Et de cinq. Ce mercredi 17 avril, sans aucun suspense, Benjamin Netanyahu a officiellement été mandaté pour former le nouveau gouvernement israélien à la suite des dernières élections législatives. Mais son cinquième mandat débute alors que “Bibi” est fragilisé par plusieurs affaires judiciaires.......Analyse.......
Début février, le procureur général a annoncé son intention d’inculper Benjamin Netanyahu pour corruption, fraude et abus de confiance dans trois affaires de dons reçus de la part de milliardaires, d’échanges de bons procédés entre gouvernants et patrons, et de tentatives de collusion avec la presse.
Le nouveau premier ministre a jusqu’au 10 juillet pour demander une audience avant d’être inculpé.
Mais Netanyahu, qui a toujours nié en bloc toutes les accusations et dénoncé une “chasses aux sorcières”, espère surtout d’ici là avoir trouvé un moyen d’échapper à la procédure judiciaire.
Et la piste la plus évoquée est directement inspirée de la législation française: l’immunité du président de la République, rebaptisée “French law” en Israël.
L’immunité présidentielle (du premier ministre)
Dans le détail, Benjamin Netanyahu est impliqué dans trois affaires, dont deux en lien avec des médias.
Le principal dossier concerne des soupçons de faveurs gouvernementales accordées au plus grand groupe de télécommunication israélien, en échange d’une couverture favorable à Netanyahu de la part d’un média lui appartenant.
En dépit de ces accusations, Benjamin Netanyahu est parvenu à s’imposer lors des élections législatives.
Ces dernières n’avaient d’ailleurs pas d’autre but que d’asseoir son pouvoir dans ce contexte troublé, comme l’explique au HuffPost Frédérique Schillo, historienne spécialiste d’Israël:
“Aujourd’hui, Netanyahu peut mettre en avant le plébiscite populaire contre la machine judiciaire. La menace de l’inculpation n’a rien changé pour l’instant et les électeurs ont été d’une fidélité inconditionnelle.” Pour autant, le vote ne sera pas suffisant pour empêcher les poursuites.
La législation israélienne accorde en effet l’immunité aux députés qui siègent à la Knesset. En revanche, le premier ministre, bien qu’il soit député dans son parti, n’en bénéficie pas.
Benjamin Netanyahu, désormais reconduit à son poste, risque donc de devenir le premier chef du gouvernement de l’histoire d’Israël à être poursuivi pendant son mandat.
D’un point de vue légal, rien ne l’obligera à quitter ses fonctions avant d’avoir épuisé tous ses recours, ce qu’il a bien l’intention de faire.
Mais pour éviter une inculpation humiliante, et qui accréditerait les critiques déjà vives de l’opposition sur sa probité, le premier ministre espère réussir à mettre en place la “French law”, qui interdit toute poursuite pénale contre le président de la République française pendant son mandat.
En l’adaptant bien sûr à la personne du premier ministre.
Netanyahu entretient le flou
L’idée d’une immunité du premier ministre a été évoquée en Israël dès 2016. Elle s’est ensuite concrétisée en janvier 2017, par le biais d’un projet de loi porté par un membre du Likoud, le parti de Netanyahu et alors que le premier ministre était justement entendu par la police pour soupçons de corruption.
Pour défendre son texte, le député a fait valoir que l’enquête menée avait en fait pour objectif de renverser la droite au pouvoir.
“Il y a un principe démocratique qui fait que les gens choisissent quelqu’un pour diriger le pays.
C’est le principe le plus important, et il prédomine sur tous les autres”, défend David Amsalem.
Mais vingt jours plus tard, la Knesset refuse de trancher et renvoie le vote du projet de loi à une date ultérieure. Depuis, le sujet est régulièrement revenu sur la table, sans qu’aucune décision ne soit prise.
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De son côté, Benjamin Netanyahu joue la carte de la prudence. Fin mars 2019, le premier ministre sortant a déclaré lors d’une interview qu’il n’essaierait pas de faire passer une loi lui assurant l’immunité et a assuré que ce projet avait été porté par des membres du Likoud sans qu’il en soit informé. Mais il a refusé de le promettre formellement, se contentant d’indiquer qu’il “n’avait jamais agi de la sorte auparavant” et qu’il “ne pensait pas qu’il le ferait”.
“Netanyahu n’a cessé de dire pendant la campagne qu’il ne ferait pas voter cette loi, mais évidemment, tout le jeu consistera à dire que ce sont ses alliés dans la coalition qui ont eu l’idée pour lui”, souligne Frédérique Schillo.
La “French law”, au coeur des tractations pour la coalition
Effectivement, la mise au vote de la “French law” et son adoption fait sans aucun doute partie des tractations en cours pour former un nouveau gouvernement.
La plupart de ses partenaires potentiels de la coalition ont fait savoir qu’ils ne quitteraient pas le gouvernement si le premier ministre était inculpé.
Et certains alliés issus de l’extrême droite ont déjà pris position en faveur d’une immunité du premier ministre.
“Ça dépendra des négociations avec ses alliés, et ce sera compliqué. Si Netanyahu obtient le vote de cette loi, ça lui coûtera cher. Il devra donner des gages aux religieux, à l’extrême droite… Est-ce que ce gage ce sera l’annexion entière ou totale de la Judée Samarie?”, s’interroge la spécialiste, alors que Benjamin Netanyahu s’y est justement montré favorable à la toute fin de la campagne.
Le projet de loi est cependant loin de faire l’unanimité, y compris au sein du Likoud. Quelques jours avant les élections législatives, et alors que “Bibi” s’était de nouveau montré évasif sur la question, plusieurs hauts responsables de droite s’y sont ouvertement opposés.
“Il a promis qu’il n’essayerait pas (de faire passer la loi, ndlr) et si une proposition similaire est proposée par d’autres à la Knesset, je m’y opposerai”, a ainsi déclaré le ministre sortant de la Sécurité publique Gilad Erdan, membre du Likoud.
Outre ces divergences, le projet de loi se heurte à plusieurs autres difficultés. Tout d’abord, la question de la rétroactivité de la loi, essentielle pour protéger Netanyahu, divise.
Ensuite, il va désormais falloir compter avec une opposition plus forte à la Knesset: le parti “Bleu-blanc”, arrivé en deuxième position aux législatives avec 35 sièges, entend bien peser dans la balance.
Le numéro deux de la liste, Yaïr Lapid, a ainsi promis de “rendre la vie amère au gouvernement Netanyahu” et de transformer la Knesset “en champ de bataille”, autour notamment des dossiers judiciaires du premier ministre.
Enfin, la Cour Suprême pourrait également retoquer la loi, si jamais elle était votée.
Un “enjeu démocratique”
Si jamais la loi n’était pas votée, Benjamin Netanyahu pourrait éventuellement compter sur la bonne volonté du Bureau de la Knesset, qui pourrait refuser de lever son immunité parlementaire en tant que député.
Quelles qu’elles soient, ces démarches doivent cependant intervenir rapidement, avant la date limite fixée pour l’inculpation au mois de juillet. “C’est une question de semaines.
Le gouvernement peut se former assez rapidement, dès que Netanyahu a l’aval du président.
Ensuite, ce sont les combines entre partis qui peuvent un peu trainer. Mais très vite les affaires judiciaires vont reprendre, et les avocats et le procureur général vont demander à voir Netanyahu. Il faut donc que ça soit fait rapidement”, explique Frédérique Schillo au HuffPost.
La question de la “french law” risque donc de revenir très rapidement sur le tapis.
“Le vote de cette loi sera un débat majeur, un enjeu de démocratie pour Israël”, insiste la spécialiste.
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