Depuis sa jeunesse, Alfred A. Fassbind étudie le destin de Joseph Schmidt. Ce Zurichois a écrit la biographie du célèbre ténor allemand, mettant en lumière les événements majeurs de sa vie.
Joseph Schmidt naît le 4 mars 1904 à Davideni, près de Tchernivtsi. Cette région au passé mouvementé a d’abord appartenu à l’Autriche-Hongrie, puis quelque temps à la Roumanie, et enfin à l’Ukraine.
Tchernivtsi abrite alors un mélange hétérogène de personnes de cultures et langues différentes, les traditions juives y sont très présentes et la langue allemande y joue un rôle important.
Enfant déjà, Joseph Schmidt se fait remarquer en raison de son talent musical; il aurait fredonné la Torah plutôt que de la lire à haute voix à la synagogue. «On le surnomme le Joschi qui chante, et comme c’est l’enfant prodige de Davideni, il est invité par les communes voisines», écrit Alfred Fassbind.
Malgré leur situation financière modeste, les parents de Joseph lui permettent de réaliser son rêve et de partir étudier la musique à Berlin.
Une carrière à l’opéra n’est toutefois pas possible pour Joseph Schmidt: il est trop petit pour la scène. Mais la jeune radio Medium lance sa carrière et le ténor devient en quelques années l’une des voix les plus célèbres des ondes.
Succès grâce au cinéma
Joseph Schmidt connaît son plus grand succès grâce au tout jeune cinéma sonore, avec le film à la bande son éponyme Ein Lied geht um die Welt («Une chanson fait le tour du monde»), qui sort dans les salles l’année décisive de 1933.
Cette œuvre marque à la fois l’apogée et la fin de sa carrière en Allemagne. La presse nazi bout et le journal Völkische Beobachter écrit, en référence à l’essor du nazisme dans le pays: «La chanson que nous entendons aujourd’hui partout en Allemagne a un autre rythme, une mesure plus vive, des mélodies exaltantes et vient d’un cœur plus sincère que ce que nous avons entendu dans le film...»
Mais Joseph Schmidt ne pense pas encore à émigrer et transfère ses activités en Autriche, puis en France.
Durant les années précédant la guerre, il réalise des tournées de concert triomphales.
Il chante aux Pays-Bas, en Belgique, plusieurs fois en Suisse et effectue un grand voyage à travers les États-Unis. Le chanteur remarque toutefois que la situation s’envenime et envisage de partir s’installer à Cuba.
La traversée est toutefois annulée lorsque les États-Unis entrent en guerre en 1941.
Joseph Schmidt n’a plus beaucoup d’options et décide de partir en Suisse avec un groupe de réfugiés juifs, parmi lesquels se trouve Selma Wolkenheim, dont le frère Julius von Orlow est alors directeur de l’usine de cigarettes Sullana à Zurich.
Joseph Schmidt, qui était descendu à l’hôtel Schweizerhof lors de ses précédents séjours à Zurich, loge désormais à la modeste pension Karmel rue Löwenstrasse, non loin de la synagogue de la ville.
Seule cette publicité rappelle l’existence de l’usine de cigarettes Sullana sur le Zürcher Sihlquai. Le propriétaire de cette usine, Julius von Orlow, est intervenu en la faveur de Joseph Schmidt en 1942 et a proposé aux autorités de prendre en charge ses coûts d’hébergement.
Le célèbre chanteur est malade et affaibli. Les autorités veulent l’interner dans un camp pour juifs. Julius von Orlown intervient en sa faveur. Il tente de se porter garant de Joseph avec 10 000 francs suisses et ainsi de lui éviter le camp d’internement, en vain.
Dans le camp de Girenbad dans l’Oberland zurichois, le chef de Joseph Schmidt se comporte vraisemblablement de façon particulièrement sadique. Les pensionnaires du camp reçoivent la sympathie de la population, même si tout contact direct est interdit.
Joseph Schmidt, un simulateur?
Lorsque l’état de santé de Joseph Schmidt empire, on l’envoie à l’hôpital cantonal de Zurich. Pour le médecin-chef Brunner, c’est évident: Joseph simule pour échapper au camp. Il le renvoie à Girenbad.
Quand Joseph Schmidt revient au camp, il n’est plus que l’ombre de lui-même et tient à peine debout.
Il meurt le 16 novembre 1942 à l’auberge Waldegg où on l’avait amené quelques heures auparavant. Le Neue Zürcher Zeitung rédige un court message le lendemain pour annoncer sa mort. Les journaux sociaux-démocrates sont bien plus critiques: «Une honte pour la Suisse» titrent les journaux ouvriers de Bâle et de Thurgovie.
Même après la guerre, des millions de disques portant sa voix paraissent. Son nom reste gravé dans les mémoires, et dans sa ville natale de Tchernivtsi, comme à Berlin et dans l’Oberland zurichois, des plaques commémoratives rappellent le célèbre chanteur et son destin tragique.
En 2019, Lukas Hartmann, auteur suisse de romans, se plonge dans l’histoire du ténor décédé en 1942 et lui consacre un roman historique portant le titre Der Sänger («Le chanteur»).
C’est toutefois l’astronaute Freimut Börngen qui rend à Joseph Schmidt le plus bel hommage en donnant son nom à un astéroïde en 2008.
Source Swiss Info
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