée centrale de ce cantique est : « L’Eternel est souverainement grand ! L’Eternel est le maître des batailles ! Ta droite, Eternel, est insigne par la puissance, Ta droite écrase l’ennemi… » Ces hommes avaient-ils donc déjà oublié les périls auxquels ils avaient été exposés quelques heures plus tôt ?
Le but ultime des miracles
Selon le Mayan Hachavoua, ceci révèle la haute stature de cette génération : c’est avant tout la Gloire divine révélée par leur délivrance que les Hébreux voulurent mettre en évidence. Certes, c’est bien pour les sauver de la détresse que D.ieu réalisa tous ces prodiges. Mais à leurs yeux, ces circonstances ne furent qu’un prétexte pour permettre à la souveraineté du Créateur de Se manifester ici-bas.
Laissant de côté les avantages que leur avait apportés le miracle, ils ne cherchèrent qu’à glorifier que la Toute-Puissance de D.ieu.
Même lorsque ce chant évoque l’entrée future du peuple juif en Terre sainte – « Tu guides par Ta grâce ce peuple que tu viens d’affranchir… » –, ce n’est guère son bien-être matériel qui est mis en avant.
Au contraire : « …Tu le guides par Ta puissance vers Ta sainte demeure » – seule la construction du Temple retient ici l’attention des Hébreux, c’est-à-dire le lieu où la Présence divine pourra résider ici-bas et leur permettre aux hommes d’atteindre de formidables dimensions spirituelles.
Tou BiChvat – en hiver…
En clair, il apparaît que toutes les circonstances de notre existence ne sont que des « prétextes » – leur but véritable étant uniquement de permettre à la Gloire divine de Se révéler davantage aux hommes. Les bienfaits – et à D.ieu ne plaise, les épreuves – ne sont qu’un moyen de leur montrer comment la Hachga’ha Pratit [la Providence divine] se manifeste ici-bas.Ce message apparaît également à travers la fête de Tou BiChvat.
Cette date du calendrier juif est considérée comme le nouvel an des arbres, indiquant que les fruits de la prochaine saison seront attribués à l’année suivante. A priori, on aurait certainement mieux vu fixer la date du « renouveau des fruits » au printemps, lorsque la nature renaît et que les bourgeons commencent à poindre.
Ou encore, ce nouvel an aurait pu tomber au début de l’été, alors que les premiers fruits apparaissent.
Pourtant, c’est au cœur de l’hiver, alors que la sève peine encore à atteindre les branches, que le nouvel an des arbres a été fixé. Pourquoi cette singularité ? Parce que ce ne sont ni notre commodité, ni notre conception de la nature qui définissent la Halakha.
Au contraire, le choix de cette date indique que le véritable sens de toute chose est de déterminer une réalité halakhique. Et en l’occurrence, définir le statut des fruits concernant le prélèvement des dîmes, la loi de orla et les fruits révaï. En clair, ce n’est pas la réalité matérielle qui détermine l’application de la Halakha. C’est plutôt l’inverse : la Halakha impose ses critères à la réalité, car elle en est le but ultime.
Cette vision apparaît dans de multiples enseignements de nos Sages. Ainsi, pour quelle raison la main droite est-elle plus importante que la gauche ? Nullement parce que la plupart des gens sont droitiers. Plutôt parce que « c’est avec elle que l’on indique au lecteur de la Torah les intonations des mots » (Bérakhot 62/b).
Pourquoi chacune de nos mains est-elle dotée de cinq doigts ? Parce que les lois de la Torah attribuent à chacun d’eux une fonction spécifique (pour déterminer certaines mesures, et pour exécuter certains services dans le Temple ; cf. Kétoubot 5/b).
Pourquoi les sept espèces de fruits d’Erets-Israël ont-ils une importance particulière ? Parce que chacun d’eux sert de modèle de base pour définir les mesures de la Halakha (par exemple, à Yom Kippour il est interdit de consommer le volume d’une datte ; ou encore, le Chabbat il est interdit de transporter dans le domaine public des aliments du volume d’une figue, etc. cf. Erouvin 4/a).
Source Hamodia