Soutenu par l’Iran et la Turquie, Doha devait revoir son réseau d’alliances mais parvint à résister.
L’embargo fut un échec et le Qatar est toujours là. Il en va de même pour l’Iran, qui malgré l’agitation interne, résiste face à la pression maximale de Donald Trump. Cela peut-il durer ainsi ?
Jusque-là, les alliances étaient claires : d’un côté Arabie Saoudite et EAU adossés aux Etats-Unis et Israël contre l’Iran et en guerre au Yémen, et de l’autre un Qatar qui ne partageait pas du tout la vision géopolitique de l’Iran pour la région.
Quid depuis quelques semaines ? Pourquoi les Emirats se sont-ils tout à coup rapprochés de l’Iran et pourquoi le vieux Roi Salmane fait elle des appels du pied à Doha en invitant l’Emir Tamim Al Thani au prochain sommet du CCG ?
Il faut remonter un peu le cours de l’histoire récente.
A l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, et incapables de parvenir à convaincre Barack Obama du danger iranien depuis huit ans, les EAU avec le concours de l’Arabie Saoudite en première ligne, allaient pouvoir finir de convaincre dès 2016 la Maison Blanche de démanteler l’accord sur le nucléaire iranien.
Le Qatar et Oman s’y opposaient fermement. Mais probablement que les EAU n’imaginaient pas, comme pour le Qatar d’ailleurs, que Téhéran résisterait à ce point.
Fervent défenseur des sanctions contre le régime perse, et de la « pression maximale », MBZ a compris rapidement qu’un potentiel embrasement de la région ne servirait pas ses intérêts. Et qu’il valait mieux tenter de se rapprocher de nouveau de l’Iran.
En novembre 2019, Anwar Gargash, le Ministre des affaires étrangères émirati déclarait en substance que l’escalade avec l’Iran ne servait personne et qu’il fallait revenir à une diplomatie collective pour résoudre la crise. Au-delà du discours de façade, il semblerait que ce rapprochement soudain soit conditionné à deux changements de stratégie pour Abu Dhabi envers son voisin: le retrait du Yémen et la sécurisation maritime du Golfe.
Mieux vaut toujours pour les Emirats de la stabilité autoritaire, quel que soit l’acteur, qu’un glissement vers le désordre.
Il fallait donc entamer un processus de désescalade pour au moins montrer qu’en cas de dérapage, les EAU ne seraient pas à l’origine d’une guerre ouverte avec son géant voisin.
Mais il y’avait aussi un véritable intérêt économique au réchauffement forcé. Abu Dhabi a fait les frais des sanctions remises en place après le retrait américain de l’accord, puisque la communauté iranienne à Dubaï joue un grand rôle économique et a toujours été très puissante.
Avec les premières vagues de sanctions américaines avant l’accord de 2015, la ville était même un second port de substitution pour les Iraniens. Mais depuis la multiplication des crises dans le Golfe depuis 3 ans, les Iraniens de Dubaï s’en vont.
C’est un exode massif qui bénéficie largement désormais notamment à la Turquie et à Oman.
Le pays a perdu la moitié de ses Iraniens est passé de 700.000 à seulement 350.000 !
Il en va de même désormais pour les échanges commerciaux qui étaient évalués à près de 20 milliards de dollars en 2018 et qui se sont réduits de moitié. Il se pourrait donc que dans les mois à venir, la relation entre les deux pays s’intensifie comme jamais.
Evidemment, tout cela est déjà vu d’un très mauvais œil par l’Arabie Saoudite qui n’avait plus de solution que de tenter un rapprochement avec l’ennemi juré d’Abu Dhabi : le Qatar.
Face à un risque de déstabilisation économique majeure, incapable de lancer sa diversification, Riyad ne veut pas se retrouver isolé totalement pendant que Donald Trump va batailler pour garder sa place à la Maison Blanche pour les quatre prochaines années en 2020 et prendre de la distance pendant plusieurs mois.
Il paraissait presque évident que le Roi Salmane, y compris pour calmer les ardeurs du prince héritier Mohamed Ben Salmane qui n’a semé que le chaos depuis son arrivée, se rapproche du Qatar.
Dans un contexte où le CCG est mort depuis la mise au ban d’un de ses membres, et devant les risques majeurs d’embrasement du Golfe, l’acte du vieux roi saoudien s’apparente presque à un dernier geste d’honneur et de survie pour résister à la tentation pavlovienne régionale du chaos.
Cela s’apparenterait aussi à la tradition arabe de réconciliation où un Roi sur la fin aspire à laisser un terrain apaisé et stabilisé pour son fils. Salmane a sûrement pris conscience que rien ne peut se faire de constructif et positif dans la région sans le Conseil de Coopération.
C’est ce qui avait été tenté lors du Sommet de la Mecque de mai 2019 mais ce dernier avait abouti sur un échec cuisant des négociations entre tous ses membres.
Serait-ce là la dernière chance d’éviter une guerre ouverte ?
Source Atlantico
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