C’est l’histoire d’une déconfiture pleine de panache. En 2000, le groupe israélien Ping Pong, a fini seulement 22e, sur 24, à l’Eurovision, mais sa performance est entrée dans l’histoire. « Le message de leur chanson était clair, mais ils chantaient en hébreu, souligne Alon Amir, ancien responsable presse de la délégation israélienne à l’Eurovision. Ils n’ont pas réussi à transmettre le message, mais surtout, ils chantaient très mal. ».......Détails et Vidéo........
Effectivement, vocalement, l’amateurisme est total et c’est un festival de fausses notes.
Les quatre membre du groupes – deux hommes, Guy Asif and Roy Arad, et deux femmes, Yifat Giladi and Ahal Eden – ne sont absolument pas des chanteurs professionnels et ils ont participé au concours d’abord comme une blague. Ou, du moins, en prenant les choses à la légère.
Concombres, keffieh et baiser gay
Leur chanson, Sameyakh (« Quel pied ! ») parle d’une jeune femme qui, dans son kibboutz, se languit de son amant syrien et en vient à « vouloir un concombre ».
Elle a été préférée à 83 autres propositions (!) par un petit comité chargé de sélectionner le morceau pour représenter Israël à l’Eurovision.
Dans le clip, signé par le réalisateur Eytan Fox, alors débutant, le quatuor s’amuse avec des concombres, un keffieh, s’embrassent sur la bouche… dans la nonchalance et la bonne humeur.
La chose ne fait pas grand scandale.
Il faut attendre la première répétition de Ping Pong sur la scène du concours, qui se déroule cette année-là en mai à Stockholm, en Suède, pour que la polémique éclate. Lors de leur prestation, les deux hommes échangent un baiser sur la bouche et les quatre candidats terminent leur morceau en agitant des drapeaux israéliens et syriens en compagnie de leurs deux choristes.
« On souhaite la réconciliation avec les pays arabes »
Pour eux, il s’agit d’un geste pacifique, invitant à réchauffer les relations glaciales qu’entretiennent les deux pays.
« La chanson parle d’amour et de paix, alors on pensait que ce serait une bonne idée d’utiliser les drapeaux de la Syrie et d’Israël parce qu’on souhaite la réconciliation avec les pays arabes », déclare alors Eytan Fox, cité par le Guardian.
Mais des fax ne tardent pas à affluer en provenance de l’État hébreu pour exiger que le groupe fasse l’économie de ces facéties. Un ordre auquel les candidats israéliens n’ont pas l’intention d’obéir. La veille de la finale, Gil Samnsonov, alors président de l’Autorité de radiodiffusion israélienne (IBA), désavoue officiellement le groupe : « Ils participeront, mais pas au nom de l’IBA, ni des Israéliens. Ils ne représenteront qu’eux-mêmes. (…) Cela a commencé par de la provocation sexuelle et cela a tourné à la provocation politique. Qu’est-ce que c’est censé vouloir dire ? Tout le monde sait que les Israéliens veulent la paix avec la Syrie. »
Le 13 mai, les quatre membres de Ping Pong sont les premiers à se lancer sur la scène de l’Eurovision. Ils reproduisent le baiser et agitent les drapeaux.
« C’est la chose dont je suis le plus fier de toute ma vie », déclarera Roy Arad dans le documentaire The Loser Takes It All consacré à cette affaire. Du côté des points, la récolte est maigre avec seulement sept points reçus (dont six de la France !) synonyme d’avant-avant dernière place.
Pour Israël qui avait remporté le concours deux ans plus tôt et fini cinquième l’année d’avant, l’échec est cinglant.
Retour en disgrâce
Face au scandale la maison de disques a rompu son contrat avec le groupe et cessé la commercialisation de leur album, alors que Sameyakh s’était classée en tête des meilleures ventes.
« Quand ils sont rentrés en Israël, [les membres de Ping Pong] n’étaient pas aimés. Ils avaient fait un mauvais résultat et personne n’a plus vraiment entendu parler d’eux, avance Alon Amir. Aujourd’hui, quand les gens entendent cette chanson, ça leur donne le sourire. »
Les membres de Ping Pong représentaient en tout cas une jeunesse israélienne pacifiste, ouverte à une normalisation des relations avec les pays voisins.
La fin d’un espoir
Leur participation à l’Eurovision s’inscrit dans le contexte bien particulier du printemps 2000. « Ce sont les derniers mois de l’espoir de l’accord Oslo [sur la résolution du conflit israélo-palestinien], les derniers mois de la gauche au pouvoir, rappelle Julien Bahloul, ex-journaliste de la chaîne i24News.
Deux mois après l’Eurovision, le Sommet de Camp David entre Ehud Barak et Yasser Arafat se soldera par un échec.
Dans un discours, Ehud Barak déclarera : "Si nous devons nous diriger vers un nouveau cycle de violences avec les Palestiniens, nous pourrons regarder nos enfants dans les yeux et dire que nous avons tout fait pour l’éviter." »
En septembre de la même année commencera la seconde intifada, la « guerre des pierres ».
« Des attentats suicides surviennent alors presque tous les jours et Israël réinvestit les territoires autonomes », relate Julien Bahloul. Les sept petits points récoltés à l’Eurovision en deviennent anecdotiques. En revanche, avec le recul, la légèreté et la joie naïve des quatre candidats israéliens sur la scène du concours, ne résonne que plus tragiquement encore.
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