L'auteure et illustratrice britannique Judith Kerr, décédée à 95 ans, avait fui, enfant, l'Allemagne nazie pour Londres, où elle était devenue une "conteuse brillante", accédant à la reconnaissance dès son premier livre, "Le Tigre qui s'invita pour le thé". Elle est décédée mercredi chez elle à la suite d'une courte maladie, a annoncé jeudi son éditeur, HarperCollins.......Détails........
"C'était une artiste et une conteuse extrêmement talentueuse qui nous a laissé une oeuvre extraordinaire", a déclaré Charlie Redmayne, le PDG de HarperCollins, sa maison d'édition depuis 1968, année de publication du "Tigre". Ce livre pour enfants a depuis été traduit et vendu à plus de 5 millions d'exemplaires dans le monde.
Sophie et sa maman prennent le thé dans la cuisine quand on sonne à la porte. Un énorme tigre s'invite à leur table, dévore le goûter, boit tout ce qu'il trouve, puis repart et ne revient jamais.
Depuis sa publication, en 1968, cette histoire a été racontée à des générations d'enfants.
"C'était une histoire du soir que j'avais imaginé pour ma fille de trois ans", avait raconté l'an dernier à l'AFP la nonagénaire, cheveux gris bouclés et sourire espiègle, dans le salon de sa maison en briques du sud-ouest londonien, où elle a élevé ses deux enfants, Matthew et Tacy.
Le mari de Judith Kerr, l'écrivain et scénariste Nigel Kneale -- aujourd'hui décédé -- était en déplacement et sa femme et sa fille "s'ennuyaient beaucoup" sans lui. "Nous espérions que quelqu'un vienne et j'ai pensé qu'un tigre serait assez sympathique".
- Exil -
Née en Allemagne le 14 juin 1923 dans une famille juive, Judith Kerr était arrivée il y a plus de huit décennies à Londres, à l'âge de neuf ans, après avoir quitté Berlin précipitamment.
En février 1933, un policier anonyme appelle le père de Judith Kerr, Alfred Kerr, éminent critique de théâtre et dramaturge opposé au nazisme.
"Mon père était cloué au lit avec la grippe et cet homme l'appelle et lui dit: 'Ils veulent confisquer votre passeport, vous devez quitter le pays immédiatement' ".
Alfred Kerr mesure immédiatement la gravité de la situation et prend le premier train pour la Suisse, où le rejoignent quelques jours plus tard sa femme et leurs deux enfants, un jour seulement avant la prise de pouvoir des nazis.
Pour la jeune Judith et son frère, cet exil -- la Suisse puis la France et enfin l'Angleterre -- prend des allures d'aventure.
Ce n'est que bien plus tard qu'ils réaliseront l'angoisse dans laquelle étaient plongés leurs parents, subitement sans ressources et terrifiés à l'idée d'être rattrapés par les nazis.
Judith Kerr a raconté cette fuite dans un roman intitulé "Quand Hitler s'empara du lapin rose", un livre qui figure depuis des années au programme des écoliers allemands.
Deux écoles primaires portent aujourd'hui le nom de l'auteure, l'une à Berlin, non loin du quartier de Grunewald, où vivait la famille Kerr, et l'autre dans le sud de Londres.
Pour Judith Kerr, le succès du livre est dû au fait qu'"à l'époque de sa publication, les Allemands n'avaient pas réussi à parler du passé à leurs enfants". Le livre a été un "moyen facile" d'évoquer cette période.
- "Humour mordant" -
"Je suis vraiment désolée" pour les écoliers allemands ayant dû plancher sur le livre, avait-elle ajouté malicieusement, "j'ai toujours détesté écrire des dissertations sur des livres que j'avais lus".
A 95 ans, Judith Kerr continuait de travailler, affûtant ses dizaines de crayons colorés, dans son studio installé au deuxième étage de sa maison, avec vue sur un immense parc.
Son dernier livre, "Mummy Time", est paru l'an dernier aux éditions HarperCollins qui doivent publier en juin un prochain ouvrage pour enfant, "The Curse of the School Rabbit" (La Malédiction du Lapin de l'Ecole).
Ann-Janine Murtagh, éditrice exécutive de la littérature jeunesse pour HarperCollins, a salué l'"esprit" et l' "humour mordant" de l'auteure qui a "vécu sa vie comme une grande aventure et profité de chaque jour pleinement".
Source Boursorama
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