Un dessin, deux procès. D’abord condamné après son rejet de pourvoi en cassation le 26 mars à 10.000 € d’amende pour la publication d’une caricature négationniste en 2016, c’est la prison que risque, ce lundi 15 avril, l’essayiste « antisioniste » Alain Soral........Détails........
En cause, la mise en ligne sur son site en novembre 2017 des conclusions de son avocat dans l’affaire de la caricature. Y figuraient, entre autres, des citations du négationniste Robert Faurisson.
Ce procès à double fond n’est que le dernier d’une longue liste de poursuites accumulées par celui qui s’est imposé, au cours des quinze dernières années, comme le centre de gravité du complotisme français.
En mai 2015, il est condamné pour apologie de crime contre l’humanité après avoir écrit au sujet des « chasseurs de nazis » Serge et Beate Klarsfeld « Voila ce qui arrive quand on ne finit pas le boulot ! »
En décembre 2017, la mise en vente sur son site d’une affiche négationniste lui avait valu une amende de 6 000 €.
Liste antisioniste
Aujourd’hui âgé de 60 ans, Alain Soral a accédé à la notoriété au début des années 2000 par une série d’essais véhéments dénonçant les « communautarismes » dont certains se sont écoulés à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires.
Il séduit à l’extrême droite, intègre le comité central du Front National en 2007, et lance son propre mouvement Égalité et Réconciliation, visant à capter le vote populaire et banlieusard en revendiquant « la gauche du travail et la droite des valeurs ».
Il finira par claquer la porte du FN, faute d’avoir obtenu une place de choix sur la liste du parti aux européennes de 2009.
Sa « Liste antisioniste » lancée avec l’humoriste Dieudonné et financée par l’Iran ne rassemblera que 1,3 % des suffrages.
L’aventure électorale se solde par un flop, mais Alain Soral connaît dans les années qui suivent une popularité grandissante.
Son site Égalité et Réconciliation s’impose comme le premier site de « réinformation » de France.
Sur YouTube, ses interviews vidéo dans son emblématique canapé rouge attirent une audience plus vaste encore.
Une popularité en grande partie due à son « alliance » avec Dieudonné, qui a permis, par le truchement de l’humour, d’attirer vers Alain Soral toute une génération de jeunes qui ne s’intéressaient pas à la politique.
“Facho business”
« Soral a joué et continue de jouer un rôle central dans la diffusion du complotisme auprès des jeunes des quartiers populaires en interprétant des pans entiers de l’histoire et de l’actualité à l’aune de sa grille de lecture qui se dit antisystème mais qui est en réalité antisémite, affirme Rudy Reichstadt, directeur de l’observatoire Conspiracy Watch. Dans ce système de pensée, le mal a une adresse, et elle est en Israël ».
De cette popularité, Alain Soral a aussi fait un business lucratif. Dans leur enquête consacrée aux activités commerciales de l’essayiste (1), les journalistes Robin D’Angelo et Mathieu Molard ont décrit les différents moteurs de ce “facho business” qui permettent à Alain Soral d’entretenir sa plate-forme : adhésions à son association, droits d’auteur, maison d’édition, gamme de produits bio, équipement survivaliste, et même sa propre marque de vin.
Jusqu’à aller trop loin ? « Ses outrances et les exploitations commerciales de son discours le desservent, au point qu’il est aujourd’hui moins pris au sérieux et perd en audience », explique Robin D’Angelo.
Et si l’essayiste a influencé de nombreux YouTubers “antisystème”, force est de constater que l’heure est au choc des générations.
Plus jeunes, maîtrisant mieux les codes de l’Internet, et plus islamophobes qu’antisémites, les épigones d’Alain Soral n’hésitent plus à se distinguer en s’en prenant directement à lui par vidéos interposées.
Postée en juin 2018, l’une d’elles compte aujourd’hui plus de deux millions de vues.
« En important cette culture du clash, les jeunes YouTubers ‘dissidents’ font de leurs vidéos des objets pop et presque distrayants » analyse Robin D’Angelo qui appelle à la vigilance.
« On oublie que leurs idées politiques infusent, et qu’elles sont toujours aussi dangereuses » prévient le journaliste.
(1) Le système Soral : enquête sur un facho business, Mathieu Molard et Robin D’Angelo, Calmann-Levy, 2015
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