L’armée allemande envahit l’Union soviétique le 22 juin 1941. Une bataille monumentale s’engage sur 1000 km de profondeur jusqu’aux portes de Moscou, quand l’hiver russe stoppe la percée nazie.
En 200 jours, ces monstrueux combats vont provoquer la mort de cinq millions de personnes, en majorité des militaires et des civils soviétiques. Sur ce front de l’Est, mille êtres humains sont tués chaque heure, nuit et jour.
Cette nouvelle campagne de Russie devient ainsi la plus sanglante confrontation de l’histoire de l’humanité, une "guerre absolue", comme le précise le sous-titre du livre.
Elle broie les corps des soldats. Pêle-mêle aussi, les habitants de Leningrad meurent par dizaines de milliers dans leur ville assiégée, des communautés juives entières sont assassinées par balles dans les ravins et fossés antichars et la masse des prisonniers de guerres soviétiques périssent d’inanition à même le sol, sur la terre désolée de 200 camps à ciel ouvert, le long de la ligne de front.
Quinze ans de patientes recherches historiques
L’imposante somme (950 pages) écrite par les historiens Jean Lopez et Lasha Otkhmezuri va plus loin que le récit de ces opérations déjà détaillées par nombre d’auteurs.
Leur travail est l’aboutissement d’une quête, menée depuis quinze ans, sur cette confrontation germano-soviétique. Elle est étayée par une masse de documents, souvent inédits, recueillis dans les archives russes et allemandes, grâce à un réseau de documentalistes.
Les auteurs reconstituent au plus près du terrain, les prémices de la tragédie, son déroulement, le dénouement.
Dans la salle des états-majors, sur les routes du front, auprès des ouvriers des usines, au bord des fosses communes, le plus grand soin est apporté au récit dans les moindres détails.
L’anecdote, dans son sens le plus noble, aide à faire comprendre le tout d’un évènement : "23 juin, 03h 50. Première bataille. Tank contre tank. Mon char prend feu (…) A droite et à gauche de la piste, des chars en feu. Notre commandant est mort. Le pied emporté par un coup direct", Erich Hager, sous-officier à la 17e division panzer.
Au-delà du récit historique, la technique des uchronies est souvent mobilisée par les auteurs.
Ces projections permettent d’imaginer ce qu’une décision de tel acteur ou tel évènement aurait pu modifier au cours de l’histoire s’il était advenu.
Une archéologie de l’opération Barbarossa
Le mécanisme de la barbarie est décortiqué depuis l’origine du communisme bolchevik et du national-socialisme, les deux grands totalitarismes du XXème siècle.
L’ouvrage égrène une chronologie implacable de 1917 à 1940, quand tout se noue après la défaite de la France.
Les auteurs expliquent qu’Hitler imagine pour ses armées une bataille différente de tout ce qui imaginable.
La Wehrmacht et les SS ont l’ordre d’exploiter le territoire et le sous-sol soviétique mais aussi d’asservir les Slaves, d’exterminer les populations juives en utilisant tous les moyens, y compris contre les femmes et les enfants.
En face se déploie une autre logique infernale.
Le NKVD, la police politique de Staline, a pour ordre de fusiller tout soldat et officier, y compris de haut-rang, suspectés de "lâcheté" ou d’"abandon de ligne". Dans les premiers mois de la débâcle générale russe, cet ordre implacable a pour effet de suspecter n’importe qui, même les familles des suspects peuvent être déportées en Sibérie.
Jamais depuis les guerres de religion, un conflit n’a atteint un tel degré de radicalité idéologique.
Deux croisades ont lieu. Selon les camps, l’une contre le "judéo-bolchévisme", l’autre contre le "capitalisme" traqué dans ses moindres expressions.
Au service de ces deux projets, cinq millions d’hommes de part et d’autre, épaulés par 30 000 avions et 25 000 chars, alignés sur une mouvante ligne de front.
La population civile, prise dans un étau, se trouve coincée entre les deux plus grosses machines militaires de l’époque : la Wehrmacht et l’Armée rouge.
Les racines du mal
Pourtant, en 1919, au sortir de la Première guerre mondiale, la Russie n’est pas encore l’ennemi principal des nationalistes allemands. Leur cible principale reste la France, après ce qu’ils nomment le "diktat" du traité de Versailles. Les choses ne sont pas encore figées pour Hitler et les siens, la haine des Slaves viendra peu après.
C’est un des intérêts majeurs de cet ouvrage que de nous plonger aussi dans l’archéologie du mal : les fadaises du "judéo-bolchévisme".
Les Nazis auraient-ils pu gagner la guerre à l’Est ? La réponse est affirmative mais déroutante. Oui !
Mais s’ils n’avaient pas été nazis et obstinés dans leur convictions. S’ils avaient créé un Etat russe anti-bolchévik.
En 1941, personne ne parie sur la résistance des Russes. Le pays est éreinté par 25 ans de dictature, la masse des paysans végète affamée, recluse dans les kolkhozes, les millions de soldats sont sous-équipés, maltraités par des officiers souvent ineptes, les nationalités de l’empire soviétique sont opprimées, Baltes, Tatars et bien d’autres.
Cinq millions de bagnards croupissent au Goulag, la police politique est haïe et présente partout, la délation demeure la règle.
Si les ordres allemands avaient été de réintroduire la propriété paysanne, de reconnaitre les communautés ukrainienne, lettonne et autres ! Mais il n’en a rien été. Pour les nazis, le Slave demeure un sous-homme, le soldat russe un objet de mépris, sous-estimé jusqu’au bout.
L’Ukraine, la Biélorussie sont donc mises en coupe claire, tout en conservant la collectivisation des terres tant détestée.
La sauvagerie inouïe des Allemands à l’égard du peuple soviétique, sans parler de la Shoah, provoque, dès l’automne 1941, le sabotage et bientôt la résistance d’une partie de la population, au départ plutôt passive devant de la percée allemande.
Les contre-offensives de l’Armée Rouge feront désormais la différence avec l’incroyable résistance du "soldat soviétique", célébré à la fin de sa vie par leur chef, le Maréchal Joukov, dans ses Mémoires.
Barbarossa 1941. La guerre absolue de Jean Lopez et Lasha Otkhmezuri, Edition Passés/Composés
Source France TV Info
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