lundi 30 décembre 2019

«Planetarium» : cinéma et séance de spiritisme dans l’entre-deux-guerres


Rebecca Zlotowski évoque les années 1930 en France à travers l’histoire de deux médiums américaines, interprétées par Lily-Rose Depp (Kate Barlow) et l'israélienne Natalie Portman (Laura Barlow). Dans le paysage relativement cérébral et distancié du cinéma français, on avait d’emblée noté l’intérêt de Rebecca Zlotowski pour les corps en surchauffe. Une puissance physique, ajoutée à un romantisme noir, donne à ses films une énergie singulière, sans renoncer pour autant à l’intellectualité.......Détails........

Le troisième long-métrage de la Parisienne de 36 ans, agrégée de lettres et diplômée de la Fémis, porte encore plus haut ses ambitions. 
Casting international et film d’époque, plongée médiumnique et montée des périls, délire politique et illusion cinématographique, métaphore enfin, sourdement étoilée, d’une menace qui semble de nouveau inquiéter le temps présent.
On est dans le Paris de la fin des années 1930. Les sœurs Barlow, Laura (Natalie Portman) et Kate (Lily-Rose Depp), médiums américaines, se produisent dans un spectacle de spiritisme. 
Un puissant producteur de cinéma, André Korben (Emmanuel Salinger), qui les a remarquées sur scène, les fait venir chez lui pour des séances privées, avant de les persuader de participer à un film, qu’il ruine en mettant au point une caméra susceptible, croit-il, de filmer la présence des morts.
Il s’ensuit que Planetarium est un film baroque et vaporeux, mené grand style, qui danse lui-même au bord du gouffre. 
Dispensateur de grandes beautés, concepteur de grandes idées, il risque sa peau à chaque moment dans les écarts (de régime d’incarnation, de style de jeu, de genre) qu’il ambitionne de concilier. 
La tragédie de l’histoire et la chamade romanesque en sont un autre. Au premier chapitre, l’époque choisie et la figure de Bernard Natan, qui inspire celle de Korben. 
Ce juif roumain, industriel et visionnaire du cinéma, rachète Pathé, la plus grande société de production française, en 1929.
Dix ans plus tard, alors que la société a fait banqueroute, il est victime d’une campagne antisémite, écarté par le conseil d’administration, emprisonné pour escroquerie, déchu de sa nationalité par le régime de Vichy, finalement livré aux nazis qui l’assassinent à Auschwitz.
Là-dessus, un imaginaire se déploie, notamment de cinéma. Natalie Portman, star du Hollywood contemporain, renvoie, à travers son personnage, à l’un des plus célèbres films noirs du Hollywood d’hier, Laura, d’Otto Preminger, dans lequel l’héroïne, objet de tous les fantasmes, est une victime présumée qui revient du royaume des morts, comme Laura Barlow fait revenir les morts à elle dans Planetarium.
Du côté du cinéma français, Emmanuel Salinger joue dans un registre non moins fantomatique. 
Ex-jeune premier chez Arnaud Desplechin, révélé dans La Vie des morts (1991), il incarne dans La Sentinelle (1992) le rôle d’un étudiant en médecine dépositaire d’une tête pourrissante venue directement de l’après-seconde guerre mondiale. 
L’acteur lui-même, que son talent promettait à un brillant horizon, semble s’être inexplicablement effacé.
Rien de hasardeux sans doute. Tout ici forme réseau. Entre la croyance en la puissance rédemptrice du cinéma et la destruction des juifs d’Europe qui s’annonce avec l’arrestation de Korben, Rebecca Zlotowski nous parle, avec une ironie amère, mais une croyance intacte dans son art, de la vie des morts. Laura, la belle ressuscitée, date de 1944.

Film français de Rebecca Zlotowski avec Natalie Portman, Emmanuel Salinger, Lily-Rose Depp (1 h 45).


Source Le Monde
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