Ce mercredi, huit étudiants en médecine de Paris 13 soupçonnés d’injures antisémites devaient être convoqués devant la section disciplinaire de l’Université. Finalement, la session est reportée en janvier « pour un complément d’information », précise une source proche du dossier. Néanmoins, la section « s’était réunie dans une formation restreinte pour entendre les étudiants incriminés et doit se réunir en formation plénière pour écouter à nouveau les étudiants et prononcer un jugement », indique la présidence de Paris 13.......Détails et Interview........
Injures sur les réseaux sociaux et faits de harcèlement
Elle devra statuer sur des injures antisémites diffusées sur les réseaux sociaux et des faits de harcèlement dénoncés par une étudiante de deuxième année de médecine.
Les faits se sont produits au cours d’un week-end d’intégration, entre le 12 et le 14 octobre.
Des étudiants du BDE s’y étaient livrés à des blagues d’un goût douteux sur la Shoah. L’étudiante de confession juive a fait savoir qu’elle appréciait peu ce genre d’humour. Elle serait devenue leur souffre-douleur.
Une plainte déposée le 20 octobre
L’étudiante s’est rapprochée de l’UEJF (Union des étudiants juifs de France) et elle a déposé plainte le 20 octobre. De son côté l’Université a saisi le procureur de la République.
La ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal a également adressé un signalement au parquet de Bobigny et appelé à des sanctions disciplinaires.
Les faits n’ont pas encore été qualifiés par le parquet. L’enquête est toujours au stade préliminaire.
L’injure antisémite sera-t-elle retenue ? Le harcèlement à caractère antisémite ? Me Péchard, avocat de la plaignante, milite pour la seconde option : « La justice reconnaîtrait vraiment ainsi que l’infraction est caractérisée. »
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Daniel Verba, vice-président de l’université basée à Villetaneuse, a été nommé, à la rentrée, référent « racisme, antisémitisme et homophobie », un poste créé dans les facs après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher en 2015. Il explique son rôle.
Pourquoi cette étudiante ne s’est pas tournée vers vous ?
Daniel Verba. A l’époque, ma mission n’avait pas été rendue publique et l’étudiante a préféré suivre la voie judiciaire.
Mais la faculté de médecine (sur le site de Bobigny, NDLR) a très rapidement réagi en recevant la plaignante et les huit étudiants concernés par la plainte, et en m’associant à cette démarche.
Où en est la procédure disciplinaire ?
La directrice de l’UFR de médecine a demandé au président de l’université de saisir la section disciplinaire. Elle sera prochainement convoquée pour examiner la plainte.
Les étudiants concernés risquent une sanction qui peut aller du blâme à l’exclusion définitive.
Paris 13 est-elle plus touchée par l’antisémitisme ?
Il est difficile de répondre à cette question. Nous ne disposons pas d’informations fiables, qui supposeraient de pouvoir comparer les délits commis dans les autres universités.
Il faut donc se garder de corréler la surreprésentation d’étudiants musulmans à Paris 13 avec l’affaire de Bobigny.
Il m’arrive en effet de croiser des étudiants portant la kippa dans les couloirs de la fac de médecine. A ma connaissance, cela ne pose pas de problème particulier.
L’UEJF (Union des étudiants juifs de France) indique qu’elle n’a jamais pu ouvrir une représentation à Paris 13 ?
En ont-ils vraiment fait la demande ?
Je les y invite, car du côté de la présidence, nous ne nous y sommes bien entendu jamais opposé.
Quel est votre plan d’action pour lutter contre ces discriminations ?
Nous sommes en train de réfléchir à des modalités d’actions qui évitent deux écueils majeurs.
D’une part, la catéchèse antiraciste, qui n’a aucun effet sur la rhétorique raciste ou antisémite. Et d’autre part, le culturalisme, qui consiste à enfermer les autres dans une différence irréductible.
Il faudrait au contraire travailler sur les proximités et surtout lutter contre la ségrégation sociale et territoriale.
Ce que j’observe en tant que sociologue, c’est une forme de lutte des mémoires sans histoire où chacun revendique la plus grande souffrance en niant celle des autres. Comme si l’esclavage était pire que la Shoah ou bien que la colonisation. Cela contribue à fracturer notre société.
Pourquoi est-ce plus difficile d’appréhender l’antisémitisme ?
Jusqu’à la fin des années 1970, « le Juif » était la figure emblématique de l’opprimé. Depuis le conflit israélo-palestinien, les juifs, par amalgame, sont passés, dans les représentations collectives, du côté des oppresseurs et des colons.
Etre juif, dans le discours antisémite, c’est être riche, puissant et conspirateur… D’ailleurs, être juif ou musulman aujourd’hui n’a plus guère de signification religieuse. Ces mots désignent plus des rapports sociaux de domination que des confessions.
En France, il existe beaucoup d’études sociologiques sur les discriminations, très peu sur l’antisémitisme…
Il reste un impensé des sciences sociales critiques parce qu’il est difficile d’enquêter sur ce sujet encore très sensible.
Il y a bien des essais récurrents sur l’antisémitisme, des chiffres inquiétants sur les agressions antisémites, mais peu d’enquêtes de terrain capables d’embrasser l’ensemble de la question, et surtout d’inscrire l’antisémitisme dans le contexte plus large d’une société en crise sociale.
Source Le Parisien
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